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La rédaction, « Édito », Lectures anthropologiques [En ligne], 1 | 2016, mis en ligne le 24 mai 2017, consulté le 23 avril 2024. URL : https://www.lecturesanthropologiques.fr/290

Créer une revue en 2016 constitue un défi. L’écologie de la recherche, notamment en anthropologie, connaît des changements importants qui tendent à réduire le paysage éditorial. On constate en effet une raréfaction des ressources et du soutien institutionnel pour les titres déjà existants. En outre, les revues sont affectées par les impératifs liés à la bibliométrie, qui conduisent à un formatage des productions et contribuent à la réduction des titres. Tout ceci paraît paradoxal à l’heure où le contexte éditorial pourrait bénéficier de la souplesse de la diffusion en ligne et encourager à la création de titres et de formes. Dans ce contexte, convaincus que le dynamisme de notre discipline passe par la multiplicité des formes éditoriales et des lieux de débat, nous osons l’aventure éditoriale en vous proposant une nouvelle revue semestrielle et en ligne : Lectures anthropologiques.

Lectures anthropologiques est une entreprise originale à plus d’un titre. Uniquement constituée de comptes rendus, cette revue permet d’abord de redonner ses lettres de noblesse à un genre relativement délaissé et jugé souvent mineur dans les colonnes des revues. Le compte rendu de lecture a pourtant été un moteur important de la production intellectuelle, comme le montrent les revues Critique ou l’Année sociologique. Durkheim, par exemple, en fit grand usage pour rendre hégémonique la sociologie qu’il défendait. Notre objectif est bien sûr tout autre. En faisant vivre les écrits par l’écrit, le compte rendu invite aux échanges entre chercheurs et laisse une trace de la confrontation d’idées.

Dans cette perspective, la revue s’attache à la dimension critique des textes qu’elle publie. Les comptes rendus peuvent y prendre la forme de recensions ou même d’essais, et soulèvent obligatoirement un ou des points à soumettre au débat. Ainsi, la présentation classique de la problématique, de l’argumentaire et des conclusions apportées par l’auteur, des points conceptuels et/ou méthodologiques soulevés, ainsi que de l’inscription dans un champ disciplinaire ou thématique, est enrichie d’une discussion portant soit sur une partie, soit sur la totalité des thèses avancées.

Le caractère innovant de Lectures anthropologiques tient également à la diversité des types de documents recensés. La revue s’attache tout particulièrement à rendre compte de numéros thématiques de revues, productions scientifiques à part entière impliquant une connaissance fine de l’état de l’art, un véritable travail de mise en perspective et de coordination scientifique. Ces numéros thématiques sont à même de faire émerger des objets et des questions communs ou transversaux, au même titre que les ouvrages ou les documents sonores et audiovisuels, dont les publications récentes sont également sujettes à recension.

Enfin, Lectures anthropologiques se veut résolument généraliste et a pour objectif de permettre de s’intéresser aux travaux de l’autre, par-delà les spécialités pointues qui nous conduisent à nous replier sur des champs spécifiques. Des discussions plus larges sur les concepts et méthodes sont ainsi rendues possibles par la création d’un espace de réflexion touchant aux aspects tant épistémologiques qu’éthiques. C’est grâce à cette fluidité des échanges que nous pourrons faire exister l’anthropologie par-delà la sphère académique et nous adresser à nos contemporains à propos du monde dans lequel nous vivons. Lectures anthropologiques se donne ainsi pour mission de contribuer aux débats de société sur lesquelles notre discipline dispose d’outils pour apporter des éléments de réponse ou auxquels elle a déjà réfléchi.

Cette initiative s’inscrit dans le projet d’un collectif visant à promouvoir notre discipline, l’Afea (Association française pour l’ethnologie et l’anthropologie). Créée en janvier 2009 suite aux Assises de l’ethnologie et de l’anthropologie, l’Afea est née de la volonté de rassembler l’ensemble des ethnologues et des anthropologues en France, ainsi que de fédérer les nombreuses associations qui contribuent à l’animation et au dynamisme de la discipline. L’activité première de l’association est d’organiser régulièrement un congrès afin de stimuler les échanges à l’intérieur de la discipline (en 2011 à Paris, 2015 à Toulouse). Des journées d’études permettent également de réfléchir aux changements observés dans l’exercice de notre profession et des forums des associations d’anthropologie réunissent ces dernières autour d’échanges sur leurs pratiques. Cette aventure éditoriale s’inscrit donc pleinement dans la mission de l’Afea qui vise à promouvoir les diverses approches et pratiques de l’ethnologie afin d’établir des passerelles entre elles et de leur donner une plus grande visibilité.

D’un point de vue concret, cette revue est mise à la disposition du collectif des anthropologues. En effet, si la rédaction de Lectures anthropologiques est susceptible de solliciter certains auteurs et coordinateurs, elle vous invite à vous emparer désormais de ses colonnes, en soumettant vous-même des comptes rendus ou des numéros thématiques directement sur le site http://lecturesanthropologiques.fr (rubrique contact, ou rubrique rédaction) ou nous contacter à l’adresse suivante : lectures.anthropologiques@gmail.com.

Nous remercions chaleureusement les auteurs de cette première édition qui ont rendu ce projet possible, alors qu’aucun numéro n’était encore paru et que la forme de ces comptes rendus restait à clarifier. Ils ont relevé le défi, tout comme les revues qui nous ont gracieusement fourni les numéros recensés.

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Le contenu de la revue sera amené à évoluer au fil du temps. Cette première livraison de Lectures anthropologiques pose néanmoins les jalons de nos ambitions. Elle est intégralement consacrée à des revues généralistes et emblématiques de la discipline en France : Terrain, Gradhiva, L’Homme, le Journal des anthropologues, Ethnographiques.org et Ethnologie française, d’où le titre de ce premier numéro : « L’anthropologie à la Une ».

Il y est question de thèmes allant de la protection de la nature à la création artistique. Les éditeurs invités et les rédactions s’en sont emparés en proposant des axes analytiques singuliers, auxquels les auteurs des comptes rendus ajoutent leur point de vue critique. Le dossier de Gradhiva porte sur la création en Haïti et dresse un tableau de son histoire sur la longue durée, de la période coloniale à nos jours, et en convoquant différents points de vue.  Dimitri Béchacq salue l’initiative et montre comment ces productions artistiques sont appréhendées au travers d’un paradigme national mais ne peuvent être isolées des rapports qu’Haïti – ses artistes - entretient avec l’extérieur. Avec Ethnographiques.org, Vanessa Manceron met en avant une lecture comparatiste de la conservation de la nature comme force de changement, qui reconfigure les rapports au territoire et les agencements relationnels observables sur différents terrains. Ensuite, Anne-Sophie Sayeux, quant à elle, souligne l’apport du dossier d’Ethnologie française qui propose une analyse des manières dont les normes parcourent le corps d’une catégorie d’âge trop peu étudiée, les 9-13 ans, période charnière entre l’enfance et l'âge adulte. À sa suite, elle s’interroge sur l’opportunité et les difficultés d’entreprendre une analyse du corps vécu par les intéressés eux-mêmes.

Dans cette livraison de Lectures anthropologiques sont également recensés des numéros abordant des thématiques générales et transversales. À propos de la revue Terrain, qui porte sur les virus envisagés comme des « opérateurs relationnels », Sophie Houdart relance la discussion sur des sujets débattus dans et en dehors de la discipline, et analyse les possibilités offertes par ces entités à notre discipline. Par ailleurs, c’est à la formation et à la reproduction des émotions que s’intéresse Jean-Jacques Castéret, à propos du numéro de L’Homme sur la chanson contemporaine. Si le dossier thématique montre comment les matériaux poético-musicaux contribuent à l’appréhension des émotions, l’auteur du compte rendu plaide aussi pour une prise en considération des apports musicaux. Cette recension a en outre un statut particulier puisqu’elle a été écrite à la suite du décès de Daniel Fabre, coordinateur du dossier, auquel l’auteur rend hommage en filigrane. Enfin, le Journal des anthropologues traite pour sa part de la progression des questionnements éthiques et s’interroge sur la véritable nature d’une demande d’éthique accrue en ethnologie. La recension d’Aline Sarradon-Eck envisage les modèles disponibles hors du champ de notre discipline pour entrevoir leurs possibles apports à l’éthique anthropologique.

Autant de questions, de thèmes et de perspectives livrés à votre sagacité. Nous espérons que vous ferez bon accueil à cette nouvelle venue dans le panorama éditorial de l’anthropologie et vous souhaitons une excellente lecture !

La rédaction

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