Vers une recherche « terrestre » de l’émergence virale

À propos de Lyle Fearnley, Virulent Zones: Animal Disease and Global Health at China’s Pandemic Epicenter, 2020.

Rongtai Chen

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Rongtai Chen, « Vers une recherche « terrestre » de l’émergence virale », Lectures anthropologiques [En ligne], 9 | 2022, mis en ligne le 16 février 2024, consulté le 26 avril 2024. URL : https://www.lecturesanthropologiques.fr/1010

L’ouvrage de Lyle Fearnley se présente comme une tentative anthropologique de suivre les spécialistes de la grippe aviaire et de discuter leur hypothèse selon laquelle la Chine serait l’épicentre des prochaines pandémies de grippe. Il approfondit le thème classique des STS (Science and technology studies) sur l’expérimentation scientifique, mais il en étend la portée aux pratiques agricoles et vétérinaires, ainsi qu’à leurs dimensions sociales et politiques. Tout en appréciant la démarche ethnographique de l’ouvrage, ce compte rendu propose d’élargir la comparaison à d’autres collectifs d’humains et de non-humains pour explorer la singularité de leurs réponses aux enjeux de santé globale.

Lyle Fearnley's book can be read as an anthropological attempt to follow the influenza experts who seek to test the hypothesis that China could be the epicenter of future influenza pandemics. It delves into the classic STS (Science and technology studies) theme of scientific experimentation by extending its scope to agricultural and veterinary practices, and thus to social and political dimensions. While appreciating the ethnographic approach of the book, this review proposes to compare different collectives to further explore their singularity in responding to global health issues.

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Compte rendu de Fearnley Lyle, 2020, Virulent Zones: Animal Disease and Global Health at China’s Pandemic Epicenter. Durham/Londres, Duke University Press.

En 1997, le premier décès humain dû au virus de la grippe aviaire hautement pathogène A (H5N1) a été signalé à Hong Kong. Six ans plus tard, le monde est témoin d’une résurgence du virus, qui réapparaît en Asie du Sud-Est avant de se propager en Asie centrale, en Afrique, en Europe et dans d’autres régions du monde. Ce type de virus se transmet principalement entre oiseaux, mais il traverse parfois la frontière des espèces pour se transmettre à l’humain. Les experts de la santé mondiale craignent que le virus continue de muter et se transmette entre les humains, entraînant une nouvelle épidémie mondiale.

En tant que zoonose potentielle, la grippe aviaire a conduit les organisations internationales concernées à plaider en faveur de l’initiative One Health, considérant la santé humaine, animale et environnementale comme une seule et même question de santé intégrée. En outre, l’émergence du virus H5N1 a renforcé l’hypothèse selon laquelle le sud de la Chine serait l’« épicentre » de la grippe, un thème récurrent depuis l’apparition de la grippe asiatique en 1957. Pour comprendre l’origine de la grippe aviaire, voire la contenir dans son lieu d’origine, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO1) a créé en Chine un centre de recherche destiné à étudier l’épidémiologie des maladies animales infectieuses.

Anthropologue à l’Université de Singapour, Lyle Fearnley a suivi des vétérinaires de la FAO en Chine. Virulent Zones est fondé en grande partie sur sa participation aux enquêtes scientifiques et aux formations vétérinaires effectuées par le Centre d’urgence pour la lutte contre les maladies animales transfrontières (ECTAD2) de la FAO en Chine de 2010 à 2012. Il y suggère que l’épicentre d’une pandémie ne signale pas simplement sa source ou son origine, mais représente aussi un lieu où se croisent les connaissances sur la santé globale et les enjeux de souveraineté nationale. Un tel foyer concentre des enjeux multiscalaires, du global au local (p. 9). En cohérence avec ce point de vue, l’ouvrage est organisé comme un atlas composé de trois cartes superposées. La première reconstitue l’histoire des pratiques scientifiques sur les pandémies grippales, dans laquelle l’accent de la recherche se déplace de la virologie de laboratoire vers l’écologie des virus. La deuxième carte porte sur les pratiques contemporaines de l’élevage de volailles dans la région rurale du lac Poyang en Chine, considérée comme l’épicentre potentiel de la grippe aviaire, et ses implications socio-culturelles. La troisième carte présente les « rencontres diplomatiques » auxquelles se livrent les scientifiques de la FAO, ainsi que le dilemme professionnel des vétérinaires chinois d’aujourd’hui.

Le reste de ce compte rendu suivra en grande partie l’organisation de l’ouvrage. Ce faisant, nous le comparerons brièvement à l’ethnographie menée par Alex Blanchette (2020) sur l’élevage industriel de porcs dans les régions rurales des États-Unis, afin d’explorer divers collectifs d’humains et de non-humains émergeant sous la menace des maladies zoonotiques/épizootiques. À la fin de cet article, nous suggèrerons que l’approche écologique de la recherche sur la grippe aviaire étudiée dans l’ouvrage se rapproche du concept de « terrestre » élaboré par le philosophe Bruno Latour (2019). Ceci nous conduira à questionner la pertinence de la notion de « diplomatie » pour aborder les dimensions politiques des projets de santé mondiale.

Déplacement d’objets scientifiques, du laboratoire au terrain

L’intérêt des scientifiques pour les origines géographiques des pandémies de grippe rend compte d’un tournant écologique dans la virologie suite à de multiples travaux de laboratoire au cours du XXe siècle. Le premier chapitre, bien documenté, reconstitue trois épisodes des recherches en laboratoire menées sur les virus de la grippe, montrant comment les experts de la grippe aviaire modifient leur objet de recherche.

Dans les années 1940, la découverte quelque peu accidentelle de la réaction d’inhibition de l’hémagglutination par le virologue américain George Hirst conduit les scientifiques à différencier les virus de la grippe et les classifier selon leur effet immunologique sur les organismes infectés. Une fois les virus de la grippe classifiés de cette manière, la détection de virus antigéniquement distincts et inconnus prend un sens important : ils sont susceptibles d’être à l’origine d’épidémies de grande ampleur.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la toute jeune Organisation mondiale de la santé (OMS) considère ainsi la surveillance des nouvelles souches de grippe comme un enjeu international. Or, ce suivi collectif de virus ne se réalise que par la standardisation des techniques de prélèvement et d’analyse des virus et par le réseau de laboratoires établis dans les États membres de l’OMS. Ce constat amène l’auteur à recourir au concept de « globalisme infrastructurel »3 (p. 28) proposé par Paul Edwards (2010) pour comprendre le façonnement des connaissances planétaires sur la grippe.

Le programme de surveillance mondiale, mis à l’épreuve lors des pandémies de grippe de 1957 et 1968, déplace à nouveau l’attention des experts de la grippe : dans leur quête internationale de l’origine de la « grippe asiatique » de 1957, les scientifiques proposent pour la première fois l’hypothèse selon laquelle le virus grippal infectant les humains pourrait provenir d’un réservoir animal. Cette hypothèse prend un nouveau tournant lorsque le virologue australien Frank Macfarlane Burnet découvre le phénomène de recombinaison virale : deux souches de virus grippal peuvent échanger leurs gènes et même des segments complets de gène sur le même milieu de culture. Fearnley rappelle dans les pages 40 à 42 de l’ouvrage comment, après la pandémie de Hong Kong de 1968, Robert Webster, virologue d’origine néo-zélandaise travaillant aux États-Unis, réussit à démontrer en laboratoire que deux virus grippaux provenant de deux différentes espèces peuvent être recomposés ou « réassortis » pour former un nouveau virus chez le même hôte animal. Ainsi, les animaux ne sont plus considérés comme de simples vecteurs de virus, mais comme des « réservoir [s] de mélange » (mixing vessel, p. 41) pour de nouveaux virus. Dans cette optique, les virus qui n’ont circulé que chez les animaux peuvent « déborder » (spillover, p. 61) et passer à l’humain, provoquant des zoonoses, comme la grippe aviaire. La collecte et la comparaison des virus de la grippe chez les animaux sauvages ou domestiques pour constituer une banque ou un musée des virus (Keck 2020) — ce que l’on appelle « l’écologie de la grippe » — deviennent ainsi des éléments essentiels du travail de surveillance de la grippe.

Les passages les plus originaux du premier chapitre sont sans doute ceux qui soulignent l’absence de la Chine dans cette histoire de la surveillance mondiale de la grippe (pp. 42-47). Au moment de la pandémie de grippe asiatique, la Chine ne fait pas partie du réseau mondial de surveillance des grippes, car les Nations Unies ne reconnaissent pas encore la République populaire de Chine4. Or, comme le suggère l’auteur, l’exclusion de la Chine communiste de l’OMS est d’autant plus ironique que l’OMS aurait pu recevoir l’avertissement plus tôt de la part des scientifiques chinois. Pendant la grippe asiatique de 1957, l’équipe du virologue chinois Zhu Jiming isole le virus responsable deux mois avant que le laboratoire singapourien signale à l’OMS l’apparition de cette grippe. Les scientifiques chinois avancent même l’hypothèse selon laquelle le nouveau virus pourrait être d’origine animale et serait apparu dans le sud-ouest de la Chine. La Chine reste à l’époque un « point aveugle » dans le réseau mondial de surveillance de la grippe. Ce n’est qu’après que la République populaire de Chine commence à siéger aux Nations unies en remplacement de la République de Chine à Taïwan en 1971 que les scientifiques des organisations internationales parviennent à échanger avec leurs collègues chinois, non sans tâtonnements, voire incompréhensions au départ.

Si la reconstitution historique effectuée par Fearnley dans sa première partie rappelle la maxime « donnez-moi un laboratoire et je soulèverai le monde » (Latour 1983), dont les chapitres suivants tentent d’ailleurs de nuancer l’applicabilité, le deuxième chapitre invite les lecteurs à cheminer des sciences de laboratoire aux sciences de terrain. S’appuyant sur le concept de « système expérimental » proposé par l’historien des sciences Hans-Jörg Rheinberger et celui d’« idéologie scientifique » du philosophe George Canguilhem, Fearnley explore comment l’objet d’étude des scientifiques travaillant sur la grippe se déplace de la phylogenèse des virus à l’écologie des virus, les menant ainsi à se déplacer sur le terrain. Selon Rheinberger, un « système expérimental » est la plus petite unité de travail intégrale de la recherche dans laquelle les chercheurs concernés peuvent opérer (Rheinberger 1997). Combinant des aspects instrumentaux, institutionnels, sociaux et intellectuels, le système expérimental est susceptible de générer de nouveaux phénomènes, ou des « surprises », qui modifieraient de nouveau la composition de ce système et l’objet de la recherche. Comme l’importance de ces nouveaux phénomènes ne peut être bien appréhendée par les connaissances disponibles dans le système expérimental précédent, une certaine « idéologie scientifique » intervient dans l’évolution du système expérimental. De manière générale, une idéologie scientifique désigne l’ensemble des idées qui précèdent une science reconnue. Si ces idées s’avèrent a posteriori mal fondées, elles réorientent la recherche scientifique et anticipent l’institution d’une science5.

Fearnley (pp. 50-51) relate ainsi comment Kennedy Shortridge, virologue de l’université de Hong Kong, a mené des enquêtes pionnières sur l’écologie des virus de la grippe aviaire à Hong Kong dans les années 1970, qui l’ont amené à suggérer, sans être en mesure de le prouver, que l’élevage de canards domestiques dans les rizières, pratique agricole répandue dans le bassin de la rivière des Perles, pouvait être à l’origine de la grippe aviaire. Cette affirmation anecdotique ou « idéologique » a fait l’objet de recherches par des scientifiques lors de l’épidémie de grippe aviaire de 2004 en Thaïlande. L’écologiste spatial Marius Gilbert participe au programme de surveillance « active » du gouvernement thaïlandais. S’appuyant sur les enquêtes de terrain ainsi que sur les systèmes satellitaires et la télédétection, il a pu établir un lien entre la circulation des virus de la grippe chez les volailles, l’élevage de canards et la riziculture. D’après Fearnley, c’est l’intérêt pour l’écologie spatiale des virus, devenue désormais un objet épistémique, qui amène les spécialistes de la grippe à s’intéresser davantage aux paysages ruraux chinois (pp. 53-59).

Surprises dans les paysages ruraux en transformation

Lorsque les vétérinaires de la FAO passent du laboratoire au terrain, ils se confrontent à un paysage en cours de transformation par l’aviculture dans la Chine post-réforme. Dans les deux chapitres suivants, l’auteur porte un regard ethnographique sur l’état de l’aviculture en Chine rurale pour illustrer la situation actuelle de ce que l’on appelle l’épicentre de la grippe aviaire.

Le chapitre 3 porte sur l’élevage de canards dans la région du lac Poyang, et examine l’intersection des interventions de biosécurité et des pratiques agricoles locales. Située dans la province de Jiangxi, au sud-est du pays, cette région est l’un des principaux sites de production de canards domestiques en Chine. Autrefois, les paysans locaux élevaient des canards tout en leur permettant de se nourrir dans les rizières et les étangs au bord du lac. Après la réforme économique de la fin des années 1970, la vente de volailles élevées par les ménages agricoles a été autorisée. En réponse à la demande croissante de volaille, de nombreux paysans se sont alors lancés dans l’élevage « spécialisé » et se sont consacrés uniquement à la production de canards.

Or, le développement de l’élevage commercial intensif va de pair avec l’émergence de maladies animales infectieuses. Pour éviter le contact entre les animaux domestiques et sauvages, qui augmente le risque de transmission d’agents pathogènes, le gouvernement chinois suivant les principes de biosécurité de la FAO, a encouragé les aviculteurs à substituer l’élevage en plein air à celui en confinement. Pourtant, les attentes du gouvernement ne se sont pas réalisées. Au moment où Fearnley conduit son enquête, les aviculteurs continuent à élever leurs canards en liberté. L’auteur attribue cet écart entre la vision des autorités sanitaires et la pratique réelle des éleveurs à la stratégie normalisée de prévention de l’Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), à savoir l’abattage des volailles dans des exploitations dès qu’un virus de l’IAHP y est détecté6. Cette stratégie, qui réduit le risque de maladies animales infectieuses au détriment des moyens de subsistance des éleveurs, conduit ces derniers à privilégier l’élevage en plein air, qui peut réduire leurs dépenses d’alimentation.

L’étude ethnographique des pratiques d’élevage fournit des éléments clés de compréhension de la pathogenèse des grippes aviaires. Par exemple, l’auteur remarque, au sein des mêmes exploitations, la coexistence de volailles commerciales « pour le marché » et de basse-cour « pour la famille (à manger) ». Les aviculteurs professionnels locaux distinguent les deux troupeaux en fonction de la proximité à l’espace domestique : les abris des canards destinés à la consommation familiale étant installés à côté de la maison, contrairement aux autres. Les canards pour la famille ont une relation commensale trans-espèces avec les éleveurs en mangeant les restes agricoles et alimentaires (p. 81), alors que les autres sont nourris d’aliments commerciaux transformés. Les canards pour la famille malades sont mangés, alors que les canards commerciaux malades sont brûlés.

Au chapitre 4, l’auteur décrit une autre variante, peut-être plus surprenante, de domestication : la reproduction de formes sauvages d’animaux. Les virologues font l’hypothèse que le contact entre les volailles et les oiseaux sauvages favorise l’émergence de virus hautement pathogènes. Le lac Poyang est à la fois un important site de production de volailles et un lieu d’hivernage pour les oiseaux migrateurs. En tant que lieu de rencontre pour les oiseaux sauvages et domestiques, il attire les scientifiques. Or, pour les experts de la grippe, « domestique » et « sauvage » sont deux catégories distinctes permettant de classer les animaux, alors que pour les éleveurs, la distinction est moins nette. Dans cette région, les aviculteurs hébergent, nourrissent et reproduisent des oies sauvages pour les vendre aux amateurs de gibier. Ils ne se contentent pas d’apprivoiser les oiseaux, ils essaient de préserver leur caractère sauvage, dont leur capacité à voler. Les aviculteurs estiment que le caractère sauvage des oies domestiques peut être « dégradé » par la consanguinité ou leur proximité prolongée à un environnement humain. Pour raviver le caractère sauvage des oies, ils sélectionnent les « oies sauvages pures » provenant des sites de conservation en tant qu’oiseaux reproducteurs qui sont accouplés à des oies domestiques, et ils déplacent les oies sauvages à l’extérieur des barrages du lac.

Ce type d’élevage, appelé « élevage de type spécial », est apparu dans les années 1990, en réponse à l’évolution socio-économique de la Chine contemporaine. Au cours de ces années, d’une part la nouvelle classe aisée consomme de plus en plus de gibier et d’autre part, la croissance des grandes sociétés agro-alimentaires, appelées « entreprises tête de dragon », réduit les moyens de subsistance des petits éleveurs de volaille. Pour trouver un équilibre entre la conservation des ressources naturelles et le développement rural, les gouvernements provinciaux encouragent les paysans à élever des espèces « non traditionnelles » de grande valeur marchande, y compris des animaux sauvages.

Pour les aviculteurs du lac Poyang, l’élevage d’oies sauvages donne non seulement l’occasion de rompre avec l’image de paysans « de mauvaise qualité » (suzhi), un stéréotype répandu dans les conversations quotidiennes ou dans les médias chinois, mais il fait aussi d’eux des entrepreneurs innovants. Tout se passe comme si, en élevant des animaux sauvages, ces éleveurs devenaient eux aussi des acteurs de l’aventure économique de la Chine de l’ère post-réforme. Pour eux, la relation écologique entre le sauvage et le domestique peut ainsi être décrite comme l’objet « d’une expérimentation continue, cherchant constamment à créer des formes distinctives et de nouvelles valeurs » (p. 114).

Or, ces entrepreneurs agricoles mènent leurs travaux expérimentaux à l’ombre du virus. Depuis 2005, le ministère chinois de l’Agriculture a adopté une stratégie de vaccination systématique des volailles contre la grippe aviaire H5N1. Il est cependant difficile de mettre en œuvre une telle vaccination systématique, car certaines volailles, comme les oies sauvages, relèvent de l’administration forestière et non du ministère de l’Agriculture (pp. 119-120). Ainsi, au moment de l’enquête de l’anthropologue, des experts de la grippe ont averti que le virus pourrait se propager silencieusement en Chine (pp.130-132), bien qu’aucun foyer de grippe aviaire n’ait été officiellement enregistré. Les passages ethnographiques de l’ouvrage réussissent à montrer en quoi les pratiques agricoles et la réponse des éleveurs à la grippe aviaire dans la région de Poyang sont façonnées par ce contexte socio-économique. Cependant, nous aimerions savoir si les épizooties émergentes et les nouvelles pratiques qui y répondent modifient à leur tour les traits d’une société – ou mieux, d’un collectif, pour inclure les non-humains dans l’assemblage du social (Latour 2014). En effet, l’anthropologie sociale a bien montré comment les maladies infectieuses émergentes ont modifié à plusieurs reprises notre imaginaire du social7. Il serait donc intéressant de se demander quels traits sociaux émergeraient de cette interaction particulière entre éleveurs chinois, volailles et virus grippaux. Bien que l’auteur décrive avec soin ce à quoi ressemble la Chine rurale sous la menace de la grippe aviaire, l’absence de mise en regard avec d’autres cas comparables empêche d’expliciter sa singularité. Une brève comparaison peut s’avérer utile pour cette exploration préliminaire du point de vue de l’anthropologie sociale.

À peu près au moment où Fearnley enquêtait sur l’élevage de volailles en Chine, l’anthropologue Alex Blanchette étudiait aux États-Unis une autre forme d’élevage poussant les mesures de biosécurité à l’extrême : l’industrie de l’élevage verticalement intégrée. Son ouvrage Porkopolis (Blanchette 2020) décrit le travail et la vie d’une petite ville du Midwest (Dixon), où la grande majorité des habitants travaillent dans les différents départements d’entreprises porcines intégrées allant de l’alimentation animale à la transformation de la viande de porc. Blanchette remarque que dans l’entreprise où il effectue son enquête — et qui produit des millions de porcs par an —, la forme de vie des employés et de leurs familles est définie par la santé de porcs. Afin d’éviter toute pénétration des virus dans le système d’élevage confiné, lesquels pourraient provoquer des épizooties réduisant la productivité des porcs, les employés sont tenus de respecter des protocoles stricts de biosécurité, par exemple se doucher et remettre des vêtements désinfectés avant chaque entrée dans les différents sites de travail. Plus encore, leur vie sociale, familiale et même religieuse est organisée en fonction de ces protocoles sanitaires : les membres d’une même famille ne peuvent pas travailler dans différentes entreprises porcines, les réunions entre employés de différents secteurs doivent être évitées, etc. Dans le système d’élevage industriel où les porcs sont confinés et affaiblis, les travailleurs sont considérés comme des porteurs potentiels de virus, et doivent donc prendre la responsabilité de vérifier régulièrement leur propre hygiène pour que les porcs ne soient pas infectés par ces forces invisibles que sont les microbes. Bien que les porcs en tant qu’individus dans l’élevage industriel soient toujours consommés par les humains, la relation entre les deux espèces est en quelque sorte inversée : le travail humain est au service de la santé et de la productivité du porc dans son ensemble — le Herd, comme le disent les gestionnaires de la ferme industrielle du porc — représenté par des données statistiques. Le système de production de viande hyper industrialisé pour la consommation humaine crée paradoxalement ce que Blanchette appelle un paysage « post-anthropocentrique » (Blanchette 2020 : 70).

Alors que l’ethnographie réalisée par Fearnley de l’élevage d’oies sauvages en Chine soulève des questions sur la frontière entre le sauvage et le domestique, la description par Blanchette de l’élevage de porcs aux États-Unis nous amène à nous demander qui domestique et qui est domestiqué dans un tel système de production. Les deux cas montrent que les humains et les animaux peuvent avoir ou perdre leur puissance d’agir dans différents assemblages de domestication (cf. Swanson et al. 2018).

Or, dans leur prise en compte des maladies animales et des microbes, ces deux ethnographies d’élevages commerciaux explorent également la manière dont différents collectifs sont façonnés par les relations multi-espèces. Dans le cas de Blanchette, les maladies animales qui menacent la santé des porcs, comme la diarrhée épidémique porcine, sont des épizooties qui ne rendent pas les humains malades. Toutefois, bien que le risque soit indirect pour les humains, face aux menaces invisibles que sont les microbes, tout le monde à Dixon participe à la purification des fermes industrielles afin d’immuniser le Herd, supérieur aux individus humains et animaux. En revanche, dans le cas de Fearnley, les virus de la grippe aviaire hautement pathogènes pourraient conduire à des pandémies zoonotiques. Certes, le gouvernement chinois utilise la stratégie de la vaccination systématique (universal vaccination, en anglais) des volailles pour éviter les pandémies de grippe aviaire qui pourraient menacer directement les humains. Mais selon l’auteur, les éleveurs de la région de Poyang considèrent la vaccination comme une stratégie d’atténuation du risque pour éviter la perte totale de leurs moyens de subsistance en raison des maladies animales (p. 91). Alors que les aviculteurs de la Chine rurale semblent plus « libéraux » (à condition qu’il n’y ait pas d’épidémie), les employés des fermes états-uniennes semblent plus « participatifs ». Mais dans les deux collectifs, il semble que la perspective des animaux en tant qu’individus ne trouve pas sa place.

Nous ignorons encore si l’élevage de volailles en Chine tel que décrit par Fearnley n’est qu’une transition vers un élevage industriel plus précautionneux et plus conforme à la biosécurité. À la fin de l’année 2019, la pandémie de Covid-19 éclate. Les marchés d’animaux sauvages étant considérés comme une source possible de la pandémie, le gouvernement chinois interdit temporairement le commerce d’animaux sauvages en janvier 2020. En mai de la même année, le ministère chinois de l’Agriculture publie une liste de 33 espèces d’animaux domestiques dont l’élevage est autorisé. Outre les animaux traditionnellement élevés en Chine, certains animaux domestiques « de type spécial » ayant une utilisation ou une valeur particulière, tels que les rennes, les autruches ou les chiens viverrins, sont inclus (Zhang 2020). Pourtant, l’oie sauvage ne figure pas dans la liste. La pandémie de Covid-19, et non la grippe aviaire, pousse finalement la Chine à établir une distinction moins ambiguë entre animaux domestiques et sauvages. Reste à voir si les pratiques d’élevage en Chine rurale suivront les interdictions du ministère ou entreront dans la clandestinité, comme le craint l’auteur dans la postface du livre (p. 212, voir aussi Lynteris et al. 2020).

Rencontre diplomatique et stratification professionnelle en Chine

Revenons à l’objet de la dernière partie du livre : l’enjeu politique. Le terrain principal de cette partie est l’ECTAD de Pékin, créé par la FAO vers 2006. Composé d’« experts internationaux » et d’« experts nationaux », ce centre a notamment pour mission de former des vétérinaires chinois pour qu’ils acquièrent les techniques et les connaissances nécessaires en vue de mener des enquêtes épidémiologiques de terrain. Parallèlement, le centre utilise cette formation pour obtenir des informations sur le risque réel de grippe aviaire en Chine.

Au chapitre 5, l’auteur tente de comprendre, en suivant le fonctionnement de l’ECTAD, la plainte commune des scientifiques des organisations internationales selon laquelle l’opacité de la bureaucratie chinoise empêcherait la circulation des informations sur les maladies animales infectieuses. Or, plutôt que de critiquer ouvertement les choix éthiques de la Chine, comme la dissimulation d’informations sur les épidémies, les experts étrangers de l’ECTAD tentent de franchir cet obstacle en se présentant comme des « diplomates ». À travers cette posture de scientifiques et diplomates, ces experts adoptent deux stratégies de négociation. D’une part, ils établissent des « relations interpersonnelles » (guan xi). En cultivant des « affinités » (gan qing) avec les bureaucrates scientifiques qu’ils contactent, les experts internationaux de la FAO utilisent des tactiques détournées pour se procurer des informations ou des autorisations qu’il serait difficile d’obtenir par des démarches formelles (pp. 136-139). D’autre part, ils adoptent la stratégie que l’auteur qualifie de « stratification », c’est-à-dire une division d’un espace en deux couches, l’une étant l’espace écologique où la distribution des maladies animales peut être tracée scientifiquement, et l’autre l’espace géopolitique où la Chine exerce son pouvoir souverain.

En ce qui concerne la deuxième stratégie, l’auteur prend l’exemple d’un débat qui s’est déroulé lors d’une réunion de l’ECTAD pour illustrer comment un expert international de la FAO a utilisé un dispositif d’inscription, en l’occurrence la carte de risque du virus, pour contourner une tension politique entre deux départements du gouvernement chinois (pp. 147-151). Au cours de la réunion, alors qu’un vétérinaire officiel déclarait que la Chine avait atteint une immunité collective contre l’IAHP grâce au programme de vaccination systématique mené par le ministère de l’Agriculture, son collègue virologue du laboratoire clé de Harbin remettait en question le succès du programme, car le laboratoire trouvait toujours diverses souches d’IAHP en circulation. Au lieu d’intervenir dans le débat sur la fiabilité de l’échantillonnage des vétérinaires locaux et être ainsi impliqué dans la compétition entre les départements gouvernementaux, l’expert international avait recours à la carte de risque du virus pour persuader ses collègues chinois que la vaccination ciblée basée sur la distribution spatiale du risque était le moyen le plus efficace d’éradiquer les virus hautement pathogènes.

Pour les lecteurs non chinois, il est peut-être plus intrigant de voir comment les scientifiques internationaux utilisent leur première stratégie diplomatique. Le logo de l’ECTAD, conçu par le directeur français de la division internationale du centre, illustre l’importance de l’établissement de relations amicales : un poulet et un canard trinquent autour d’un verre de vin. Les scientifiques de la FAO ont incorporé une manière « chinoise » de faire des affaires, devenue répandue dans l’ère post-Mao, et qui consiste à nouer et entretenir des réseaux de guan xi par le biais de banquets et de boissons, avant d’entamer des discussions plus sérieuses. Ils ont constaté que cette voie détournée offrait une solution plus rapide aux obstacles bureaucratiques. L’auteur affirme que cette coopération fondée sur les affinités et les relations a modifié quelque peu la relation asymétrique entre la FAO et les pays bénéficiaires, qui était plus pédagogique que collaborative (p. 139). Les scientifiques officiels des organisations mondiales et leurs homologues nationaux échangent, de manière plus horizontale que hiérarchique, des techniques contre des informations et des autorisations qui ne sont pas toujours faciles à obtenir.

Néanmoins, bien que les scientifiques internationaux aient pu établir des relations cordiales avec les bureaucrates scientifiques chinois, ils restent toujours troublés par leur imprévisibilité. Pour rendre intelligible le caractère insaisissable de la Chine, ils ont parfois recours à l’idée de « différence culturelle ». Selon l’auteur, ils se servent de cette idée de différence pour justifier leurs approches diplomatiques, qui permettraient que « des choses qui ne peuvent pas être dites puissent être communiquées » (p. 154).

Il est intéressant de considérer la collaboration scientifique dans ce contexte comme un effort diplomatique. Cependant, si nous voyons dans ce chapitre comment les scientifiques étrangers apprennent à communiquer de manière « chinoise », on en apprend peu sur la façon dont leurs collègues chinois perçoivent ces « différences culturelles ». Nous ne savons pas non plus très bien comment ils considèrent leur collaboration avec les experts étrangers. Certes, l’auteur évoque la division du travail différenciée entre les scientifiques nationaux et internationaux au sein de l’ECTAD. Il montre aussi la sous-estimation du travail des scientifiques chinois, ainsi que leurs choix de carrière qui semblent opportunistes à première vue. Mais dans ces descriptions, on ne peut percevoir si ces scientifiques chinois sont d’accord eux aussi sur le fait qu’ils s’engagent dans une rencontre diplomatique. Le point de vue de l’autre partie de cette rencontre ne semble pas suffisamment exprimé. On ne peut donc s’empêcher de se demander si, lorsque les collègues chinois ont vu pour la première fois le fameux logo figurant un poulet et un canard qui trinquent, ils n’ont pas pensé, avec un sourire poli (p.154), au proverbe chinois « le poulet parle avec le canard », qui signifie un dialogue de sourds conduisant à parler sans communiquer, plutôt qu’à l’échange amical conçu par le créateur.

Malgré tout, l’idée de diplomatie reste très utile, à condition que toutes les parties soient autorisées à décrire leurs propres intérêts et visions du monde. Si nous suivons les récentes discussions qui généralisent l’idée de diplomatie comme un mode de négociation sans arbitre supérieur et la relient à des rencontres entre différentes cosmologies, voire différentes cosmopolitiques (Stengers 2006 ; Morizot 2017 ; Latour 2019 ; Tresch 2020), nous pourrions interroger, par exemple, les diverses manières dont les scientifiques chinois et leurs collègues étrangers de la FAO façonnent leur objet de recherche. En effet, les chercheurs en Sciences studies et les anthropologues culturels ont discuté comment les scientifiques de différentes sociétés fabriquent leur monde différemment. Par exemple, Houdart (2002) compare les études de génétique homosexuelle des drosophiles menées par des scientifiques japonais et français. De même, Tsing (2011) expose comment des scientifiques japonais et américains présentent leurs études sur le matsutake de manière très différente. En suivant des scientifiques de différents pays qui utilisent des outils similaires tout en assignant différemment des formes et des normes à leurs objets communs, ces études démontrent la diversité des modes de fabrication du monde (worlding) en science.

Les profils des vétérinaires chinois sont détaillés au chapitre 6, sur le plan éthique plus que cosmologique. En observant les cours de formation de la FAO qui leur sont destinés, l’auteur montre le dilemme éthique auquel ils sont confrontés. Sous Mao, le gouvernement chinois avait formé un grand nombre de vétérinaires aux « pieds nus », c’est-à-dire n’ayant qu’une formation de base pour aider les paysans à résoudre les problèmes liés aux animaux. Après la réforme économique et la révolution de l’élevage industriel, le nombre de vétérinaires a été considérablement réduit, ce qui a rendu difficile la gestion des épizooties. Les programmes de formation de la FAO sont conçus pour équiper les fonctionnaires vétérinaires de connaissances épidémiologiques et de techniques d’investigation. Mais l’anthropologue suggère que ces programmes peuvent aussi conduire au découplage des connaissances vétérinaires et des pratiques d’élevage réelles en Chine rurale.

Les stagiaires vétérinaires que l’anthropologue a rencontrés au cours de leur formation se débattent entre leur double identité de « bureaucrate » et de « scientifique ». D’une part, les tâches bureaucratiques et les charges de gestion administrative que leur confient leurs dirigeants occupent une part importante de leur temps, et les éloignent des domaines d’application des compétences scientifiques qu’ils ont acquises. D’autre part, les formations elles-mêmes leur offrent des opportunités de carrière qui les éloigne du monde agricole. En analysant la carrière d’un vétérinaire en chef qui a travaillé avec les éleveurs au début des années 1990, l’auteur relève que les jeunes vétérinaires employés actuellement par le gouvernement sont moins attachés aux éleveurs que leurs prédécesseurs. Dans le secteur de l’élevage aviaire, en raison de ce détachement, des vendeurs de médicaments pour animaux sont apparus. Ces vendeurs, comme les « médecins des canards » au marché de volaille que l’auteur a visité, ne se contentent pas de vendre des produits médicaux aux éleveurs. Ils leur fournissent également des conseils de soins, établissant ainsi une relation d’amitié avec eux. Mais ils manquent de connaissances en médecine vétérinaire pour lutter contre les nouveaux problèmes comme les maladies infectieuses émergentes. L’auteur souligne ainsi que le détachement entre les connaissances professionnelles et le paysage agricole constitue un défi majeur pour la réforme vétérinaire en Chine contemporaine.

Conclusion

Pour conclure, cet ouvrage à la croisée des Science studies et de l’anthropologie culturelle présente une image riche de l’apport des sciences de terrain sur la grippe aviaire. D’une part, il montre comment l’enquête sur les origines de la grippe aviaire est entremêlée avec des aspects tels que les pratiques agricoles locales, la souveraineté de l’État et la stratification professionnelle dans la Chine post-réforme. D’autre part, il nous encourage à déplacer notre regard du laboratoire vers les sites d’élevage dont le paysage se transforme continuellement en fonction des actions humaines et des réactions écologiques. Dans un tel système expérimental à caractère écologique, l’objectif de la recherche passe de la collecte et l’identification de nouveaux virus à la compréhension des milieux favorables à leur émergence.

Dans le chapitre conclusif, l’auteur évoque deux stratégies proactives en cours en matière de santé mondiale pour lutter contre les maladies émergentes. La première, telle celle adoptée par le Global Virome Project, consiste à établir un réseau mondial de laboratoires standardisés pour collecter, isoler et séquencer des virus inconnus afin de prévenir l’émergence de pandémies. La seconde consiste à reconstruire le paysage des sites où les maladies zoonotiques sont susceptibles d’émerger, en privilégiant l’étude des changements sociaux et écologiques qui s’y produisent. Ainsi, en modifiant à l’avance les conditions sociales et écologiques de ces sites, on peut réduire la probabilité de l’émergence virale. À la suite des scientifiques avec qui il a travaillé en Chine, Fearnley se positionne en faveur de la seconde stratégie. Selon son étude, alors que dans la première stratégie la santé mondiale prend la forme d’un réseau, dans la seconde elle prend la forme d’une sphère, au sens de la biosphère fragile ou de la couche fine près de la surface de la Terre qui rend la vie possible.

Cette image de la santé globale, ou plutôt « planétaire » (p. 205), nous rappelle le concept de « terrestre » proposé par le philosophe Bruno Latour. Contrairement au « global », décontextualisé, ou au « local », déconnecté, le terrestre exige, avant de composer un monde commun, de décrire pièce par pièce tous les terrains de vie, y compris celui des virus et de leurs hôtes (Latour 2017). Si l’épicentre d’une pandémie est à la fois singulier et mondial, on pourrait qualifier de « terrestre » la recherche sur l’émergence virale préconisée par l’auteur. Or, c’est précisément autour de ce point que la comparaison structuraliste entre différents assemblages de collectifs, et le concept latourien de rencontre diplomatique, comme mentionné précédemment, prend tout son sens. L’auteur affirme que le défi actuel de la santé mondiale réside davantage dans « les stratifications horizontales qui séparent les sciences de laboratoire des sciences de terrain, les experts en biosciences des éleveurs, et les humains des non-humains » (p. 206), plutôt que dans les frontières entre les États-nations. Certes, les frontières territoriales ne sont pas nécessairement un point de départ pertinent pour les comparaisons anthropologiques. Mais explorer comment différents collectifs (souvent situés sur différents territoires nationaux) réagissent à un événement similaire (par exemple, une épidémie animale), ou comment différents traits collectifs émergent avec cet événement, devrait nous permettre d’apprécier la pluralité irréductible du monde, même à l’ombre d’une nouvelle « universalité perverse » représentée par la mutation écologique planétaire. En outre, comme les frictions entre laboratoires et terrains, experts et éleveurs, humains et non-humains ne peuvent plus compter sur la Science comme arbitre suprême, l’expérimentation du concept de diplomatie pourrait être une façon possible de remettre en question la stratification professionnelle dans la recherche sur la grippe aviaire.

1 Food and Agriculture Organization of the United Nations.

2 Emergency Centre for Transboundary Animal Diseases.

3 Toutes les citations de l’ouvrage ont été traduites de l’anglais par moi-même.

4 En 1949, la guerre civile chinoise entre le parti nationaliste (Kuomintang) et le parti communiste connaît un tournant. Le parti nationaliste (

5 Voir Canguilhem (2000 : 33-46). Si le terme d’idéologie porte trop de bagages marxistes, on peut lui substituer celui de « parasite » de Michel

6 Selon leurs caractéristiques moléculaires et leur capacité à provoquer des maladies et la mortalité chez les poulets en laboratoire, les virus de l’

7 Par exemple, Keck (2020) retrace la façon dont Herbert Spencer, William Robertson Smith, Émile Durkheim ou Claude Lévi-Strauss, en répondant aux

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Houdart Sophie, 2002, « “On a découvert une mouche homosexuelle !”  La mise en événement d’un objet scientifique », Terrain, n ° 38, p. 97-112.

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1 Food and Agriculture Organization of the United Nations.

2 Emergency Centre for Transboundary Animal Diseases.

3 Toutes les citations de l’ouvrage ont été traduites de l’anglais par moi-même.

4 En 1949, la guerre civile chinoise entre le parti nationaliste (Kuomintang) et le parti communiste connaît un tournant. Le parti nationaliste (Kuomintang), qui gouvernait la République de Chine, se réfugie cette année-là à Taïwan, tandis que la République populaire de Chine est créée et prend le contrôle de la Chine continentale.

5 Voir Canguilhem (2000 : 33-46). Si le terme d’idéologie porte trop de bagages marxistes, on peut lui substituer celui de « parasite » de Michel Serres (Serres 1980) : le parasite est le bruit du système, mais il est aussi la condition qui permet au système d’évoluer.

6 Selon leurs caractéristiques moléculaires et leur capacité à provoquer des maladies et la mortalité chez les poulets en laboratoire, les virus de l’influenza aviaire A sont classés en virus A de l’influenza aviaire faiblement pathogène (IAFP) et en virus A de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) (WHO 2005). Pour l’instant, seuls certains des virus de l’influenza aviaire — A (H5) et A (H7) — sont classés comme des virus hautement pathogènes.

7 Par exemple, Keck (2020) retrace la façon dont Herbert Spencer, William Robertson Smith, Émile Durkheim ou Claude Lévi-Strauss, en répondant aux questions posées par les maladies animales infectieuses de leur époque (comme la fièvre aphteuse, la tuberculose bovine, la variole ou la maladie de la vache folle), ont pensé certains régimes de rationalité (dont des rationalités sacrificielles) essentielles à la formation et au maintien d’un collectif.

Rongtai Chen

Chen Rongtai est doctorant en anthropologie sociale à l’EHESS. Formé aux STS à Taïwan, il s’intéresse aux différents modes de relation humain/animal dans les assemblages contemporains de pratiques biomédicales et non-modernes.