Immersions (2022-2024) est un programme de recherche-action et de recherche-création comprenant deux projets universitaires multimédias : le webdocumentaire « Inouï. Musiques du monde de Nanterre » (2017), qui propose une découverte par le sonore de la ville1, et « Gilbert Rouget, sous les toits de l’ethnomusicologie » (en cours), futur espace en ligne de ressources ethnomusicologiques via la visite virtuelle de l’appartement de l’ethnomusicologue Gilbert Rouget. Pionnier de l’institutionnalisation de l’ethnomusicologie en France, maître d’œuvre de son développement, Gilbert Rouget fut en effet une figure fondamentale de la discipline au XXe siècle. Après une phase de préfiguration (2020-2021), Immersions est devenu pleinement un projet du Labex Les Passés dans le présent2. Nicolas Prévôt et moi-même en avons la coresponsabilité3.
Les contenus de ces deux projets diffèrent largement : les pratiques musicales et dansées des Nanterrien·nes d’un côté, les archives (sources publiées, documents rares, inédits et même nouveaux) de l’ethnomusicologue Gilbert Rouget et de ses collaborateurs et collaboratrices de l’autre. Leurs échelles d’observation — une ville pour le premier, un appartement pour le second — se distinguent également. Néanmoins, les deux projets relèvent d’un même objectif de formation universitaire à visée professionnalisante, et ont en commun de s’inscrire dans des démarches immersives : celle qui caractérise l’ethnographie d’une part, expérimentée par les étudiant·es dans les quartiers de Nanterre ou chez les collaborateurs et collaboratrices de Rouget comme dans ses archives ; celle que rend possible l’outil multimédia d’autre part, expérimentée par des publics variés, académiques comme non-académiques, que sont les enseignants du supérieur et de l’éducation nationale, les chercheur·euses, les particuliers, les bibliothécaires, les services de la Ville... Les deux projets partagent une approche interactive des données de la recherche scientifique et sont, ou seront, accessibles gratuitement en ligne.
Au fur et à mesure de la mise en œuvre d’Immersions, maints autres points communs se sont révélés entre le webdocumentaire et la visite virtuelle. Le présent Feuillet d’actualité propose de faire le récit de la fabrique pavée de sérendipité de ces projets, puis de rendre compte de l’expérimentation pédagogique de telles formes interactives de production et de diffusion de la recherche scientifique. L’objectif ici est moins de s’attacher aux enjeux théoriques de telles réalisations multimédias, que de témoigner d’expériences humaines collaboratives, qui sont des réponses créatives à des prolongements non anticipés, mais aussi des opportunités pour les étudiant·es d’élargir tant leur domaine de compétence que leur champ des possibles pour penser et restituer la recherche scientifique en ethnomusicologie.
Du passé au présent d’Immersions, ou comment en est-on arrivé là
Le webdocumentaire Inouï est l’une des vitrines du projet Patrimoine musical des Nanterrien·nes (PMN). Débuté en 2009-2010, PMN est le fruit d’une collaboration entre le master Ethnomusicologie et anthropologie de la danse (EMAD) et la Maison de la musique de Nanterre. Nicolas Prévôt, qui en est l’initiateur, explique l’idée citoyenne à son fondement : partir à la rencontre (musicale et dansée) de ses voisins (Prévôt 2016). S’inspirant du projet Le tour du monde en vingt-cinq voisins de Martial Pardo et Mahjouba Mounaïm (1998), l’idée est simple tout autant qu’altruiste4.
Elle s’incarne dans un projet pédagogique d’envergure, à durée indéterminée, au sein duquel les étudiant·es EMAD, microphones, caméras et carnets de notes en main, partent chaque année à la rencontre des Nanterrien·nes. Pour diverses raisons, les pratiques musicales et dansées de ces dernier·ères sont souvent invisibles, et, littéralement, « in-ouïes ». Pour les étudiant·es, il s’agit d’une formation à la recherche par la pratique et — dans la majorité des cas — d’une première expérience ethnographique et de captation audiovisuelle. Pour les Nanterrien·nes, il s’agit de donner à voir et à entendre des compétences musicales et/ou dansées, d’où émergent des récits de vie. Pour tout·es, la rencontre filmée, souvent au domicile de ces dernier·ères, est un moment d’échange et d’enrichissement mutuel : c’est donc par la musique et la danse qu’elles et ils prennent contact et font relation. Malgré la proximité géographique en effet, université de Nanterre et ville de Nanterre sont deux mondes qui se connaissent mal et ne se côtoient guère. Ainsi le proche n’est-il pas pour autant familier.
Au-delà des premières rencontres, le projet universitaire PMN s’ancre dans le territoire en encourageant également la participation des artistes nanterrien·nes rencontré·es à des événements culturels co-organisés par les étudiant·es dans la ville, avec le soutien logistique et financier de la municipalité. Il peut s’agir d’ateliers de musique, de danse, de fabrication d’instruments ou bien de concerts et d’événements comme le très attendu Bal à Fond ! annuel, fête populaire où se rencontrent habitant·es, étudiant·es et personnels de l’université5. Ces événements, où les artistes invité·es sont reçu·es et rémunéré·es de manière égale quel que soit leur statut, sont parfois filmé·es par les étudiant·es6.
Que faire dans un second temps des documents audiovisuels ainsi produits ? C’est pour répondre à cette interrogation qu’est née en 2014 l’idée du webdocumentaire « Inouï. Musiques du monde de Nanterre ». Alors que le webdocumentaire est utilisé dans le cadre universitaire depuis 2010 (Klein 2020), Inouï fait figure de pionnier en France par son orientation tournée vers les voisin·es musicien·nes, danseurs et danseuses7. Pour les étudiant·es, la participation à son élaboration — de la conception à la mise en ligne de contenus — permet d’acquérir de nouvelles compétences liées à l’ethnomusicologie, à l’outil multimédia et à l’archivistique. Pour les détenteurs et détentrices de savoirs musicaux et dansés, le webdocumentaire constitue d’abord une mise en valeur et en visibilité auprès d’un public nanterrien, mais aussi un outil de promotion, puisque le site en ligne permet de contacter les artistes directement.
Au sein d’une ethnomusicologie appliquée et impliquée (Aubert et al. 2016), Nicolas Prévôt situe ainsi PMN-Inouï comme un cas de recherche-action. D’une part, le projet dépasse largement l’illustration d’un phénomène social mais contribue à le faire émerger. Ainsi, la mise en lumière des pratiques des Nanterrien·nes a parfois pour conséquence de modifier le propre rapport à la ville de ces dernier·ères, de même que le regard porté sur elles et eux par les citadins, qui les découvrent sous un nouveau jour. D’autre part, au-delà de l’acquisition de compétences scientifiques et techniques, le projet encourage les étudiant·es à une implication citoyenne au sein de la communauté nanterrienne. La participation des étudiant·es, facultative à ses débuts — tenant uniquement à l’extrême motivation d’une poignée d’entre elles et eux et à des moyens minimes —, est à présent incluse dans la maquette pédagogique du département d’anthropologie.
Le projet de visite virtuelle Gilbert Rouget, sous les toits de l’ethnomusicologie (op. cit.) est plus récent. Il est né suite à l’hommage rendu par nombre de ses collègues et ami·es à l’ethnomusicologue Gilbert Rouget, décédé en décembre 2017 à l’âge de 101 ans. À l’initiative de sa fille Aurélie Rouget-Garma, cet hommage fut organisé sur l’île Saint Louis le 11 avril 2018 par Bernard Lortat-Jacob et le Crem à l’Institut d’études avancées (IEA) de Paris. C’est en effet sur l’île Saint-Louis que Gilbert Rouget vécut quatre-vingts ans, quant à lui dans un petit appartement sous les toits d’un immeuble bourgeois : autrement dit et par conviction politique semble-t-il, au cœur du Paris autrefois populaire des chambres de bonnes.
L’idée première de réaliser une photographie 360 degrés de l’appartement de Gilbert Rouget est née de l’urgence de conserver trace du classement minutieux que l’ethnomusicologue avait de ses propres archives textuelles, photo- et phonographiques. Celles-ci en effet allaient rapidement être déménagées pour conservation8. Mais, devant les nombreuses évocations de l’appartement au cours de cet hommage - et de l’escalier en colimaçon, raide et ciré sur six étages, qui, pour rendre visite à Rouget, permettait seul d’y accéder - l’idée a germé de faire de cette photographie 360 degrés une visite interactive en ligne : monter virtuellement l’escalier jusqu’à l’appartement donnerait accès, par un principe d’objets cliquables, aux archives de Gilbert Rouget et, au-delà, à un certain nombre de ressources ethnomusicologiques (écrits, notes de terrain ou correspondances, enregistrements, photographies, films, entretiens). La présence visuelle et sonore de Gilbert Rouget dans son propre appartement serait rendue par la mise à disposition d’entretiens filmés réalisés de son vivant, tandis que la figure de Rouget émergerait en creux des témoignages de ses collaborateurs et collaboratrices9.
Ces témoignages sont autant d’occasions de mettre en perspective les approches scientifiques, techniques ou artistiques, ainsi que les travaux, de nombreux acteurs et actrices de la discipline ethnomusicologique (chercheur·euses, ingénieur·es du son, cinéastes, acousticien·nes, artistes, journalistes…). Ces histoires personnelles font ainsi émerger sous un éclairage nouveau l’histoire intellectuelle de l’ethnomusicologie en France tout au long de la deuxième moitié du XXe siècle. Cette visite virtuelle se construit actuellement en collaboration étroite avec Aurélie Rouget-Garma, héritière des archives de son père.
Des passés bien présents : se saisir d’heureux hasards
En 2010, la rencontre des étudiant·es EMAD avec le musicien et nanterrien Lansiné Diabaté allait contre toute attente créer un lien décisif et évident entre les deux projets d’Immersions, a priori éloignés en termes de contenus. En effet, au-delà des échanges dans le cadre du projet PMN encore naissant, une amitié s’instaure rapidement et une partie du groupe s’inscrit à l’atelier de pratique de xylophone balafon du musicien. Deux ans plus tard, Nicolas Prévôt offre à ce dernier le double CD des enregistrements musicaux réalisés par Gilbert Rouget en 1952 dans la région de Kankan en Guinée (Rouget 1999). Or, en écoutant ce disque, Lansiné Diabaté et Fanta Mara, épouse de son frère aîné, reconnaissent immédiatement la famille de cette dernière ! À la demande des deux musiciens et en compagnie d’une équipe du CREM, les présentations avec Gilbert Rouget sont faites en 2015, au domicile de ce dernier. La caméra du projet PMN-Inouï immortalise cet instant. C’est ainsi que Gilbert Rouget est présent dans le webdocumentaire Inouï au sein du parcours de vie de Lansiné Diabaté10 et que ce dernier apparaîtra dans la visite virtuelle de l’appartement de Gilbert Rouget.
En outre, ayant pris connaissance par le webdocumentaire de cette histoire… inouïe ! et y découvrant le savoir-faire de Lansiné Diabaté en matière de lutherie, Alexandre Girard-Muscagorry, conservateur au Musée de la musique - Philharmonie de Paris, prend contact avec lui en 2022 pour lui commander un xylophone dont la gamme, équiheptaphonique (composée de sept intervalles équidistants) se fait rare. Le musée donne aussi l’opportunité à Nicolas Prévôt et sa collègue ethnomusicologue et cinéaste Sandrine Loncke de suivre Lansiné Diabaté jusqu’en Haute-Guinée. C’est ainsi qu’en février-mars 2023, ils documentent la construction du balafon équiheptaphonique qui a depuis rejoint les collections muséales, et réalisent un film (en cours) sur le parcours de Lansiné et son statut de griot entre deux pays et deux cultures. Ce voyage est aussi l’occasion de retrouver la cour familiale de Kankan où Gilbert Rouget enregistra les musiciens, et d’y rapporter les photographies et enregistrements alors effectués. Assurément, des extraits vidéo trouveront leur place au sein de la visite virtuelle comme du webdocumentaire, tissant encore un peu plus les liens entre les deux projets. La commande du Musée de la musique, bien qu’indépendante du projet Immersions, fait ainsi émerger la possibilité, que nous n’avions pas anticipée, de prolonger en quelque sorte les travaux de Gilbert Rouget11.
L’expérience pédagogique de nouvelles formes de production et de valorisation de la recherche scientifique
Les projets « Inouï. Musiques du monde de Nanterre » et « Gilbert Rouget, sous les toits de l’ethnomusicologie » sont au cœur d’une démarche créative de formation par la recherche, et sont enrichis par les promotions successives d’étudiant·es du parcours EMAD, de la Licence 3 au Master12. Ils s’inscrivent ainsi dans un temps long qui n’est pas étranger au processus d’élaboration d’un savoir scientifique, sans pour autant être pensés comme des supports de recherche individuelle. Néanmoins, le projet PMN-Inouï a fait l’objet de deux mémoires de Master, rédigés par des étudiant·es des premières promotions (Calderero 2014 ; Ajirent-Sagaspe 2016). L’enseignement engage les étudiant·es dans l’acquisition de compétences transversales, qui leur permettent d’affiner leur projet professionnel mais aussi de s’interroger sur les possibilités élargies de mises en forme de leurs travaux académiques, selon les publics visés. Il engage également une réflexion sur des méthodes plus collaboratives de la recherche et de sa diffusion.
À l’instar de toute démarche anthropologique, chacun des projets comprend un volet « ethnographie » et un volet « écriture-restitution ». C’est sur le plan de la restitution (c’est-à-dire de la mise en forme et de la diffusion) que l’écriture scientifique s’émancipe de sa forme linéaire conventionnelle pour prendre celle de créations multimédias interactives en ligne. Le développement d’un site web pour chaque projet permet ainsi d’articuler, en un même lieu virtuel et autour d’une trame narrative propre, des contenus de formats multiples, qui constituent les ressources de l’analyse ethnomusicologique : sons, images, textes, graphiques. Ces ressources ne sont donc plus séparées, voire supprimées comme dans une publication écrite classique, mais immédiatement accessibles13. L’articulation singulière des contenus produit ainsi une entité qui ne se résume pas à la somme de ses documents.
Chaque étape de la réalisation fait l’objet d’une réflexion pédagogique sur ses enjeux et confronte les étudiant·es à des choix. Comment par exemple capter l’attention d’un large public, qui va ici du néophyte à l’expert des thématiques abordées ? La scénarisation des deux projets en visite libre, visite guidée thématique, ou encore, l’accès direct à l’ensemble des ressources par un menu déroulant donne à l’« interacteur·trice » (Coover 2008, cité dans Ibanez Bueno et Marin 2021 : 16) la liberté de naviguer de manière ludique dans un cadre défini. Il est ainsi possible de suivre les progressions suggérées, mais aussi de manipuler dans une certaine mesure les contenus, en traçant ses propres chemins, en s’attardant sur un sujet ou au contraire en en survolant plusieurs. Quel que soit le public, la trame narrative n’est, de ce fait, ni trop simple — car limitant les choix et donc l’interactivité, elle retomberait dans la linéarité —, ni trop complexe — car l’intuitivité de la prise en main demeure un facteur de durée de la navigation.
Dans Inouï par exemple, chaque lieu de tournage (concerts, entretiens, ateliers) avec un·e même artiste est géolocalisé sur la carte de Nanterre et relié avec les autres pour former un parcours. Chaque parcours de vie d’artiste rappelle les lignes et stations colorées des plans de transports en commun. L’interacteur·trice doit néanmoins « découvrir » littéralement ces parcours après en avoir trouvé le point d’entrée sur la carte de Nanterre, qui correspond systématiquement au long entretien réalisé chez l’artiste. Selon un même principe de découverte, cliquer sur le disque 33 tours Musique Malinke. Guinée (Rouget 1972) posé sur le piano chez Gilbert Rouget donnera accès, par exemple, à l’analyse de l’échelle équiheptaphonique des xylophones guinéens réalisée au moyen d’un sonagraphe par Rouget lui-même et l’ingénieur du son Jean Schwarz. Puis, on pourra « aller plus loin » et prendre connaissance de l’histoire des équipements techniques liés à l’enregistrement sonore, l’analyse et la gravure en ethnomusicologie ; se plonger dans les débats internationaux sur la transcription des musiques de transmission orale ; s’informer sur la collection CNRS-Musée de l’Homme d’éditions phonographiques telles que Le Chant du Monde ; ou encore accéder aux articles d’Hugo Zemp sur d’autres échelles équidistantes, en Côte d’Ivoire et dans les Iles Salomon. Et l’on pourra aller encore plus loin ! en visionnant par exemple des entretiens récents avec les collaborateurs sus-cités.
Comment en outre rendre l’ethnomusicologie accessible au plus grand nombre tout en restant attentif à la rigueur de la démarche scientifique ? À partir de recherches bibliographiques et de consultations d’archives, les étudiant·es travaillent par exemple à la rédaction de « fiches pédagogiques ». Associées à certains contenus, celles-ci apportent des données anthropologiques, historiques, ou encore géopolitiques, expliquent un terme technique, un concept ethnomusicologique, décrivent un instrument de musique et son utilisation, ou encore une danse et le cadre de sa performance. Validées par les enseignants avant toute mise en ligne, elles supposent que les étudiant·es aient elles et eux-mêmes assimilé la notion, puis qu’elles et ils soient en mesure de la restituer.
La rigueur scientifique passe également par l’établissement de contraintes dans la scénarisation de ces créations multimédias, afin que les libertés et pratiques d’usage de l’interacteur·trice ne mettent pas en tension la stabilité du projet (Bouchardon et al. 2011). Ainsi dans Inouï comme dans Rouget, l’interacteur·trice ne peut modifier ni déplacer les contenus, ni même ajouter des ressources sans autorisation des administrateurs. Les contenus en effet ne sont pas évolutifs et ont valeur d’archives. Les narrations dans ces contextes sont des représentations créatives, mais non fictionnelles, de la réalité.
Des réponses similaires à de telles questions contribuent à conférer aux deux projets une identité commune malgré leurs contenus différents. Cette communauté d’identité relève également de l’adoption d’une même perspective acoustique. En effet, si l’espace représenté est immédiatement visuel — une carte plane, géographique et géolocalisée de la ville de Nanterre et une « carte » sphérique de l’appartement de Gilbert Rouget — les ressources disponibles s’appréhendent quant à elles par le sonore. Ainsi, en passant aléatoirement sur ces cartes, la souris de l’ordinateur déclenche involontairement des sons, qui invitent à cliquer. D’autres sons, de l’écologie urbaine pour l’un (autoroute A86, Seine, parcs, stations de RER, marché...), de l’écologie domestique, d’ici ou d’ailleurs, pour l’autre, sont également audibles, mais non cliquables. On pourrait nommer ces interactions visiophoniques plutôt qu’audiovisuelles pour insister sur l’importance du sonore dans ces créations14.
Ces projets, qui ne cessent de s’enrichir et de s’entrecroiser, sont avant tout le fruit de rencontres et de partages. La collaboration en effet est sans doute l’un des maîtres mots. D’une part, outils de valorisation matri-et patrimoniale des musiques et des danses nés dans un contexte académique, les projets s’exercent en étroite collaboration avec diverses collectivités et personnalités non-académiques. Il s’agit moins d’études « sur » que d’études « avec ». D’autre part, la collaboration constitue un enjeu majeur pour les questions d’éthique, abordées uniquement en filigrane dans ce texte. La gratuité et la liberté d’accès sont également des exigences. En ce sens, le code informatique du webdocumentaire Inouï a récemment été mis à jour dans le respect des principes FAIR de la Science ouverte, où les données sont souhaitées « accessibles autant que possible et fermées autant que nécessaire », selon les recommandations du CNRS15. Les projets Inouï et Rouget sont ainsi des modèles adaptés à l’émergence de communautés d’utilisateurs·trices et de développeurs-ses les faisant évoluer, et encouragent le développement de projets similaires en les adaptant aux contraintes de chacun.