Troubles dans la judéité. Contre la « mouvance décoloniale », mélancolie libérale et appartenance minoritaire minimaliste

À propos de Jean-Loup Amselle, L’universalité du racisme, 2020

Ashley Mayer-Thibault

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Ashley Mayer-Thibault, « Troubles dans la judéité. Contre la « mouvance décoloniale », mélancolie libérale et appartenance minoritaire minimaliste », Lectures anthropologiques [En ligne], 10 | 2023, mis en ligne le 22 février 2024, consulté le 29 avril 2024. URL : https://www.lecturesanthropologiques.fr/1057

Dans un court essai politique, L’universalité du racisme (128 pages), paru en 2020 aux éditions Lignes, Jean-Loup Amselle cherche à élaborer les contours d’un antiracisme véritablement « universaliste ». Marqué par la trajectoire intellectuelle et personnelle de l’auteur, cet ouvrage lui permet de prendre un certain nombre de positions dans plusieurs espaces discursifs. Il investit d’abord ceux de l’anthropologie et des études africaines. Ensuite, il se situe dans le champ de l’antiracisme de gauche. Enfin, l’auteur prend également position vis-à-vis de plusieurs débats identitaires portant sur les judéités contemporaines. Ces deux dernières dimensions structurent en grande partie les positions prises dans l’ouvrage, et c’est notamment à travers un surprenant rejet conjoint des « décoloniaux » et des « entrepreneurs identitaires » juifs que se dessine la proposition politique de l’auteur. Cet article vise alors à élaborer, en creux, les enjeux sociaux sous-jacents à ce double refus. Nous émettons l’hypothèse que celui-ci traduit une certaine mélancolie « libérale » face au déclin perçu d’un modèle particulier d’appartenance minoritaire, idéalement caractérisé par son minimalisme, son hétéronomie et son ancrage dans une citoyenneté cosmopolite.

In a short political essay, L’universalité du racisme (128 pages), published in 2020 by the éditions Lignes, Jean-Loup Amselle seeks to develop the contours of a truly "universalist" anti-racism. Influenced by the author's intellectual and personal trajectory, this work allows him to take positions in several discursive spaces. Firstly, those of anthropology and African studies. Secondly, he positions himself within the field of left-wing anti-racism. Finally, the author also takes a stance on various identity debates concerning contemporary Jewishness. These last two dimensions largely structure the stances taken in the book, and it is notably through a surprisingly joint rejection of "decolonial" activists and "Jewish identity entrepreneurs" that the author's political proposition emerges. This article aims at elaborating what is at sociologically at stake behind this double refusal. We hypothesize that it reflects a certain "liberal" unease in the face of the perceived decline of a particular model of minority belonging, ideally characterized by its minimalism, its heteronomy, and its grounding in cosmopolitan citizenship.

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Compte rendu de Jean-Loup Amselle, 2020, L’universalité du racisme. Paris, Lignes

Dans leur rapport à la question juive, les signifiants « postcolonial » et « décolonial » ont fait l’objet de quatre types d’usages. Le premier est lié à la façon dont plusieurs auteurs post/décoloniaux ont cherché à théoriser la place des Juifs1 dans les rapports Nord-Sud. Le second est relatif à leur association avec la Palestine. Ici, l’imposante figure tutélaire d’Edward Saïd ne saurait être l’arbre cachant une forêt d’intellectuels ou de mouvements post/décoloniaux engagés dans la cause palestinienne. Ces deux usages obligent alors à produire une définition, même minimale, de la judéité : dans son association (ou non) avec le sionisme, la modernité, le nationalisme ou le fait colonial. Les catégories de post/décolonial ont en troisième lieu fait l’objet d’appropriations très minoritaires, mais particulièrement diverses à l’intérieur du monde juif. D’abord, dans plusieurs pays, des organisations juives de gauche, généralement areligieuses et antisionistes s’en sont revendiquées2. Ensuite, plusieurs universitaires tels que Santiago Slabodsky (2014) ou Ella Shohat (1992) ont également proposé de penser la ou les judéité(s) « à partir » de traditions postcoloniales et/ou décoloniales. Enfin, plus récemment, le signifiant « décolonial » a fait l’objet d’usages plus nationalistes chez certains militants américano-israéliens qui entretiennent des liens plus ou moins serrés avec le nationalisme religieux (Berkman 2018).

Le postcolonial et le décolonial ont également fait l’objet de réceptions négatives. Outre les critiques politiques liées à la question palestinienne ou aux enjeux d’antisémitisme, s’attaquer « aux » décoloniaux a été l’occasion pour certains acteurs de prendre parti à propos des luttes internes au monde juif. Or, c’est justement en prenant position vis-à-vis de politiques de l’« identité » juive, lui-même étant issu d’une famille juive, et contre une certaine représentation de la « perspective décoloniale », que Jean-Loup Amselle publie L’universalité du racisme en 2020. Si ce livre s’inscrit dans une œuvre anthropologique foisonnante, il ne résulte pas d’une enquête de terrain. C’est un court essai politique visant à définir brièvement ce que serait un antiracisme « universaliste », occasion pour l’auteur de prendre position dans les champs de l’antiracisme de gauche, de l’anthropologie, des études africaines et de la judéité. Deux possibilités s’offrent alors au commentateur. La première est celle de la relecture serrée visant à vérifier la validité des énoncés en fonction des arguments formels ou empiriques et de la littérature mobilisée. Compte tenu de la nature à la fois polémique, mais aussi intime et personnelle du livre, il nous a semblé plus productif de l’interroger en tant que proposition politique et « identitaire ». Aussi, si l’ouvrage porte sur le racisme, la centralité qu’il accorde aux questions juives pousse son auteur à élaborer de fait un ensemble de propositions normatives plus ou moins explicites au regard de ce qu’est la judéité. Dans le rejet conjoint « des » décoloniaux et d’une série d’« entrepreneurs identitaires » juifs qualifiés de « fondamentalistes », se dégage progressivement une définition plus ou moins explicite de la judéité, se positionnant dans ce qui constitue un « champ » élargi de production « identitaire » juive. Comme nous le verrons par la suite, notre hypothèse ici est qu’elle se caractérise par sa dimension à la fois minimaliste, hétéronome et qu’elle est ancrée dans une citoyenneté cosmopolite. Cette mise en avant nous paraît s’inscrire plus généralement dans le cadre de ce que l’on pourrait qualifier de mélancolie, voire de malaise libéral. Celui-ci semble provoqué, d’un côté, par le déclin d’un modèle particulier d’appartenance minoritaire, « l’israélitisme » et, de l’autre, par l’émergence de nouvelles générations politiques juives, noires, arabes et/ou musulmanes.

Avant de nous pencher sur l’ouvrage en tant qu’il est porteur d’une définition symbolique de la judéité, synthétisons le propos général au regard de sa proposition centrale : penser les contours de l’antiracisme. Le texte se présente comme une suite de réflexions visant à établir une lecture « universaliste » du racisme, se positionnant à la fois contre les « décoloniaux » et les « laïcards » (p. 18), bien que ces derniers soient finalement peu mentionnés dans le corps de l’ouvrage. Les propositions faites par Jean-Loup Amselle s’appuient généralement sur des conjonctures politiques françaises ou états-uniennes, des souvenirs personnels, des ouvrages de sciences sociales ainsi que sur ses propres travaux. Après une courte présentation, le livre rassemble deux textes, eux-mêmes divisés en plusieurs chapitres et sous-chapitres. Le premier, « L’antisémitisme est un racisme comme les autres », compte 88 pages et, le second « Un choc des civilisations au centre du Mali ? », 20 pages. Ces derniers sont suivis d’une conclusion de 5 pages.

Racisme, décolonialisme et antisémitisme

Quels sont les traits saillants du premier texte ? Dans un premier chapitre intitulé « Racismes », l’auteur commence par s’opposer à certaines conceptions anhistoriques, incapables de distinguer racisme et altérité. Pour lui, le racisme désigne un ensemble de représentations qui s’opposeraient à la possibilité « d’un métissage général de l’humanité » (p. 23). Il supposerait une classification des populations sur des critères physiques et dont la condition de possibilité aurait été l’avènement des sciences modernes. De manière très classique, Amselle propose d’en faire remonter la genèse à la raciologie coloniale du XIXe siècle (p. 20). Il oppose cette hypothèse à une grille de lecture souvent privilégiée par les auteurs décoloniaux qui font naître le racisme au XVIe siècle sous l’effet combiné de la « Reconquista », de la traite transatlantique et de la colonisation des Amériques. L’autre hypothèse, pourtant courante dans les critiques « juives » de ces deux généalogies du racisme, faisant remonter les prémices du racisme moderne à l’antijudaïsme médiéval européen, n’est pas mentionnée (Thomas 2010). Il précise ensuite que c’est la combinaison d’une « recherche de pureté » propre au racisme et du développement scientifique qui expliquerait l’avènement des génocides modernes. L’auteur regrette néanmoins les « abus de la notion » opérés par certains acteurs (p. 27). Plusieurs exemples sont donnés tels que les massacres de Peuls au Mali ou les Ouïghours en Chine.

Mais c’est surtout le cas des Juifs de France qui est le plus discuté. Il commence par un retour descriptif sur leur émancipation sous la Révolution française, puis sur les processus d’« assimilation » 3jusqu’à la Shoah. Amselle récuse la vision — très péjorative — qu’en auraient eue plusieurs intellectuels. D’abord, Esther Benbassa et Guillaume Erner, organisateurs d’un colloque en 1997 (Benbassa et Attias 2000) intitulé « La haine de soi » auquel il affirme avoir refusé de participer, « n’ayant jamais éprouvé de haine de [lui]-même » (p. 31). Ensuite, Jean-Claude Milner (2012), Benny Lévy (2003) et Danny Trom (2018) sont accusés de « prétendre que la Révolution française s’est traduite par un génocide culturel », voire d’avoir des postures de « fondamentalistes juifs » (p. 32). L’attaque est également étendue à « un rabbin israélien » — sans plus de référence —, lequel estimerait que les mariages mixtes chez les Juifs américains « se traduiraient en véritable holocauste » (ibid.). Toutes ces cibles auraient pour point commun une référence à une supposée authenticité juive et une hypothèse de « liens de consanguinité supposés de l’ensemble des juifs » (p. 34). L’une et l’autre se traduiraient notamment par une hostilité à la cause palestinienne : « À cette idée de la “disparition” du juif, des juifs, est liée celle de son inauthenticité supposée, non pas au sens de Sartre, mais par rapport à des valeurs juives supposées intangibles, et donc à celle du juif antisémite parce que pro-palestinien » (p. 33).

La suite de ce chapitre vise à remettre en cause les lectures « décoloniales » du rapport entre racismes et pouvoir. S’il reconnaît l’existence du racisme à l’intérieur d’institutions telles que la police ou la justice, il s’oppose aux idées de « racisme structurel » ou de « racisme d’État » (p. 35). Ce chapitre est également l’occasion de prendre à nouveau position sur la judéité. Amselle y critique notamment — tout en la reprenant en partie à son compte — la notion de « philosémitisme d’État » attribuée à la « mouvance » décoloniale dans son ensemble, tout en précisant que les Juifs ne seraient pas les seuls à bénéficier d’un tel « privilège ». Cette idée, développée dans les textes du Parti des Indigènes de la République (PIR) au milieu des années 20104, est définie chez l’auteur comme une « attitude privilégiant systématiquement les Juifs et par conséquent accordant à l’antisémitisme une spécificité irréductible par rapport à d’autres formes de racisme » (p. 36). Processus d’« ethnicisation » par le haut et faussement positif, ce « philosémitisme » ferait l’objet d’usages explicitement islamophobes et serait lui-même porteur d’un antisémitisme potentiel. En s’appuyant sur des exemples tirés du mouvement des « Gilets jaunes », l’antisémitisme, explique ensuite l’auteur, existe également à gauche. D’une part, il tendrait à éclore lorsque la lutte contre des rapports de pouvoir se mue en vague critique de l’oligarchie. De l’autre, toute « philie » impliquerait nécessairement une indistinction entre les individus qui composent le groupe désigné positivement (p. 40).

Le deuxième chapitre du premier texte de l’ouvrage est intitulé « La perspective décoloniale ». Il s’agit là encore de caractériser le racisme afin d’en proposer une définition opposable à celles dont seraient porteurs les adversaires d’Amselle au sein de l’antiracisme : « décoloniaux »/« antiracistes politiques » et/ou « indigénistes ». Rappelons que la section précédente portait plus sur la dimension subjective du racisme. Elle désignait une représentation biologiquement hiérarchisée du social combinée à une recherche d’endogamie. Dans cette section, il s’agirait cette fois de la « domination qu’une élite, un groupe ou une classe dominante exerce sur des groupes ou des classes dominées et, à ce titre, il peut concerner une race, une ethnie, une religion, un genre, sans que ces différentes catégories soient radicalement étanches les unes par rapport aux autres » (p. 47).

Après avoir (re)défini le racisme, l’auteur insiste, comme dans le chapitre précédent, sur les usages du « racisme positif » – en mentionnant la nomination d’une ministre noire ou « des juifs présents au sommet de la société » (p. 49). Ce glissement lui permet d’insister sur l’inscription du racisme dans des rapports de classe (p. 50). Cette dynamique serait ignorée par l’« antiracisme politique », lequel « accord[erait] la priorité aux oppositions de race par rapport aux conflits de classe » (p. 51). Les exemples mobilisés afin de soutenir ce propos sont alternativement tirés de l’actualité américaine, de la politique française ou des gauches latino-américaines. L’auteur explique ensuite ces différents exemples par une tendance plus générale de montée en puissance des mobilisations nationales et ethniques depuis la chute du mur de Berlin (p. 53). Des figures aussi diverses que Lori Lightfoot (femme noire et lesbienne élue à la mairie de Chicago), le Premier ministre hongrois Victor Orbán, « les » militants décoloniaux, le philosophe Achille Mbembe, les intellectuels et militants décoloniaux Sadri Khiari et Houria Bouteldja, le président bolivien Evo Morales, le philosophe Jean-Claude Milner et le sociologue Danny Trom, sont explicitement renvoyés dos à dos, comme représentatifs de ce type de mobilisations.

Cette lignée argumentative se poursuit dans le sous-chapitre suivant consacré à ce qu’il appelle des « entrepreneurs d’ethnicité ». Y sont mentionnées plusieurs organisations juives, noires et musulmanes. Tout d’abord, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) est accusé de défendre une « conception proprement ethnique de la “communauté” juive de France », de « racisme mélioratif » (p. 58) et de « flir[t] avec l’extrême droite » (p. 59). À l’opposé, il place l’Union juive française pour la paix (UJFP), organisation juive « laïque », de gauche et engagée dans la cause palestinienne, dont il estime être proche politiquement. Mais celle-ci resterait malgré tout « un entrepreneur de l’ethnicité juive » par nature, « hostile à un antiracisme universaliste » (p. 59). Entre les deux, il cite l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), « modérée » et « universaliste » (p. 60). Néanmoins, elle aussi serait par nature un « opérateur d’ethnicité » (p. 61) et, à ce titre, elle offrirait aussi « un boulevard à la mouvance décoloniale » (p. 62). Des associations noires ou musulmanes font ensuite l’objet d’un traitement analogue. L’auteur pointe cependant une « inégalité dans le traitement du racisme » entre les Juifs et des populations noires et/ou musulmanes. Dans la mesure où les marqueurs symboliques du judaïsme — il mentionne la kippa et la perruque — ne feraient pas l’objet d’une même hostilité de la part des « laïcards » que les signes musulmans, « les organisations relevant de l’antiracisme politique pourront prétendre à bon droit que seules certaines religions font l’objet d’un traitement discriminatoire de la part de la République » (p. 63).

Combattre les positions décoloniales sur le racisme supposerait ensuite de s’attaquer à la question de « l’appropriation culturelle »5, objet d’un autre sous-chapitre. Il la décline en trois enjeux. Le premier porte sur la « propriété culturelle » et la dimension relative de l’autochtonie. L’auteur insiste sur les circulations entre espaces, qui rendraient artificielles les revendications de propriété sur des traditions prétendument authentiques. La véritable pertinence politique serait au fond de savoir si les emprunts se font dans des rapports de domination ou non, risque qui s’étendrait également aux producteurs de savoirs (p. 67). Amselle prône un recentrement sur l’appropriation économique, seul véritable critère qui permettrait de déterminer ce qui, dans les appropriations de pratiques culturelles, relèverait du rapport de domination.

Les deux autres enjeux posés par la question de l’appropriation culturelle seraient ceux de la « représentation culturelle » et du « ressenti ou [de] la météorologie décoloniale ». La catégorie d’« antiracistes politiques » est cette fois utilisée pour désigner plusieurs mouvements de contestation ayant visé des spectacles mettant en scène des personnages ou des acteurs noirs ou autochtones. Ces épisodes seraient symptomatiques d’un « malentendu » (p. 73). D’un côté, des artistes blancs de « bonne foi » (p. 75), de l’autre les militants qui s’insurgeraient au nom de la « souffrance qu’ils vivent à tort ou à raison devant des œuvres dont ils estiment qu’elles trahissent ou violent leur identité » (ibid.). L’auteur affirme néanmoins que sa propre judéité l’aurait conduit à s’identifier avec ces mobilisations, mais il regrette l’« accapar[ement] » de ce ressenti par les « entrepreneurs d’ethnicité » (p. 76). Selon lui, cette politisation d’une subjectivité souffrante et dominée aurait été rendue possible par l’avènement d’un nouveau sujet, façonné par le néolibéralisme. « [I]l se produit une individualisation dans laquelle se loge parfaitement la “politique de l’identité” (identity politics) qui est au cœur de l’antiracisme politique et de ce qui en découle la thématique de l’intersectionnalité » (P. 76-77). Cette centralité accordée à la dimension subjective des oppressions ne serait pas communicable à « autrui ». Au-delà de « communautés de souffrances » (y compris juives), elle empêcherait la construction collective de revendications antiracistes universelles et transversales.

Retour à la classe ?

Amselle considère qu’un retour à la classe (au sens économique) permettrait d’historiciser plus objectivement la fabrique des représentations racialisantes. C’est l’objet du chapitre suivant, « Racismes et histoire », dans lequel il se positionne face à quelques auteurs d’inspiration marxiste ayant cherché à historiciser la judéité, au premier rang desquels figure Abraham Léon (2017). Si Amselle y critique une lecture qui serait datée et trop moniste du fait juif, il voit dans les travaux de cet intellectuel trotskiste une première tentative matérialiste de dé-essentialiser la judéité (p. 84). Le modèle inverse serait incarné par le gouvernement israélien de Netanyahou dont l’essentialisation du peuple juif se traduirait dans une « dérive proprement fasciste » (ibid.). Amselle cherche alors à s’inscrire dans la lignée de Shlomo Sand (2008) et de ses réflexions sur l’« invention » du peuple juif. Il lui attribue notamment une dé-essentialisation plus radicale du présupposé d’« unité raciale du peuple juif » qui se serait développé avec le sionisme (p. 85)6. Sous sa forme idéologique, celui-ci aurait alors rassemblé artificiellement différentes populations alors qu’il ne s’agissait « que de spécificités religieuses et nullement génétiques » (p. 86). Le dernier auteur mobilisé par Amselle est l’historien nord-américain Moishe Postone (2013). Celui-ci s’est notamment fait connaître par ses travaux d’inspiration marxiste sur l’antisémitisme. Bien qu’Amselle reconnaisse la pertinence de son analyse, où le capitalisme construirait de la valeur abstraite et mobile que l’antisémitisme moderne aurait ensuite attribuée aux Juifs, il décèle chez Postone une posture néoconservatrice analogue à celle du politologue français Pierre-André Taguieff (2013). Celle-ci se traduirait par une disqualification de tout antisionisme et une « certaine islamophobie » (p. 89).

Aussi, pour penser le racisme, l’auteur propose de partir de l’idée de « classes de races » (p. 94). Le principe est somme toute assez élémentaire et consiste à rappeler — outre que les catégories raciales sont construites historiquement dans des rapports de classe — que les effets du racisme ne sont pas les mêmes selon la position sociale. Dans un court quatrième chapitre, intitulé « Métis, métèques et migrants », cette grille est étendue à la question des rapports d’autochtonie. Le rapport entre « autochtones » et « allochtones » au sein d’un même espace serait social et relatif. Il ne dépendrait pas d’un ordre d’arrivée objectif sur un territoire (p. 96-97). Ces considérations portent Amselle à tracer une « identité de destin » entre les figures du Juif errant et du migrant-réfugié d’aujourd’hui.

La deuxième partie de l’ouvrage, bien plus courte, porte sur le Mali. Abandonnant momentanément la thématique du racisme, elle vise d’une part à montrer que le conflit qui traverse cette ancienne colonie française, souvent décrit comme intercommunautaire ou interethnique, serait en réalité de nature politico-religieuse (P. 101-102). Plus généralement, il s’agit ici de prolonger les réflexions initiales sur l’« abus de la notion de génocide » et de soutenir une lecture constructiviste du fait ethnique. À travers l’examen des « fantasmes » touareg, peul et mandingue ainsi que de la constitution du Sahel comme unité culturelle, Amselle cherche à montrer que la science coloniale aurait créé des ruptures ethniques là où existaient des « chaînes de sociétés » (p. 117). Cette section lui permet notamment de clarifier ses propres positions vis-à-vis de la variable coloniale à l’intérieur de l’antiracisme de gauche. Enfin, en conclusion, après un retour sur la question des génocides, l’auteur offre à nouveau des éléments de définition du racisme. Tout en reconnaissant ici que différents racismes peuvent avoir des origines antérieures au XIXe siècle, l’universalité et l’unité du phénomène auraient pour origine le moment colonial, dont le monde actuel serait issu et dont la Shoah aurait été une des conséquences en Europe (p. 124).

Fondamentalistes juifs et décoloniaux ?

On le voit, plusieurs rapprochements opérés dans l’ouvrage frappent par leur dimension paradoxale. Ainsi, si la notion de « fondamentalisme » a fait l’objet de critiques importantes (Watt 2017), elle a parfois été utilisée pour désigner certains courants du judaïsme dit « ultra-orthodoxe » (ou « haredi ») et du nationalisme religieux (Stadler 2009). Mais si parmi les cibles de l’ouvrage, l’usage du terme pourrait éventuellement se justifier pour désigner le philosophe Benny Lévy — connu pour sa conversion tardive à l’orthodoxie juive —, il est surtout utilisé par Amselle pour désigner certains adversaires intellectuels juifs ou ayant écrit sur l’antisémitisme (comme Taguieff). Pourtant, la plupart sont soit issus du judaïsme laïque, soit inscrits dans des débats plutôt philosophiques, soit adeptes de l’exégèse historico-critique de la Bible7. Or ces orientations sont a priori inconciliables, si ce n’est avec le nationalisme religieux dont un pôle est plutôt moderniste, tout du moins avec les judaïsmes dits « ultra-orthodoxes ». L’usage très libre de ce terme permet en réalité à Amselle de mettre à distance des auteurs très différents, mais partageant à divers degrés des inquiétudes — justifiées ou non — vis-à-vis d’un judaïsme français qui serait en déclin pour des raisons internes (assimilation) ou externes (antisémitisme, qu’il soit traditionnel, moderne ou « nouveau »). Le rapprochement entre Moishe Postone et Pierre-André Taguieff (p. 89), tout aussi étrange, repose sur une logique analogue. Le lecteur pourra se faire une idée claire des positions de Postone par la consultation de l’entretien mené avec Olivier Galtier et Luc Mercier (2013).

Deuxième paradoxe : à travers la catégorie péjorative d’entrepreneuriat identitaire, ces auteurs sont renvoyés dos à dos avec un mouvement décolonial lui-même finalement peu saisissable. Aussi, en parlant d’Houria Bouteldja, l’ancienne porte-parole du Parti des Indigènes de la République, Amselle explique par exemple que « [s]a crainte en effet, de même que pour J.-C. Milner et D. Trom à l’égard des juifs, est que les Arabes, fussent-ils Français comme elle, “disparaissent”, qu’ils soient noyés dans un tout indistinct à travers, sinon un processus d’assimilation républicaine, du moins une intégration effective, laquelle se produit quotidiennement sous nos yeux grâce notamment aux mariages “interraciaux” ou à l’abandon des pratiques arabo-musulmanes » (p. 54). Ce rapprochement interroge. Dans la mesure où il fait de l’assimilation et de l’exogamie la question centrale, il relativise les différences politiques majeures entre « décoloniaux » et ceux qu’il qualifie de « fondamentalistes juifs » au sujet de la cause palestinienne, de l’antisémitisme, de l’État français, voire de l’islam pour Pierre-André Taguieff. Or, si la catégorie d’« entrepreneuriat identitaire » sert à justifier ce rapprochement, celui-ci semble plus généralement reposer sur une vision du monde sous-jacente dont l’explicitation ci-après nous paraît pouvoir rendre raison de ces associations paradoxales opérées dans l’ouvrage.

Un israélitisme libéral, cosmopolite et hétéronome

Dans cette optique, revenons à l’ouvrage en tant qu’il est, en quelque sorte, une prise de position dans un champ « identitaire » juif. De fait, les références à l’antisémitisme, aux Juifs ou au judaïsme y occupent une place centrale. L’auteur se définissant comme issu d’une famille juive, celles-ci sont d’abord justifiées par la réponse à l’interrogation « D’où parles-tu ? » (p. 15). Mais cette dimension réflexive ne permet pas à elle seule de restituer les usages qui sont faits de ces références, notamment les prises de position en faveur d’auteurs tels que Shlomo Sand ou Edgar Morin (p. 33) et contre des adversaires s’étant exprimés sur la judéité : le CRIF, l’UEJF, l’UJFP, Esther Benbassa, Guillaume Erner, Delphine Horvilleur, Pierre-André Taguieff, Jean-Claude Milner, Moishe Postone, Benny Lévy, un « rabbin américain » ou Danny Trom. Ces propositions sont autant d’occasions pour Amselle de laisser transparaître ce que serait selon lui une analyse réaliste de l’histoire juive et de l’antisémitisme, mais surtout, en creux, ce que doit être la judéité.

Dans la critique que Rogers Brubaker et Frederick Cooper ont fait de la notion d’identité en sciences sociales, reprise par Rogers Brubaker dans la traduction française (2001), ils proposent de la décomposer en trois ensembles. Le premier renvoie aux formes d’identification et de catégorisation : processus de catégorisation de soi et des autres (y compris par des États). Le second repose sur les termes d’auto-compréhension et de localisation sociale. Ces concepts désignent « la conception que l’on a de qui l’on est, de sa propre position dans l’espace social et de la manière (en fonction des deux premières) dont on est préparé à l’action » (Brubaker 2001 : 77). Enfin, les concepts du troisième ensemble doivent permettre d’appréhender plus précisément les dimensions collectives de l’identité : la communalité qui dénote le partage d’un caractère en commun et la connexité, désignant les attaches relationnelles. La combinaison de ces deux formes sociales peut être productrice de groupalité, forme particulière d’auto-compréhension se caractérisant par le sentiment d’appartenir à un groupe « particulier, limité, solidaire » (ibid. : 79). Dès lors, quelle forme prend la judéité d’Amselle dans l’ouvrage ?

Celle-ci s’organise autour d’un axe unique marqué par l’opposition entre deux pôles. D’un côté, une judéité « déconstruite » et légitime, justifiée par un usage normatif du constructivisme. Elle s’oppose à une judéité « essentialisée » à combattre. Cette dernière est alors très souvent ramenée aux figures repoussoirs que sont censées être le sionisme et l’idée d’unité raciale8. Sont placés du côté de l’essentialisme l’idée de « peuple juif », la valorisation pratique de l’endogamie, le recours à l’authenticité, le « fondamentalisme juif » ainsi que la possibilité même d’une structure institutionnelle juive, potentiel véhicule d’entrepreneuriat identitaire. À ce titre, la disqualification par l’auteur de l’UEJF qu’il qualifie pourtant de modérée et de l’UJFP — malgré des positions politiques identiques à la sienne sur la question palestinienne — car toutes deux resteraient des « opérateurs d’ethnicité », semble révélatrice d’un malaise posé par la possibilité même d’un judaïsme organisé. C’est en principe et non en conséquence que le texte s’oppose à la possibilité d’une autonomie organisationnelle juive9.

Outre un rejet des notions de « peuple » juif (p. 11) ou de « communauté » juive (p. 58), la judéité de l’auteur y est principalement décrite comme un héritage mémoriel à la fois symbolique et intime. Cette dernière dimension est mentionnée dans le chapitre consacré à l’appropriation culturelle : « J’ai eu moi-même l’occasion de me trouver confronté à ce type de situation lorsqu’un historien juif et spécialiste de l’histoire des Français juifs m’a contacté il y a quelques années pour obtenir des informations sur ce qu’avait été la vie de ma famille sous l’occupation allemande. À sa grande surprise, j’ai alors refusé de répondre à ses questions estimant qu’il s’agissait du viol de mon intimité familiale » (p. 69).

Auto-compréhensive, cette judéité intime et mémorielle ne semble impliquer aucune connexité particulière. La famille notamment, dont l’importance dans la reproduction du judaïsme a déjà été largement soulevée dans la littérature (Hartman 2016), ne semble pas être perçue ici comme un espace permettant de garantir la reproduction d’un collectif « juif », quelle que soit sa définition. L’opposition à la possibilité d’un judaïsme organisé et à l’endogamie juive, combinée à la critique qu’il fait de l’anti-assimilationnisme (p. 55), semble révélatrice d’un rejet en principe de toute forme de groupalité juive. La remise en cause de toute référence à ce qui serait une authenticité juive, y compris comme éthique, interdit toute similitude entre la conception d’Amselle et la perspective adoptée par certains philosophes faisant du judaïsme une « pensée » abstraite et universelle. Chez ces derniers, l’authenticité du judaïsme comme « pensée » serait nichée non pas dans un groupe ethno-religieux particulier, limité et solidaire, mais dans la cohérence interne des textes bibliques et rabbiniques.

L’auteur semble surtout valoriser en creux le modèle particulier qu’aurait constitué « l’israélitisme » français (Schwarzfuchs 1989). À propos du CRIF et de l’UJFP, il explique qu’en défendant le principe d’une ethnicité juive, ils jetteraient « aux oubliettes l’idée même de citoyens “israélites” qui avait prévalu jusqu’à une période récente » (p. 60). Qu’est-ce que ce modèle de citoyenneté israélite ? Selon Martine Cohen : « Dans la France post-révolutionnaire, c’est le modèle “israélite” qui a été inventé, transformant l’identité juive traditionnelle englobante en une adhésion “religieuse”, une croyance impliquant certes des pratiques et un culte collectifs, mais relevant par principe de l’adhésion individuelle. Que l’on fût un juif croyant ou non, c’est donc cette conception confessionnelle de l’identité juive qui s’est imposée socialement, et ce jusqu’aux années 1960 » (Cohen 2006 : 117-118). S’il ne faut pas surestimer la toute-puissance de ce modèle d’abord incarné par des notables et hauts fonctionnaires (Malinovich 2008), la conception de la judéité présentée par Amselle dans son ouvrage s’en distingue sur deux points. Le premier a trait à sa connexité. En dépit du relatif effacement public des Juifs de France qu’elle impliquait, cette citoyenneté israélite reposait malgré tout sur un maillage organisationnel éducatif, cultuel et même politique et le maintien tardif de pratiques endogames (Pichon 2009). Les enjeux de représentation et de défense des Juifs ont en effet été portés par le Consistoire et l’Alliance israélite universelle, organisations centrales de l’israélitisme du XIXe (Hyman 2000). Le second point renvoie au nationalisme républicain porté par ces notables « israélites » (y compris en contexte colonial), trop éloigné de l’antinationalisme d’Amselle.

L’israélitisme d’Amselle semble en réalité être caractérisé par une transposition dans la judéité d’un rapport au monde propre à un certain « libéralisme cosmopolite » (Calhoun 2003). Si, appliquée au judaïsme, la notion de « cosmopolitisme » renvoie à des usages nationalistes et antisémites injurieux, nous l’utilisons ici dans le sens qu’elle a pris chez des théoriciens s’en revendiquant au moins partiellement (Agier 2013, Werbner 2012). Le libéralisme cosmopolite décrit par Calhoun se caractériserait par certaines pratiques (omnivorité culturelle, ouverture à l’altérité ethnique…) et un mode d’appartenance marqué par l’adhésion de citoyens individuels à des projets démocratiques voire à un idéal de citoyenneté globale. Il reposerait également sur une volonté normative de dépassement des loyautés intermédiaires (familiales, ethniques, cultuelles, claniques…) perçues comme des contraintes. Or, dans les années 1990, plusieurs auteurs libéraux ont exprimé un certain malaise face à ce qui était perçu comme l’émergence des « identity politics ».

En effet, selon Calhoun, le rapport libéral et cosmopolite à la politique s’accompagnerait d’une non prise en compte, voire d’un rejet des formes de solidarité que peuvent produire ces loyautés perçues comme illégitimes. Or, comme il le rappelle, dépasser les limites qui seraient inhérentes à certaines solidarités groupales — y compris chez des populations dominées — ne peut impliquer le dépassement des ancrages sociaux eux-mêmes, simplement leur remplacement par d’autres solidarités particularistes. À ce titre, les citoyennetés cosmopolites s’ancrent dans des pratiques et des espaces géographiques et symboliques bien réels, souvent liés à certains pôles des classes moyennes ou supérieures urbaines (champs académiques, lycées internationaux, etc.). Elles sont, comme le reste du monde social, productrices de groupalité, d’habitus, voire de normes et de frontières. Or, bien qu’Amselle ne revendique aucune affiliation libérale ou cosmopolite, cette propension fait précisément écho à son rejet conjugué des « entrepreneurs identitaires » juifs, noirs ou « décoloniaux ». Elle s’accorde également avec la conception individuelle, intime et mémorielle de la judéité qui irrigue l’ouvrage ainsi qu’avec la valorisation normative de l’« idée même d’un métissage généralisé de l’humanité » (p. 23).

L’idéal de l’israélite assimilé, laïc, partisan de la cause palestinienne et éloigné des structures organisationnelles juives mis en avant par l’ouvrage ne peut exister hors de tout ancrage social et culturel. Comme toute personne, à l’échelle d’une vie humaine, l’israélite « déconstruit » d’Amselle est nécessairement pris dans différents champs — éducatifs, professionnels, de classe, locaux, militants, etc. — et dans des rapports pratiques et affectifs où se jouent de fait des formes de solidarités et de constructions communes. C’est notamment à ce titre que la judéité mise en avant par l’ouvrage est minimaliste et hétéronome. Si le « sionisme » d’une part et l’« essentialisme » de l’autre font office de figures repoussoirs, cette conception de la judéité s’oppose surtout à une judéité maximaliste et (relativement) autonome qui ambitionne d’encadrer l’essentiel de l’existence des individus qui la portent, et ce quel que soit leur rapport à la question palestinienne. On retrouve notamment cette judéité maximaliste dans certains pôles du judaïsme orthodoxe où domine l’ambition de produire hors de toute structure non juive la majorité des biens matériels, relationnels et symboliques nécessaires à la conduite de la vie humaine (Tavory 2016).

Pour conclure, précisons qu’il n’est pas question de prétendre que des aspirations à la groupalité juive ne puissent servir à accompagner des rapports de domination (en Israël/Palestine ou à l’intérieur du monde juif). Il a été question ici d’essayer de clarifier — en la distinguant des propositions antiraciste, marxiste et anthropologique — ce qui caractérise spécifiquement la proposition de judéité contenue dans le livre. À ce titre, nous avons essayé de dégager des éléments de réponse permettant de comprendre le rejet conjoint et paradoxal des « décoloniaux » et des « entrepreneurs identitaires » juifs, ces derniers étant identifiés presque unilatéralement au « sionisme » et au « fondamentalisme juif ». On peut donc se demander si cet ouvrage n’incarne pas un malaise libéral que l’on retrouverait également chez des auteurs tels que Enzo Traverso (2016) ou Stéphane Beaud et Gérard Noiriel (2021). Celui-ci serait provoqué par l’émergence de nouvelles générations politiques et intellectuelles noires, arabes ou musulmanes qui défendent, à différents degrés, des conceptions moins minimalistes et hétéronomes de l’engagement minoritaire dans l’espace public. Une mélancolie libérale qui, ici, semble d’autant plus renforcée qu’elle prend appui sur une autre conception de l’appartenance minoritaire perçue comme déclinante, celle de l’« israélitisme », propre à l’histoire juive française.

1 NDA : Nous faisons le choix de respecter la majuscule au nom « Juif » lorsque celui-ci désigne le membre du peuple et non le pratiquant de la

2 En France, cette revendication est notamment portée par l’Union juive française pour la paix (UJFP). Voir https://orientxxi.info/magazine/

3 La notion peut désigner autant la baisse de la pratique et des connaissances religieuses ou encore la hausse de l’exogamie.

4 http://indigenes-republique.fr/racisme-s-et-philosemitisme-detat-ou-comment-politiser-lantiracisme-en-france-3/ (consulté le 05.01.2023).

5 L’idée d’appropriation culturelle est en réalité loin de faire l’unanimité au sein de l’« antiracisme politique ». Elle n’est par exemple jamais

6 En réalité Sand fait émerger la genèse de l’idée de « peuple juif » au début du XIXe siècle, avec la « science du judaïsme » allemande.

7 Voir par exemple Trom (2018).

8 L’orthopraxie, c’est-à-dire la centralité de la pratique (nécessairement collective dans le droit juif), est absente des réflexions d’Amselle.

9 Sur l’opposition entre conséquentialisme et déontologisme, voir Rémy et al. (2018).

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1 NDA : Nous faisons le choix de respecter la majuscule au nom « Juif » lorsque celui-ci désigne le membre du peuple et non le pratiquant de la religion. Les citations utilisées dans cet article respectent, elles, le texte original du livre dont elles sont extraites, qui n’applique pas toujours cette distinction.

2 En France, cette revendication est notamment portée par l’Union juive française pour la paix (UJFP). Voir https://orientxxi.info/magazine/pour-un-antiracisme-juif-politique-et-decolonial,2175. (consulté le 12.12.2022).

3 La notion peut désigner autant la baisse de la pratique et des connaissances religieuses ou encore la hausse de l’exogamie.

4 http://indigenes-republique.fr/racisme-s-et-philosemitisme-detat-ou-comment-politiser-lantiracisme-en-france-3/ (consulté le 05.01.2023).

5 L’idée d’appropriation culturelle est en réalité loin de faire l’unanimité au sein de l’« antiracisme politique ». Elle n’est par exemple jamais mentionnée dans l’essai d’Houria Bouteldja (2016).

6 En réalité Sand fait émerger la genèse de l’idée de « peuple juif » au début du XIXe siècle, avec la « science du judaïsme » allemande. Contrairement à ce qu’affirme Amselle, toutes les critiques adressées à Sand sont loin de se limiter à une défense du « sionisme », on les retrouve aussi chez des auteurs peu sionistes, comme D. Boyarin ou J.-C. Attias.

7 Voir par exemple Trom (2018).

8 L’orthopraxie, c’est-à-dire la centralité de la pratique (nécessairement collective dans le droit juif), est absente des réflexions d’Amselle.

9 Sur l’opposition entre conséquentialisme et déontologisme, voir Rémy et al. (2018).

Ashley Mayer-Thibault

Ashley Mayer-Thibault est actuellement doctorant en sociologie à l’université de Montréal. Ses recherches doctorales portent sur le champ du judaïsme francophone en France, au Québec et en Israël.