Une charte éthique en débat

À propos de Dena Plemmons et Alex W. Barker (dir.), Anthropological Ethics in Context. An Ongoing Dialogue, 2016 

Gabriel Facal

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Gabriel Facal, « Une charte éthique en débat », Lectures anthropologiques [En ligne], 7 | 2020, mis en ligne le 13 février 2024, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.lecturesanthropologiques.fr/811

L’ouvrage présente l’état des débats sur l’éthique en anthropologie au sein de l’American Anthropological Association, plus grande organisation professionnelle nationale d’anthropologues au monde. Il décrit les dynamiques historiques institutionnelles et économiques qui ont orienté ces débats aux États-Unis et discute de l’intérêt des codes et chartes pour accroître la visibilité et la légitimité publique de la discipline. Toutefois, le formalisme déontologique encouragé par les auteurs peine à penser l’articulation nécessaire entre démarches normatives, réflexives et politiques.

The book presents the state of the debates on ethics in anthropology within the American Anthropological Association, the world’s largest national professional organization of anthropologists. It sheds light on the historical institutional and economic dynamics that have guided these debates in the United States and it reflects the value of codes and charters in increasing the visibility and public legitimacy of the discipline. However, the deontological formalism encouraged by the authors struggles to grasp the necessary articulation between normative, reflexive and political approaches.

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Compte rendu de Dena Plemmons et Alex W. Barker (dir.), 2016, Anthropological Ethics in Context. An Ongoing Dialogue. Walnut Creek, Left Coast Press.

L’ouvrage Anthropological Ethics in Context. An Ongoing Dialogue présente l’état des débats et les échanges en cours concernant l’éthique en anthropologie au sein de l’American Anthropological Association (AAA). Fondée en 1902 et riche de plus de 11 000 membres, l’AAA est la plus grande organisation professionnelle nationale d’anthropologues au monde. Elle comprend une quarantaine d’associations et constitue un acteur central de la discipline concernant les travaux sur l’éthique. Selon les auteurs de l’ouvrage, le contexte sociopolitique américain rend indispensable l’existence de ce type d’organisation. Comme le rappelle David Price dans l’introduction de son chapitre sur l’histoire de l’AAA, « A short history of American anthropological ethics, codes, principles and responsibilities – Professional and otherwise » (p. 23-38), la domination du secteur privé sur l’enseignement, et le peu de postes académiques proposés aux anthropologues, incitent la plupart des jeunes chercheurs à travailler en entreprise ou dans des ONG. Et surtout, les programmes militaires de cooptation de jeunes scientifiques sont autant de défis auxquels les anthropologues états-uniens sont confrontés. Ces défis mettent alors à l’épreuve l’engagement éthique dans la méthode de terrain, la restitution du matériau et la diffusion des connaissances.

C’est pour se saisir de ces enjeux que l’association a adopté dès 1948 un ensemble de résolutions d’ordre éthique. Ce processus fut encouragé par une réflexion sur les mauvaises pratiques de recherche entreprise dès la fin du 19e siècle, par exemple à propos des prélèvements d’ossements opérés par Franck Hamilton Cushing ou Franz Boas, sans le consentement des populations autochtones. Par ailleurs, pendant les deux guerres mondiales, de grands noms de la discipline, comme Margaret Mead, Gregory Bateson ou Ruth Benedict ont mis leur savoir anthropologique au service de l’effort de guerre allié (Bonhomme 2007). Après la Seconde Guerre mondiale, le Code de Nuremberg (1946-1947), au travers des principes de protection de l’être humain qu’il prônait, influença les chartes adoptées par les différentes disciplines des sciences humaines. À la suite de la Society for Applied Anthropology (SfAA), qui édicta la première charte éthique d’anthropologie aux États-Unis, l’AAA adopta des principes généraux, prévoyant l’indépendance des anthropologues vis-à-vis de leurs commanditaires, leur assurant dès lors la possibilité d’interpréter et de publier leurs données sans interférence ni censure — notamment par le retrait de leur nom dans la signature des travaux — ainsi que la protection de l’intérêt des personnes et groupes étudiés. Par la suite, les pressions croissantes exercées par l’industrie militaire pour impliquer les anthropologues, et la participation massive de ceux-ci aux programmes de recherche de l’armée, poussèrent l’AAA à renforcer la formalisation de ses principes et à produire sa première charte éthique en 1971, intitulée Principles of Professional Responsibility (PPR). Mathieu Hilgers (2008) a montré que l’histoire de cette charte a été jalonnée aussi bien par des problématiques propres aux États-Unis que par des questions communes aux anthropologues de tous les pays. L’institutionnalisation de la discipline et l’implication des anthropologues — aux côtés de sociologues, psychologues, et agents de développement — dans les projets de défense, de renseignement, de propagande et de contre-propagande durant la Seconde Guerre mondiale, pendant la guerre froide, dans des programmes dits « contre-insurrectionnels » en Amérique latine et dans le contexte des guerres de Corée et du Viêt Nam, en constituent les principaux jalons.

Initialement conçue comme un code déontologique, c’est-à-dire limitée au strict cadre professionnel — à l’encontre de l’éthique qui intègre des valeurs morales attachées à l’individu (Lafaye et Gobatto 2014 : 38) —, cette charte, tel qu’elle a pris forme progressivement, est devenue la principale référence de nombreuses associations professionnelles états-uniennes. Le document actuel est le fruit d’un travail de révision considérable mené entre 2008 et 2011 par le groupe Task Force for Comprehensive Ethics Review de l’AAA, formé à cette époque sous la direction de Dena Plemmons et mobilisant plusieurs auteurs de l’ouvrage. Il prend en compte les apports de comités éthiques émanant d’autres associations, comme celui du World Council of Anthropological Associations (WCAA). En revanche, il se nourrit peu des réflexions menées hors du monde anglophone, telles celles engagées en France1. Il est vrai que les deux pays présentent des contextes assez dissemblables : dans le contexte nord-américain, l’anthropologie inclut l’anthropologie linguistique, l’anthropologie sociale-ethnologie, l’anthropologie biologique et la préhistoire, tandis qu’en France, les liens entre ces trois dernières se sont distendus à partir des années 1970, et les divisions institutionnelles se sont affirmées dans les années 1990 (Bocquet-Appel et al. 2017). La séparation entre l’étude de la vie sociale des hommes et celle de l’histoire naturelle de l’homme a eu un impact sur les thématiques de recherche, les méthodes d’enquête et les débats sur l’éthique. Pourtant, malgré ces différences dans la structuration du champ disciplinaire, les enjeux et les problématiques de l’éthique en anthropologie sont par essence comparables dans tous les pays ; en outre, Plemmons (p. 191-193) souligne que la plupart des questions éthiques discutées dans l’ouvrage transcendent les frontières disciplinaires. Cette non-prise en compte à la fois de la diversité des contextes institutionnels et de l’universalité de certaines questions éthiques communes à tous les anthropologues limite d’emblée la portée de l’ouvrage.

Un ouvrage entre rapport institutionnel et partis pris éthiques lacunaires

La préface des coordinateurs Dena Plemmons et Alex Barker (p. 7-8) expose les objectifs de l’ouvrage. Celui-ci comporte ensuite douze chapitres présentés d’un seul tenant, bien que ceux-ci puissent être divisés en blocs distincts, du fait de leur contenu. En effet, après la préface, le premier chapitre, « Introduction : ethics, work, and life – Individual struggles and professional “comfort zones” in anthropology » (p. 9-22), se présente comme une introduction, signée par la présidente de l’association au moment du projet de réformes, Virginia R. Dominguez, tandis que le dernier chapitre est une postface, « Ethics as institutional process » (p. 231-236), rédigée par la présidente en fonction lors de la parution de l’ouvrage, Monica Heller. Entre ces deux parties, deux chapitres au début et deux à la fin présentent respectivement l’histoire du collectif et de ses débats, puis les développements récents, les aspects novateurs de ces débats et les perspectives qu’ils ouvrent pour la réflexion future sur l’éthique en anthropologie. Le cœur de l’ouvrage est lui composé de sept chapitres, dont les intitulés portent sur les principes éthiques dégagés par l’association, et qui sonnent comme des commandements : « Do no harm » ; « Be open and honest regarding your work » ; « Make your results accessible » ; « Obtain informed consent and necessary permissions » ; « Weigh competing ethical obligations to collaborators and affected parties » ; « Protect and preserve your records » ; « Maitain respectful and ethical professional relationships »2.

Comme souligné dans la préface, ces principes peuvent être appréhendés de différentes façons selon le contexte de la recherche, sa nature et les sources de financement. Ils ne forment par des règles statiques et immuables. Bien qu’ils aient été formulés collectivement, les modalités de leur interprétation ne font pas consensus. Aussi leur présentation par chapitre reflète-t-elle l’opinion de chaque auteur. Le lecteur est ainsi invité à appréhender ces principes à la lumière de sa « bonne conscience » (p. 8), de son expérience personnelle et de la focale de son sous-champ disciplinaire.

Les enjeux du livre, présentés dans la préface, sont développés dans l’introduction. Virginia R. Dominguez soutient que l’éthique est le produit de « luttes individuelles et professionnelles » (p. 10), inscrites la plupart du temps à contre-courant de forces dominantes s’exerçant au sein de la société comme du milieu académique. Elle décrit les paradigmes, modèles et habitudes de la profession. Ceux-ci délimitent les contours normatifs de la science, qu’elle présente à plusieurs reprises comme une « zone de confort », qui peut s’avérer dangereuse, puisqu’elle génère une forme de « myopie » (p. 10) vis-à-vis d’autres idées, pratiques, comportements et valeurs. Face à ce risque, elle préconise que le chercheur opère un décentrement méthodologique et qu’il entreprenne un travail réflexif en tant que professionnel, mais aussi sur le plan personnel. Cette démarche doit permettre de mieux cerner les biais interprétatifs auxquels le chercheur doit faire face, mais aussi de restituer et rendre intelligibles les éléments de contexte aux différents auditoires auxquels les travaux de l’anthropologue sont destinés. Selon l’auteure, ce travail réflexif conditionne une meilleure appropriation et incorporation personnelle de l’éthique, permettant de surpasser le simple respect temporaire de règles imposées depuis l’extérieur.

Sans qu’elle le précise explicitement, il ressort de ce chapitre que Dominguez plaide pour une articulation de l’éthique de recherche avec les questions de déontologie, d’intégrité scientifique et même de responsabilité sociale (ce qu’elle développera plus loin, p. 192). À ce titre, une réflexion sur les articulations envisagées entre ces aspects de la pratique professionnelle aurait permis de mieux situer, dès le début de l’ouvrage, les positions parfois divergentes des différents auteurs.

Le chapitre suivant, « A short history of American anthropological ethics, codes, principles, and responsibilities – Professional and otherwise » (p. 23-38), écrit par David Price, retrace brièvement l’histoire de la réflexion sur l’éthique dans l’anthropologie américaine. Il signale les tromperies, les abus et même les pratiques criminelles de certains grands noms de la discipline, tout en soulignant les fonctionnements institutionnels qui ont favorisé ces déviances. Il cite par exemple le décès par tuberculose de six Inuits, après que Robert Peary les a amenés à New York pour satisfaire une commande du Muséum d’histoire naturelle. Plus tard, le fils orphelin de l’une de ces victimes découvrit derrière une vitrine du Muséum le squelette étiqueté de son père. Price décrit ensuite les débats opposant les chercheurs engagés dans les projets de consultance et d’anthropologie appliquée, ceux qui travaillent en milieu académique, et ceux investis dans les programmes développés par l’armée américaine et le renseignement. Ces débats, qui animent la communauté scientifique états-unienne depuis la Seconde Guerre mondiale, se sont amplifiés après le 11 septembre 2001. Au cœur des interactions entre la recherche et la défense, la question des recherches secrètes ou celles dites « sous couverture » (undercover), c’est-à-dire celles où le chercheur dissimule son identité aux enquêtés, a été particulièrement discutée. L’implication accrue des anthropologues dans ces types de recherche a suscité en 2006 au sein de l’AAA, sous l’impulsion de son président Alan Goodman, la création de la Commission on the Engagement of Anthropology with the US Security and Intelligence Communities (CEAUSSIC). Cette commission produisit un rapport en 2007 pour rendre compte des interactions existantes entre les anthropologues et les services militaires et de renseignement. Ce rapport fut au cœur du projet de refonte de la charte éthique telle qu’elle se présente actuellement.

Le troisième chapitre, « Background and context to the current revisions » (Plemmons et Barker, p. 39-74), rédigé par les coordinateurs de l’ouvrage, souligne la difficulté de tracer une ligne de démarcation claire entre ce qui relève de la recherche secrète et sous couverture, et ce qui ressort de méthodes d’enquête visant à garantir la sécurité du chercheur et de ses informateurs, dans le cadre desquelles l’anthropologue ne peut pas toujours dévoiler la totalité du contenu de ses travaux. Plemmons et Barker restent un peu énigmatiques sur ce point, également abordé par la Task Force, mais ils mentionnent les cas dans lesquels il n’y a pas de consensus du groupe enquêté pour savoir quel matériau d’enquête peut être rendu public. On en déduit que, dans certains cas, la sécurité du chercheur et de ses sources est conditionnée par la capacité de l’anthropologue à distinguer en statut ses informateurs et ses données, c’est-à-dire à savoir juger en situation qui peut dire ou entendre quoi, et à quel moment. À ce propos, on aurait aimé connaître les préconisations méthodologiques de l’AAA concernant les enquêtes à risque, celles menées auprès de groupes criminels, ou celles réalisées en situation de conflit violent. De même, dans un contexte autoritaire, jusqu’à quel point le chercheur peut-il dévoiler les ressorts de son enquête, sans risque pour lui-même et ses informateurs, alors qu’il n’en connaît pas encore les développements ultérieurs (Bellin et al. 2018 : 5) ? Quels choix faire, par exemple en termes de confidentialité des données, face à des pratiques individuelles dont on sait qu’elles lèsent le bien commun ? L’anthropologue qui assiste à un acte criminel, doit-il se positionner différemment du citoyen ordinaire et se cantonner à un devoir de réserve au cours de l’enquête et au moment de la restitution ? Comment exiger de la part de militants politiques ou de sans-papiers qu’ils signent un document de consentement éclairé », attestant de leurs pratiques illégales ou de leur présence sur le territoire ? Finalement, n’y a-t-il pas des situations dans lesquelles la responsabilité sociale de l’anthropologue l’emporte sur les principes généraux établis par l’AAA, ce que soulignent précisément Annie Benveniste et Monique Selim (2014 : 23-26) ? On touche là à des dilemmes éthiques que les auteurs évoquent sans les traiter, car aucun consensus ne s’est dégagé des discussions.

Ce chapitre décrit aussi les étapes de révision de la charte et ambitionne de résumer les principes qui y figurent. Mais, en réalité, prônant la transparence de l’anthropologue quant à ses objectifs et moyens de recherche, il présente plutôt une succession de règles, comme la nécessité d’obtenir le consentement éclairé des informateurs, favoriser l’accessibilité des travaux produits, ou encore l’obligation de dénoncer les mauvaises pratiques des collègues. Malheureusement, les éléments fournis quant au contexte de production de ces règles sont plus d’ordres pratique (genèse de la formation du comité et des sous-comités) et procédural (dates des réunions, modalités de modification de la charte) qu’épistémologique. Cette approche rend difficilement compréhensibles les raisons pour lesquelles le spectre des recherches appréhendé dans la charte est limité et focalisé sur un certain type de sujets d’étude : principalement les populations « vulnérables » et celles qualifiées de « minoritaires ». Sans explication préalable sur les raisons de cette focale, les règles énoncées semblent quelque peu dogmatiques, d’autant plus que les questions autour des négociations sanctionnant l’accès aux données (Parkinson et Wood 2015) et la transparence (Malthaner 2014), ou encore celles concernant l’aspect parfois problématique de la contractualisation du consentement (Benveniste et Selim 2014 : 25), ne sont pas abordées.

Problèmes de méthode : des cas d’étude choisis a priori

Plusieurs des chapitres suivants, qui portent sur les différents principes énoncés par les coordinateurs du livre, viennent parfois nuancer les prescriptions un peu péremptoires du troisième chapitre. Dans le quatrième chapitre « Do no harm » (p. 75-90), Katherine MacKinnon souligne la nécessité de prendre en compte simultanément le bien commun et le moindre mal, impliquant que, « in some situations, harm to those benefitting from inequalities might be justified » (p. 81)3.

Dans le chapitre suivant, « Be open and honest regarding your work » (Price, p. 91-106), la position du contributeur se veut plus polémique. Auteur de nombreux travaux sur les relations entre l’anthropologie américaine et les services de défense et de renseignement (Price 2011), Price part du principe que la recherche doit d’emblée s’inscrire dans un cadre formel, régi par des normes claires et strictes, permettant d’évacuer ce qu’il nomme la « recherche compartimentée » (p. 97), dans laquelle l’anthropologue n’a pas connaissance de tous les objectifs du projet de recherche dans lequel il est impliqué. Parallèlement, en tant que membre du Network of Concerned Anthropologists (NCA)4 qui, tout en s’opposant au programme Human Terrain System du Pentagone — lequel mobilisa jusqu’en 2014 les chercheurs en sciences sociales pour mener des opérations militaires d’invasion en Irak et en Afghanistan —, Price estime que « anthropologists have an important role to play in shaping military and foreign policy »5. À cet effet, ce réseau a édité un « Manuel de contre contre-insurrection. Ou des notes pour démilitariser la société américaine » (Network of Concerned Anthropologists 2010), dans lequel les contributeurs entreprennent de déconstruire le discours des agences de sécurité pour montrer que celles-ci défendent des intérêts politiques et économiques en tuant des milliers de civils, sous couvert de lutte contre le terrorisme. Les membres de ce réseau dénoncent les arguments fallacieux des militaires, ou ceux de certains anthropologues embarqués, qui en appellent au patriotisme et à la stabilité des espaces prétendument « non gouvernés » ou « non intégrés » (ibid.). Ces arguments sont développés dans un manuel militaire à prétention scientifique, The New U.S. Army/Marine Corps Counterinsurgency Field Manual (2007), dont Price et ses collègues dénoncent les pratiques de plagiat, le détournement des théories anthropologiques, l’absence de notes de bas de page et du respect des standards scientifiques en général. Ce manuel était pourtant publié par les Presses universitaires de Chicago et comprenait une introduction signée par la directrice du Carr Center for Human Rights Policy, à Harvard.

Fort de son expertise, Price porte avec justesse dans le débat professionnel les questions complexes des relations entre les sciences sociales et la défense. Toutefois, dans la présente contribution, il amalgame son opposition aux programmes états-uniens de collaboration science-armée avec son désaccord sur la politique étrangère des États-Unis, voire avec un antimilitarisme de principe. Une réflexion d’ordre général sur les rapports entre éthique, responsabilité sociale et engagement politique aurait pourtant été justifiée dans ce chapitre. Par ailleurs, on aurait aimé savoir comment le rôle d’élaboration des politiques militaires, tel celui revendiqué par le NCA, peut être endossé concrètement par les anthropologues. La quasi-totalité des exemples mobilisés par Price relève de cas extrêmes de pratiques de recherche criminelle. Il manque à ce chapitre des exemples de cas limites plus complexes, qui mèneraient à réfléchir sur les dilemmes éthiques auxquels font face nombre d’anthropologues qui travaillent sur des terrains difficiles et sont placés en position de vulnérabilité. Par exemple, de quelle façon les recherches sur les terrains en guerre peuvent-elles être menées à bien lorsque le chercheur a besoin de permis de passage et de certaines formes de protection pour lui et ses informateurs ?

D’autres limites liées au manque de cas concrets se retrouvent dans le chapitre six, « Make your results accessible » (Barker, p. 107-118), notamment à propos de l’accessibilité et la diffusion des résultats de la recherche. L’auteur y mentionne l’importance de partager les résultats de l’enquête avec les « participants à la recherche » (research participants, p. 109)terme choisi pour remplacer celui de « studied population » (p. 35) « reflecting open forms of research and consent »6 (ibid.). Transparaît ici le présupposé selon lequel les informateurs appartiendraient à une communauté « indigène traditionnelle » (p. 112) avec laquelle il faudrait collaborer à toutes les étapes de la recherche7. Cette approche restrictive de l’anthropologie exclut toute une partie des travaux menés par les anthropologues sur les pratiques illégales, les réseaux criminels, les régimes politiques autoritaires. Dans tous ces contextes, les rapports de force, les inégalités et les injustices qui divisent les sociétés en interne ont un impact sur les possibilités mêmes de la participation et sur le statut, peu confortable, du chercheur.

Recherche impliquée et questionnements déontologiques

Le septième chapitre, « Obtain informed consent and necessary permissions » (Albro et Plemmons, p. 119-144), contraste avec la perspective de Barker tout en la confortant. Les auteurs soulignent que les populations classiquement étudiées par les anthropologues, les « natifs », furent longtemps caractérisées comme collectives, anonymes, spatialement cloisonnées, et sans pouvoir d’action dans leur relation avec l’ethnologue. En revanche, selon eux, le travail de recherche actuel s’exerce autant dans les marges, de façon déterritorialisée et multi-située, que dans des cadres plus formels, tels ceux qui prévalaient dans les travaux classiques de type monographique. Les auteurs en concluent que, dans le contexte actuel, le consentement éclairé ne peut ressortir que d’une démarche dynamique, continue et réflexive, procédant d’un ensemble d’arrangements sociaux sur le terrain, avec les participants.

Le chapitre huit, « Weigh competing ethical obligations to collaborators and affected parties » (Tashima et Crain, p. 145-166), vise à rappeler la complexité pour le chercheur de mesurer les impacts éthiques sur toutes les parties affectées plus ou moins directement par son travail : les informateurs, leurs familles et leurs communautés d’appartenance, les employeurs et financeurs de la recherche, les comités institutionnels de supervision, les institutions gouvernementales, les collègues, étudiants et personnels universitaires. À nouveau, un ensemble de normes et recommandations générales est énoncé, comme la responsabilité attendue de l’anthropologue de contracter une assurance ou de se rapprocher d’un comité institutionnel de supervision (Institutional Review Board, IRB).

Le chapitre neuf, « Protect and preserve your records » (Barker, p. 167-181), est assez succinct, mais comporte une riche bibliographie. Il porte essentiellement sur l’accès, la rétention, la protection et la préservation des enregistrements d’enquête, mais aussi des objets recueillis. Il pointe l’importance du consentement éclairé des participants aux enregistrements et attire l’attention sur la complexité des droits de propriété (complexifiés avec la prolifération des financeurs). Barker donne plusieurs exemples de litiges autour de ces droits, particulièrement après la mort des anthropologues. Avec la numérisation des données, les plateformes de libre accès (open access), et la multiplication des règles juridiques, les collections orphelines représentent un problème grandissant. À ce sujet, il envisage les différentes possibilités qui s’offrent aux praticiens pour sécuriser leurs données, allant de la destruction du matériau à la désignation d’un exécuteur testamentaire, en passant par le dépôt des données dans des archives sécurisées non accessibles au public.

L’auteur aborde également la question de l’anonymisation (p. 173). Nécessaire pour garantir la dignité et l’intimité des informateurs, cette anonymisation est problématique dans de nombreux cas, car elle affaiblit sur le long terme la portée des données recueillies, elle compromet les possibilités de leur utilisation par les collègues et les participants, elle limite la capacité de chacun à faire valoir ses droits de propriété et elle pérennise les rapports inégalitaires entre l’anthropologue et les participants. Par exemple, à terme, avec l’anonymisation, seul l’anthropologue est susceptible de donner sens aux données qu’il a collectées, alors que les enquêtés et leurs communautés en ont perdu la trace. Le chercheur devient ainsi l’autorité responsable de l’information communiquée.

Un autre problème traité par Barker est celui du lien entre l’évolution des données préservées et le consentement, lequel se trouve parfois invalidé à l’épreuve du temps. Les enregistrements ont souvent des statuts complexes enchâssant plusieurs types de propriétés et de droits (droit de l’informateur, de l’anthropologue, du financeur, des institutions participantes) et les données ou matériaux secondaires peuvent devenir primordiaux à certaines occasions. Le chapitre s’appuie sur des exemples marquants, comme celui des Havasupai d’Arizona. Sollicités pour des prélèvements sanguins en vue d’une étude médicale sur le diabète, certains de leurs échantillons furent utilisés pour mener des recherches sur les maladies mentales, et d’autres furent interprétés par les scientifiques pour élaborer des théories sur les « origines de la tribu » (p. 174), théories qui se heurtèrent à la tradition orale des Havasupai. Ceux-ci obtinrent un fort dédommagement après recours devant la justice.

Dans le chapitre dix, « Maintain respectful and ethical professional relationships » (p. 183-205), Plemmons aborde les questions de déontologie et décrit de façon assez détaillée le fonctionnement interne du comité d’éthique (Committee on Ethics, COE) fondé en 1971. Elle relate qu’à partir de 1972, ce comité a reçu annuellement entre trois et six demandes d’informations et conseils, provenant de pairs émettant des plaintes au sujet de problèmes relevant de l’éthique. La majorité portait sur des litiges entre collègues. Plemmons donne trois exemples : dans chaque cas, elle présente la requête qui a été adressée, les conseils individuels apportés au plaignant par les membres du comité et la synthèse générale élaborée collectivement par ce comité. Les conseils prodigués sont nombreux, préconisant par exemple aux plaignants de faire appel à des médiateurs au sein de leurs institutions de rattachement scientifique, ou encore, de mieux veiller à l’avenir à la négociation des termes de leurs contrats de recherche en amont de leur signature.

Le chapitre se poursuit sur les questions éducatives et de formation des chercheurs à tous les niveaux de leur carrière, qui sont, signale l’auteure, pour l’instant peu encadrées. Ces questions bénéficient d’un seul support : un code général, intitulé « Conduite responsable pour la recherche » (Responsible conduct of research, RCR), initialement développé par les Instituts nationaux de santé (National Institutes of Health, NIH) à partir de 1989. Plemmons précise que le comité d’éthique a endossé une mission éducative dès 1995, en créant un blog sur lequel les cas de litiges examinés ont été postés, permettant aux membres de l’AAA d’échanger autour de leurs propres questions d’éthique. Quant à la Task Force, une de ses premières actions a été l’organisation d’une réunion avec les étudiants afin de discuter collectivement des objectifs et modalités du code éthique à élaborer. Un groupe de travail de mentorat s’est également structuré au sein de l’AAA afin de discuter des questions de relations entre étudiants, superviseurs et directeurs de recherche, des droits de propriété intellectuelle des étudiants et des collaborations entre collègues.

Recherche appliquée : des divergences marquées au sein de la Commission

Les trois derniers chapitres visent à faire la synthèse des récentes avancées de l’AAA et de la charte présentée dans l’ouvrage, ainsi que de ses enjeux pour la recherche. Pour Laura McNamara, dans « On professional diversity and the future of anthropology » (p. 213-230), la discipline se trouve dans une crise de légitimité sociale et professionnelle. Elle cite le magazine économique Forbes qui indique qu’aux États-Unis, les diplômes de licence en anthropologie sont les moins valorisés sur le marché du travail, en termes d’emploi et de salaire. Alors que, sous peu, la majorité des anthropologues exercera hors du monde académique, dit-elle, entre un tiers et trois quarts de ces chercheurs perdront contact avec les institutions et organisations professionnelles. C’est l’anthropologie appliquée qui gagne désormais en légitimité. En témoigne le succès croissant des associations professionnelles réfléchissant aux liens entre la discipline et l’industrie de la finance ou des nouvelles technologies, à l’instar de la National Association for the Practice of Anthropology (NAPA) et de la Society for Applied Anthropology (SfAA)8, à laquelle appartiennent plusieurs des auteurs du livre, dont Price.

Au vu des questions éthiques que soulèvent les pratiques des entreprises (Microsoft, Intel Corporation) finançant les travaux d’un très grand nombre de membres des associations d’anthropologues9, on est surpris du positionnement de McNamara. Initialement favorable à certains types de coopérations entre les anthropologues et les agences de sécurité américaines (p. 219), l’auteure, qui a fait sa thèse sur le nucléaire militaire, affirme que son point de vue a évolué au fil des débats critiques entrepris depuis une décennie avec ses collègues de l’AAA. À l’inverse de sa posture distanciée à l’égard des relations science-armée, elle centre son article sur la nécessité pour ses collègues de contribuer au renforcement de la recherche appliquée, non en réfléchissant à ses fondements éthiques, mais plutôt en œuvrant pour revigorer la discipline (p. 214). Elle encourage la poursuite du rapprochement entre le secteur de l’industrie de technologie et l’anthropologie, afin que soit renforcée la figure de l’« anthropologue d’entreprise » (corporate anthropologist, p. 228).

Entre les positions de Price (p. 91-106) et celles de McNamara (p. 213-230), on voit les divergences d’opinions conséquentes qui divisent les membres du comité d’éthique, reflétant par ailleurs les vifs débats au sein de l’AAA sur des sujets tels que la participation des anthropologues au programme du Human Terrain System (Bonhomme 2007). De son côté, Dominguez (p. 9-22) souligne les positions contradictoires de ses collègues, certains étant favorables à des clauses claires et non équivoques, d’autres défendant la mise en place de procédures d’arbitrage et d’investigation débouchant sur de possibles mesures de condamnation et de censure ; plusieurs s’opposent par ailleurs à toute forme d’implication commerciale de l’anthropologie (dissensions mentionnées par Alex Barker, p. 175). L’auteure signale toutefois qu’entre le code de 1971 et les amendements de 2008-2011, le comité a notablement assoupli son approche, en envisageant l’éthique dans sa dimension processuelle, pratique, et intégrée à la vie des anthropologues (p. 19-20), laissant davantage de latitude aux membres pour décider individuellement de leur implication dans les programmes de recherche appliquée.

Apports et limites de la charte de l’AAA

L’ouvrage a le mérite de souligner la nécessité d’entretenir des dialogues sur les codes de conduite autour d’une architecture minimale. Il insiste sur l’importance d’une autorégulation des chercheurs, dans une optique de justice sociale et en vue de respecter les conditions permettant la pérennité de la recherche. Il attire l’attention sur le fait que l’instauration de règles peut permettre de tracer des lignes rouges afin de garantir les droits des populations enquêtées autant que ceux des chercheurs. La production de normes peut en outre renforcer la confiance des citoyens, des institutions et des agences envers la science et les scientifiques. De ce fait, la charte de l’AAA peut accroître la visibilité et la légitimité publiques de la discipline, et faciliter la validation des projets de ses membres par les financeurs. Les contributeurs mettent en lumière ces aspects utilitaires, ainsi que les dynamiques historiques institutionnelles et économiques, entre pilotages d’État et intérêts industriels, qui ont orienté les débats sur l’éthique de l’anthropologie aux États-Unis. À ce niveau, il manque peut-être une explicitation du socle idéologique (au sens de système de valeurs) qui préside à la formulation des principes de la charte. Dans le cadre du projet de contextualisation affiché par les contributeurs de l’ouvrage, on aurait apprécié une réflexion plus approfondie sur la spécificité du contexte culturel et politique états-unien, mis en regard avec d’autres histoires nationales de notre discipline. Ce décentrement, tout en posant les questions de la finalité de la recherche anthropologique et de sa pertinence, permettrait probablement de mieux articuler la visée universaliste et les spécificités des contextes de recherche, tel que les auteurs de l’ouvrage l’ambitionnent (p. 20).

Cette approche décentrée correspondrait par ailleurs à la démarche des membres de la Task Force de mise en place de dispositifs de dialogue (échanges, conférences, lectures, formations). Ceux-ci pourraient contribuer, au-delà de la formation au savoir-être et savoir-faire de l’individu-chercheur et en plus d’un nécessaire encadrement normatif minimal, à créer une culture partagée du questionnement éthique en recherche. Sur ce point, Françoise Lafaye et Isabelle Gobatto (2014 : 53-55) défendent l’idée qu’au-delà des normes explicitées, les anthropologues doivent mettre en œuvre une éthique conséquentialiste, par opposition à l’éthique déontologique, opposition que l’on retrouve chez Elizabeth Anscombe (1958). Il s’agirait de développer sa conduite en fonction des conséquences des actes et des choix, plus que d’une série de règles à appliquer, ce qui va dans le sens d’une éthique dynamique, à prendre en charge collectivement au sein de lieux de discussion professionnels. Cette approche permet de s’affranchir en partie des risques inhérents à la prolifération des normes. En effet, parfois conçue comme un instrument neutre capable de rationaliser les décisions collectives, l’éthique, lorsqu’elle est normée, comporte le risque de normaliser l’usage d’outils d’évaluation standardisés, susceptibles d’orienter les pratiques des chercheurs en amont, d’empiéter sur la liberté de la recherche (Carvallo 2019 : 300), ou de décharger les chercheurs d’une vigilance éthique à maintenir sur la durée. Ainsi, les chartes ne peuvent répondre qu’à des injonctions de performance et d’efficacité.

À ce titre, on regrette le caractère quelque peu prescriptif et abstrait des lignes de conduite présentées dans plusieurs chapitres de ce livre, ainsi qu’une faible mobilisation d’éléments illustratifs, lesquels auraient aidé à mieux saisir la caractéristique principale de la pratique de l’éthique, à savoir sa contextualité, et les indispensables adaptations méthodologiques aux contingences et aux événements. Par ailleurs, l’articulation possible — qui ne semble cependant pas faire consensus auprès des auteurs — entre éthique de la recherche, intégrité scientifique et responsabilité sociale aurait mérité d’être développée10. Cette articulation et ses modalités sont suggérées par certains contributeurs, particulièrement par Dominguez, mais sans être clairement énoncées. On aurait aussi aimé que soient envisagés les dilemmes et les questions éthiques, sur les terrains à risque comme dans les cas anodins, ceux qui constituent le quotidien de l’anthropologue et permettent d’appréhender toute la dimension transformative, progressive, négociée et non maîtrisée (Favret-Saada 1977) des relations d’enquête.

En résumé, on constate qu’il est difficile d’établir un code de déontologie acceptable pour l’ensemble de la profession. En plus du risque d’une éthique par le haut ou d’empiéter sur la liberté de la recherche, les pratiques encouragées dans le formalisme déontologique des chartes éthiques écartent d’emblée l’ethnographie de personnes ou de secteurs jugés déviants ou illégaux, dont la vulnérabilité peut être accrue à cause d’une mauvaise publicisation des données de l’enquête ou par la seule divulgation de leur interaction avec l’enquêteur. En outre, au vu de la difficulté de traduire les termes et les concepts de l’éthique en fonction des échelles d’application, mais aussi en fonction des langues et des pays — selon les traditions morales et juridiques, et les styles réglementaires de chacun d’eux (Vogel 1986, cité par Carvallo 2019 : 312) — l’institutionnalisation et la procéduralisation de l’éthique ne gagent pas automatiquement de son opérationnalisation. Pour certains détracteurs des chartes éthiques, leur formalisme sert souvent l’intérêt des institutions de la recherche comme caution juridique visant à dégager celles-ci de leur responsabilité en cas de poursuites judiciaires (Gallenga et Mahieddin 2014 : 134). Contrôlées par une bureaucratie souvent étrangère à la pratique de l’univers de production de la recherche anthropologique, ces chartes sont susceptibles d’encourager une éthique par le haut et elles induisent le risque de vider les principes éthiques de leur substance morale (Hilgers 2008 : 190-191).

Or, l’enchâssement des questions éthiques et des aspects méthodologiques et épistémologiques incite à mieux prendre en compte l’engagement personnel, « quasi initiatique » (Bonte 1991 : 83), de l’anthropologue sur son terrain, ainsi que la dimension impliquée (Agier 1997 : 22-23), incarnée, en action, et intersubjective de la relation ethnographique. Couplés aux actions de transformations réciproques entre l’anthropologue et son terrain, ces phénomènes invitent à développer ce qu’Élodie Razy définit comme une éthique « pragmatique et processuelle » (2014 : 6). Celle-ci peut s’appuyer sur la capacité des anthropologues à agir en sujets pensants, réflexifs et critiques. Cette réflexivité individuelle, encouragée par la formation, peut se conjuguer à une réflexivité collective et institutionnelle, développée par la profusion des débats collectifs.

Il semble donc que c’est à la condition de l’articulation entre démarches normatives, réflexives et politiques (Carvallo 2019) que l’on pourra s’approcher au plus près de l’« éthique en contexte » (p. 8) visée par cet ouvrage.

1 Parmi les travaux de chercheurs français, seul un ouvrage de Didier Fassin et Samuel Lézé (2013) est cité. Or, dès 1991, Pierre Bonte traitait de

2 « Ne nuis pas » ; « Sois ouvert et honnête dans ton travail » ; « Rends tes résultats accessibles » ; « Obtiens le consentement éclairé et les

3 « Dans certaines situations, nuire à ceux qui bénéficient des inégalités pourrait être justifié » (traduit par l’auteur).

4 https://sites.google.com/site/concernedanthropologists/ (consulté le 26 octobre 2020).

5 « Les anthropologues ont un rôle important à jouer pour élaborer les politiques militaires et la politique étrangère » (traduit par l’auteur).

6 « Reflétant des formes ouvertes de recherche et de consentement » (traduit par l’auteur).

7 Pour une perspective critique et constructive de ce type d’approche, voir Iphofen (2013 : 54-58).

8 L’un des axes de travail de la SfAA est l’étude anthropologique des comportements de consommateurs, des labellisations, de la publicité et des

9 On pense par exemple aux accusations récurrentes contre Intel Corporation pour abus de position dominante vis-à-vis de ses concurrents, ou encore

10 À ce titre, certains défendent l’idée que l’éthique de la recherche ne peut pas être pensée comme une réflexion autonome sur les valeurs et les

Agier Michel (dir.), 1997, « Anthropologues en dangers. L’engagement sur le terrain », Les Cahiers de Gradhiva, vol. 30.

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1 Parmi les travaux de chercheurs français, seul un ouvrage de Didier Fassin et Samuel Lézé (2013) est cité. Or, dès 1991, Pierre Bonte traitait de cette question dans un article intitulé : « Questions d’éthique en anthropologie » et en 1993, le Journal des anthropologues s’en emparait avec un numéro portant le titre suivant : « Éthique professionnelle et expérience de terrain » (Despringre, Fiéloux et Luxereau 1992-1993).

2 « Ne nuis pas » ; « Sois ouvert et honnête dans ton travail » ; « Rends tes résultats accessibles » ; « Obtiens le consentement éclairé et les permissions nécessaires » ; « Mesure tes obligations éthiques vis-à-vis des collaborateurs et des parties affectées » ; « Protège et préserve tes enregistrements » ; « Maintiens des relations professionnelles respectueuses et éthiques » (traductions par l’auteur).

3 « Dans certaines situations, nuire à ceux qui bénéficient des inégalités pourrait être justifié » (traduit par l’auteur).

4 https://sites.google.com/site/concernedanthropologists/ (consulté le 26 octobre 2020).

5 « Les anthropologues ont un rôle important à jouer pour élaborer les politiques militaires et la politique étrangère » (traduit par l’auteur).

6 « Reflétant des formes ouvertes de recherche et de consentement » (traduit par l’auteur).

7 Pour une perspective critique et constructive de ce type d’approche, voir Iphofen (2013 : 54-58).

8 L’un des axes de travail de la SfAA est l’étude anthropologique des comportements de consommateurs, des labellisations, de la publicité et des stratégies de communication de marché.

9 On pense par exemple aux accusations récurrentes contre Intel Corporation pour abus de position dominante vis-à-vis de ses concurrents, ou encore aux récents contrats décrochés par Microsoft avec l’armée américaine (https://www.presse-citron.net/microsoft-des-employes-sopposent-lutilisation-des-hololens-par-larmee-americaine/, consulté le 18 décembre 2019).

10 À ce titre, certains défendent l’idée que l’éthique de la recherche ne peut pas être pensée comme une réflexion autonome sur les valeurs et les finalités de la science, mais qu’elle doit plutôt être appréhendée comme un pivot réflexif, situé entre l’intégrité scientifique, qui désigne une démarche normative, et la responsabilité sociale, conçue comme une démarche politique (Coutellec 2019).

Gabriel Facal

Gabriel Facal est chercheur en anthropologie, associé au Centre Asie du Sud-Est (CASE), membre de l’Institut de recherches asiatiques (IrAsia), et de Patrimoines locaux, Environnement et Globalisation (PALOC). Ses recherches antérieures ont porté sur des initiations martiales, des milices civiles et des groupes islamistes djihadistes en Indonésie. Il a cofondé en 2020 l’Observatory of Political Alternatives in Southeast Asia (ALTERSEA https://altersea.hypotheses.org/).