Les temporalités de l’à-venir

À propos de Rebecca Bryant et Daniel M. Knight, The Anthropology of the Future, 2019

Nathalie Ortar et Camille Noûs

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Nathalie Ortar et Camille Noûs, « Les temporalités de l’à-venir », Lectures anthropologiques [En ligne], 7 | 2020, mis en ligne le 13 février 2024, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.lecturesanthropologiques.fr/778

L’omniprésence du présent qui caractérise la période contemporaine est source de doute et de conflit. Les auteurs de The Anthropology of the Future proposent de réintroduire de la consistance au présent en partant du futur pour contempler le dynamisme temporel de nos actions. L’article expose les concepts développés par Bryant et Knight et les discute en les articulant aux propositions de Theodore Schatzki sur les pratiques sociales et leur lien avec les espaces-temps du quotidien.

The omnipresence of the present that characterizes the contemporary period is a source of doubt and conflict. The authors of The Anthropology of the Future propose to reintroduce depth into the present by starting from the future to contemplate the temporal dynamism of our actions. The article presents the concepts proposed by Bryant and Knight and discusses Theodore Schatzki’s thoughts on social practices and their link with the concept of everyday space-times.

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Compte rendu de Bryant Rebecca et Knight Daniel M., 2019, The Anthropology of the Future. Cambridge, Cambridge University Press.

Rebecca Bryant est professeure d’anthropologie culturelle à l’université d’Utrecht. Ses recherches portent sur la mémoire, qu’elle appréhende à travers les effets à long terme des conflits et des déplacements de population en Méditerranée orientale. Daniel M. Knight, maître de conférences en anthropologie sociale à l’université de Saint-Andrews, est spécialiste de la Grèce contemporaine, notamment de la crise économique vécue par les Grecs depuis 2013. Ses recherches interrogent les régimes de temporalités et l’analyse discursive permettant, à l’occasion d’un récit biographique, de relier le passé, le présent et l’avenir.

L’objectif de l’ouvrage The Anthropology of the Future est de réintroduire de l’épaisseur dans le présent, en partant du futur pour contempler le dynamisme temporel de nos actions (p. 15). L’omniprésence du présent — le présentisme de François Hartog (2003) pour reprendre une référence francophone — est « caractérisée par le doute, le conflit, la médiation » (p. 15). « Canalisés par les rythmes et les millefeuilles politiques, économiques et bureautiques » (p. 14), nos horizons temporels tout à la fois s’épaississent, à travers des dilemmes éthiques, et s’amincissent au prisme des « structures téléoaffectives de la vie quotidienne » (ibid.).

Un des aspects de l’analyse du futur concerne sa relation à la connaissance. Reinhard Koselleck (2001) exprime cette singularité par l’espace de l’expérience, définie par le passé vivant dans le présent, qui diffère de l’horizon d’attente qui s’ouvre devant nous. Cet horizon, qui peut parfois se rapprocher ou au contraire s’estomper, constitue les orientations « futurales », présentées par Bryant et Knight comme autant de modalités par lesquelles le futur, en orientant notre présent, influence par là même notre futur. Analysées dans six chapitres (l’anticipation, l’espérance, la spéculation, la potentialité, l’espoir et la destinée), ces orientations enrichissent de détails la compréhension du quotidien. Selon les auteurs, elles devraient être mieux intégrées à nos outils méthodologiques et analytiques, car chacune est porteuse d’une profondeur historique et de façons différentes, bien que connexes, d’orienter le présent à partir du futur. L’ouvrage se veut à la fois un manuel, car l’identification des différents futurs doit permettre à d’autres ethnographes de démêler les fils de leurs observations, et une thèse mobilisant essentiellement des écrits philosophiques occidentaux. Après une présentation de la place du futur en anthropologie, puis des thèses de Theodore Schatzki sur les pratiques sociales sur lesquelles s’appuient les auteurs, le compte rendu suit le plan de l’ouvrage en revenant sur les concepts détaillés au sein de chaque chapitre.

Le passé du futur anthropologique

La prise en compte de l’à-venir ne va pas de soi en anthropologie. Pour appuyer leur thèse, les auteurs se réfèrent aux écrits de Nancy Munn (1992) pour qui l’absence du futur dans la production théorique et empirique de la discipline est due à la focalisation de l’anthropologie sur le temps long du passé comme à l’attention portée aux rites, croyances et coutumes. En effet, contrairement à la sociologie qui a mis l’emphase sur la modernité, le progrès et les nouvelles formes de vie en société, les premiers anthropologues ont observé des traditions dans le but de les documenter. Néanmoins, comprendre les représentations du temps et des temporalités des sociétés étudiées est l’un des fondements de l’anthropologie. Toutefois, l’insistance notamment de Malinowski à faire de l’ethnographie un travail de collecte des éléments supposés fixes et permanents des sociétés étudiées afin de mettre à jour les règles et régularités a eu pour effet de produire des stratégies et procédés stylistiques renforçant les orientations taxinomiques et le discours allochronique, comme l’analyse Johannes Fabian dans Le temps et les autres. Comment l’anthropologie construit son objet (2006).

Cette insistance, notent les auteurs, a été contrebalancée par l’intérêt de Franz Boas pour les dynamiques et les conditions de production du changement social. L’histoire est ici utilisée pour rompre d’une part avec les théories évolutionnistes, et d’autre part avec la synchronicité des fonctionnalistes. Ces deux approches ont toutefois en commun une focalisation sur le passé pour comprendre le présent : synchroniquement, le passé et le présent coexistent tant que, diachroniquement, le passé modèle le présent. En outre, selon les auteurs, la pensée anthropologique a ontologisé la différence à travers le calcul des temporalités des autres peuples perceptibles dans la naturalisation du temps européen (p. 6).

Au cours des années 1990, deux publications majeures portant sur la construction sociale du temps ont transformé l’approche des temporalités. Poursuivant la tradition husserlienne, l’ouvrage d’Alfred Gell The Anthropology of Time (1992) postule que nous imaginons le futur et cartographions le passé depuis le présent. Dans A Moment’s Notice: Time Politics Across Cultures, Carol Greenhouse (1996) postule que le temps est ce qui permet aux choses d’advenir et donne leur pertinence aux actes. Toutefois, ce sont les réactions aux frappes terroristes aux États-Unis et à la crise financière de 2008 qui incitèrent les anthropologues anglo-saxons à constituer le futur en un véritable champ de recherche.

Pour les auteurs, malgré le foisonnement récent de publications sur la finance (Ouroussoff 2010), la globalisation (Appadurai 2013), la planification urbaine (Abram et Weszkalnys 2013), le changement climatique (Baer et Singer 2014), et les alternatives énergétiques (cf. le numéro de Lectures anthropologiques à ce sujet, Ortar et Loloum 2019), le futur n’est réellement appréhendé que dans les recherches adressant les limites écologiques de notre planète qui questionnent les possibilités de ramener le futur dans le présent à travers une combinaison d’espoir, d’anticipation et de spéculation (Battaglia 2017 ; Valentine 2016). Imposant de déplacer le regard pour réorienter nos horizons spatio-temporels et interespèces, cette littérature traite des limites technologiques et éthiques de l’être humain, pour citer quelques-uns des ouvrages mentionnés (voir également le compte rendu de Julien Piéron sur l’ouvrage de Donna Haraway dans ce numéro). Cette anthropologie reste toutefois marquée par l’historicité. Revenant sur l’ouvrage d’Appadurai, The Future as a Cultural Fact: Essays on the Global Condition (2013), Bryant et Knight soulignent combien, malgré l’urgence exprimée de documenter le futur afin d’informer l’impact de la globalisation sur les communautés locales, la compréhension des situations d’inégalités actuelles est recherchée dans le passé, et c’est depuis ce présent informé par le passé que le futur est imaginé. Or, selon eux, il est nécessaire d’appréhender le présent depuis le futur pour ébranler nos représentations du passé et reconceptualiser les identités présentes (p. 13). Se référant aux recherches de Ssorin-Chaikov (2006, 2017) sur l’hétérochronie, définie par Michel Foucault (2009) comme des ruptures avec le temps réel qui naissent au sein d’espaces concrets et qui hébergent l’imaginaire, les auteurs retiennent l’importance de distinguer la temporalisation de l’ajournement et l’usage de la multitemporalité comme méthode de travail (p. 15).

Cette lecture de la place du futur en anthropologie mériterait cependant d’être plus détaillée. Elle évacue les recherches portant sur les techniques de conjuration, de propitiation, de divination, ou encore celles sur les adventismes, eschatologies et autres cultes du cargo, qui toutes, à leur façon, posent la question du futur et demeurent bien vivantes, comme en témoigne le numéro de Techniques & Culture (Dittmar et al. 2018) sur les techniques votives. Il est à noter également l’absence de référence aux travaux de Clifford Geertz (1966) sur l’interdépendance entre les perceptions d’un individu, le temps et la conduite qui découlent de l’expérience humaine et de la tentative d’organiser la vie sociale. De façon plus centrale pour le propos de l’ouvrage, l’absence de mention des recherches de Marshall Sahlins (1983) sur le rôle de l’événement et de la crise comme révélateur des formes de temporalité et des régimes d’historicité questionne. À ce propos, si les auteurs ne peuvent en avoir connaissance en raison de la barrière linguistique, le lecteur lira avec profit les recherches de Georges Balandier sur les dangers de la performativité du passé et le besoin d’étudier les causes de l’accélération de l’évolution du monde moderne afin d’élaborer des scénarios destinés à éclairer les enjeux des décisions prises « en fonction d’un futur souhaité ou souhaitable » (Balandier 2012 : 130). On peut aussi renvoyer à l’analyse classique d’Alban Bensa et Eric Fassin sur l’événement (2002) ; ainsi que, dans les livraisons récentes, au numéro de la revue Terrain sur les « Apocalypses » et l’impossible avenir (Carey 2019), à celui d’Anthropologie et sociétés intitulé « Deviner, prévoir et faire advenir » (Laugrand et Simon 2018), et au dossier « Capsules temporelles » proposé par Gradhiva (Keck 2018). Ce dernier s’intéresse aux limites de la capacité des humains à se projeter sur le très long terme. Tous ces travaux portent en germe les discussions menées par Bryant et Knight dans leur ouvrage.

Les pratiques sociales pour penser le présent du futur

Leur thèse centrale postule que le concept de présent dérive du futur et que sans approche conceptualisée du futur, le présent cesse d’exister. Il s’agit, pour reprendre les mots d’Alban Bensa, d’un plaidoyer pour l’étude « d’une intelligence circonstancielle des conditions de production puis d’expérience de la temporalité » (1997 : 15). Pour appréhender l’avenir dans l’espace-temps des matérialités de la vie quotidienne, il convient de questionner les téléologies indéterminées et ouvertes de la vie quotidienne, la téléologie étant ici comprise dans son sens aristotélicien d’explication des phénomènes par l’intervention d’une cause finale.

Les recherches du géographe et philosophe Theodore Schatzki sur les pratiques sociales et leur lien avec les espaces-temps du quotidien, abordés dans The Timespace of Human Activity: On Performance, Society, and History as Indeterminate Teleological Events (2010), dominent l’analyse. Il convient de s’y arrêter pour comprendre l’armature théorique de l’ouvrage. S’appuyant sur les essais de Martin Heidegger et de Ludwig Wittgenstein, Schatzki énonce que l’espace du social est celui du devenir dans lequel l’action orientée vers sa finalité est réalisée. Les pratiques constitutives de l’action, définies comme des « variétés d’actions spatio-temporelles ouvertes » (p. 34), et des « ensembles d’actions, de tâches et de projets organisés de manière hiérarchique » (p. 18) représentent l’horizon d’intelligibilité des individus. Il s’agit de comportements routinisés, composés d’activités corporelles et mentales, d’objets et de leurs usages, de connaissances générales et de savoir-faire. Leur caractéristique est d’être compréhensibles par l’acteur qui les performe et par son entourage. Le présupposé est qu’une partie du comportement humain s’appuie sur une organisation symbolique de la réalité.1

Ces pratiques ont cours dans des espaces-temps qui, selon Schatzki (2010), agissent vers des fins depuis ce qui motive l’ordre des lieux et des cheminements. Les espaces-temps sont multiscalaires — de la famille au monde professionnel, lui-même inclus dans une époque particulière — et nous nous déplaçons sans cesse au sein de différents espaces-temps en fonction de nos activités du moment. Nous vivons donc dans un réseau entrelacé d’espaces-temps omniprésents et cruciaux pour la vie sociale, que Schatzki qualifie de structures téléoaffectives. Ces structures téléoaffectives sont constituées d’ensembles d’objectifs, de projets et de tâches normativisés et hiérarchiquement ordonnés, alliés à des émotions normalisées voire à une humeur comme l’espoir, la résignation, l’anticipation.

Ces espaces-temps et leurs objets téléoaffectifs sont généralement décrits en termes vernaculaires comme des époques — de guerre, de prospérité, etc. Il existe donc un sens collectif de vécu dans une temporalité particulière. Ces espaces-temps vernaculaires sont porteurs de leurs propres téléoaffects individuels comme collectifs. Différentes activités ouvrent différents espaces-temps, mais le passage à l’acte se traduit par le franchissement d’un seuil qui est lui-même l’espace liminal au-delà duquel nous pénétrons brièvement dans le futur. Ces liminalités, qui renvoient à des humeurs, sont qualifiées d’orientations par Bryant et Knight. Elles donnent une texture à notre expérience du présent et nous conduisent à préparer le futur depuis le présent.

Orientations

Anticipation, espérance, spéculation, potentialité, espoir et destinée sont donc les six orientations proposées par les auteurs. Chacune représente une façon d’intégrer le futur dans le présent. Au quotidien, selon les espaces-temps du moment (la prise de conscience des conséquences du changement climatique ou l’attente de l’être aimé), nous passons d’une orientation à l’autre. Bien que décrivant chacune une dimension différente des autres, chaque orientation ne découle pas nécessairement des autres, mais désigne une dimension absente des autres.

Anticipation

Le premier chapitre (p. 21-48) s’ouvre sur les conséquences en Crète du traité de Lausanne (1923) qui précise les frontières de la Turquie issue de l’Empire ottoman, et organise des déplacements de populations pour assurer l’homogénéité religieuse à l’intérieur de ses nouvelles frontières. L’obligation d’effectuer ces échanges a constitué un seuil au-delà duquel l’imagination a vacillé, car le monde n’a plus jamais été le même. L’anticipation collective de ce type d’événement apparaît comme une tentative de facilitation du changement radical. On peut aussi chercher à le prévenir ou en changer les résultats. La partition de la Crète a ainsi été le seuil qui a modifié l’avenir, mais aussi le présent et la lecture du passé.

Cet événement fournit à Bryant le matériau pour théoriser comment l’anticipation peut être mobilisée par la société à partir de l’être-là (Dasein) heideggérien, défini en fonction d’aspirations, des « résolutions anticipatives » (p. 24), déterminant qui ou ce que nous sommes. Ces aspirations sont toutefois insuffisantes pour créer une vision du futur, d’où l’importance de prendre en compte l’anticipation, objet du premier chapitre, qui est l’acte de regarder vers l’avenir. Se tourner vers le futur permet de se projeter et ainsi de le préparer, ce qui favorise son intégration au présent.

Lorsque l’anticipation de violences ou d’un déplacement envahit l’imaginaire social lors de périodes d’incertitudes, l’ombre de la violence devient alors, selon l’anthropologue Pradeep Jeganathan (2000), le sujet de discussion, nourrit les incertitudes, et ce faisant injecte de la certitude dans l’incertitude. Une attitude qui se renforce lorsque les événements redoutés semblent approcher. L’anticipation collective est une tentative de prévenir ou de modifier l’événement à venir qui transformera le vécu du présent. « L’anticipation œuvre alors à soulager l’angoisse provoquée par l’incertitude et à normaliser le présent à travers une imagination spéculative du futur. » (p. 43) Dans le contexte contemporain, l’anticipation est par exemple présente ici et maintenant à travers le changement climatique. Cet événement impose de réagir à quelque chose qui est en train de se produire et qui installe une configuration nouvelle. Il faut simultanément le penser tout en étant sous le coup de cet événement, comme le propose Bruno Latour (2017).

Une action est nécessaire, car, lorsqu’imaginer le futur devient impossible, le présent se met à osciller entre passé et futur et recherche dans le passé ce qui peut être projeté dans le futur. L’usage de symboles et d’histoires tirés du passé fournit alors des modes d’anticipation et oriente le présent à travers nos actions et intentionnalités. Pendant les périodes de crise, l’anticipation favorise l’action ou, à tout le moins, donne des indications sur ce qui devrait être fait.

La notion d’anticipation est toutefois insuffisante pour décrire la complexité des relations au présent qui s’inscrivent dans les différents espaces-temps vernaculaires porteurs de leurs propres téléoaffects — l’espoir, la résignation, l’anticipation — individuels comme collectifs.

Espérance

Le deuxième chapitre (p. 49-77) s’ouvre sur une vignette ethnographique. Darwich, une personne enquêtée par Bryant, menait une « vie normale » en Syrie jusqu’à ce que la violence détruise les ancrages du quotidien. La disparation du futur, pour lui et ses enfants, incite Darwich et sa famille à quitter le pays. Proche de l’anticipation, l’espérance, ici questionnée en tant qu’horizon, est « l’épaisseur du présent dans sa relation à un avenir lorsque nous vivons dans un espace-temps vernaculaire qui nous permet d’espérer » (p. 50). Bryant postule que, de la même façon que l’horizon délimite le monde tel que nous le connaissons, l’espérance définit ce qu’avoir un futur veut dire. L’espérance nous donne un aperçu de la manière dont le futur « futurise » (p. 58) en créant un horizon dans lequel l’espérance du futur devient le futur lui-même. En effet, espérer, c’est regarder vers l’avenir, ce qui implique d’avoir un avenir. C’est ce qui reste dans le futur. Cette orientation est ancrée dans des pratiques sociales et donc dans des mondes d’activités qui caractérisent différents types de pratiques.

En termes collectifs, c’est avoir un avenir, ou l’espérance de l’attente, qui font de l’espérance la définition de la vie ordinaire. Ce que nous espérons peut prendre la forme d’une potentialité ou d’une promesse. Parce que les espérances sont toujours en devenir, elles définissent pour nous la « futuribilité » de l’avenir. Il s’agit de l’« à-venir » de Derrida (1998 : 28), qui possède à la fois une dimension planificatrice de l’avenir et une part de laissez-faire. Les espaces-temps vernaculaires — une période de guerre, une crise, etc. — sont expérimentés collectivement sous des formes téléoaffectives — l’anxiété, l’incertitude, la joie, la peur — en relation avec des circonstances qui nous affectent collectivement. L’espérance s’ancre dans le quotidien à travers la perception de ce que les choses devraient être, « la promesse d’une conjugaison au futur qui ne devient une espérance consciente que conjuguée au passé » (p. 77).

Spéculation

La spéculation sur le futur émerge lors de périodes de chaos, lorsqu’aucun passé ne peut servir de référent et que nous sommes bloqués dans un présent devenu inconcevable, étrange, dépourvu des certitudes qui, hier encore, pavaient l’avenir. Dans ce troisième chapitre (p. 78-104), Knight et Bryant proposent d’analyser l’effet de la victoire du « oui » au référendum sur le Brexit pour les tenants d’une appartenance à l’Union européenne. La particularité des périodes de spéculation est que les expériences tirées du passé ne peuvent pas aider à prévoir l’avenir parce qu’aucune situation précédente n’a préparé le présent. Au cours de ces moments singuliers, tout ce qui est proche est en définitive étrange. L’étrangeté et la spéculation émergent quand la familiarité de l’espérance est brisée. La spéculation peut alors devenir une réponse à l’énigme du futur.

Afin d’illustrer les effets de la confiance sur la spéculation, les auteurs reviennent sur la recherche de Gisa Weszkalnys (2015) à propos de l’engouement suscité par la découverte de pétrole à São Tomé-et-Príncipe alors que la crise économique frappait le pays, et sur les raisons de l’échec qui a suivi. L’exploration des hydrocarbures est basée sur une connaissance spéculative de potentiels indéterminés, à l’origine de liens peu rationnels entre des moyens et une fin. Cette spéculation tient compte de probabilités économiques, d’une faisabilité technique et de potentiels géologiques. La spéculation, dans le domaine de l’énergie, est sociale, politique et économique. Rétrospectivement, elle peut être justifiée par les profits dégagés, ce qui incite les communautés locales comme les investisseurs et les États à des prises de risques dans le présent pour acheter des futurs indéterminés, à la fois en termes de matérialité et de distance dans le temps. La confiance est alors simultanément synonyme de certitude et d’incertitude, confiance et déception (deceit) étant les deux faces de la spéculation.

Potentialité

La potentialité, abordée dans le quatrième chapitre (p. 105-131), renvoie à une capacité d’analyse et d’anticipation. Il s’agit « de la capacité de l’avenir à devenir le futur, ou du futur comme virtualité du présent » (p. 107). Sans potentialité il n’y aurait pas de réalité, et donc pas de possibilité d’existence du futur. Pour Knight, le futur est un advenir empli de potentialités. Bien que nourri par le présent, il n’est pas encore visible ou réalisé. Se référant à Marylin Strathern (1996), Knight décrit la potentialité comme la capacité immanente des choses qui, le plus souvent, n’ont pas encore été identifiées ontologiquement. L’immanent est ce qui est présent bien qu’absent dans le maintenant. C’est l’idée même d’un futur possible, le contraire du réel, bien qu’étant ce qui le rendra possible. La potentialité réside dans l’intervalle entre le repos et l’action, pour utiliser une métaphore employée par Massumi (2002) et citée par Knight : c’est le moment où « le joueur joue sur un terrain de potentialités » (p. 107) quand, alors qu’il va recevoir la balle, il examine la position des autres joueurs en relation les uns aux autres et aux cages de buts. La potentialité comprend la matérialité incorporée des capacités invisibles d’autres personnes et objets que nous ressentons en permanence et qui fondent nos actions.

Si les potentialités sont aussi des possibilités, l’inverse n’est pas vrai. Selon Aristote (2008), la potentialité est ce qui garantit le changement et donc le temps. L’actuel est ce qui n’est plus un potentiel. Les deux ne peuvent pas coexister et donnent sa structure au temps. Dans le champ du social, le concept d’espace-temps vernaculaire dépend des potentialités tout comme les classifications qui tissent le site du social, tandis que les actions basées sur des spéculations dépendent d’éléments autres que réels (« otherwise-than-actual », p. 107). Les pratiques et l’éthique de la réciprocité sont par exemple structurées autour du « pas encore » (« not-yet-actual », p. 108) comme potentiel, même quand les deux parties savent que ce potentiel ne se réalisera pas. Par exemple, les cadeaux sont à la fois gratuits et entremêlés de futures obligations indéterminées. Lorsque les potentialités du futur ne sont pas réalisées, le futur prend la forme d’un vide ou d’un épuisement, comme Knight a pu l’observer en Grèce quand la crise s’est installée dans la durée.

Espoir

L’échec de la potentialité peut conduire à l’espoir et à l’aspiration, objet du cinquième chapitre (p. 132-157). L’espoir est une aspiration vers le futur qui affecte le changement social, car il contient toujours un élan positif qui favorise la réalisation d’autres choses. Il émerge lors de temporalités courtes — élections, évènements sportifs, etc. — dans l’intervalle entre le potentiel et le réel, entre la matière et ce qui n’est pas encore formé. Il représente plus qu’une possibilité et moins qu’une probabilité. L’espoir est une façon de rendre actuel ce qui est à l’état de potentialité. Cette partie de l’analyse s’appuie sur la réflexion d’Ernst Bloch, développée dans Le Principe Espérance (1976)2, sur le devenir des relations sociales.

L’espoir est en perpétuel mouvement, un mouvement qui représente une propension, une tendance vers quelque chose. L’activation de potentialités stimule une impulsion vers un futur indéfini, mais qualitativement différent. Dans une théorie du devenir, agissant sur des potentialités, l’espoir illustre le mouvement plutôt qu’une positionnalité. Il mène vers le futur quand des éléments initialement insignifiants deviennent une force, comme lorsqu’un vœu pieux prend de l’ampleur, agrège des désirs relevant du domaine de la potentialité et devient action. Renforcer les potentialités dans la chronologie historique est un aspect essentiel de la capacité de l’espoir à mobiliser et à devenir collectif. Pour Bloch, il est nécessaire et important de tirer parti de l’état liminal où de nouvelles idées sont encouragées, puis de les poursuivre jusqu’à leur sédimentation dans l’histoire.

S’appuyant sur la revue de la littérature ethnographique traitant de l’espoir effectuée par Stef Jansen (2016), les auteurs relèvent cinq éléments qui leur semblent déterminants pour la compréhension de l’essence de l’espoir : il s’agit 1) d’une disposition qui conditionne des pratiques téléoaffectives ; 2) il est, ce faisant, téléologique et contient le changement ; 3) il n’est pas nécessairement entièrement positif, mais doit toutefois avoir une dimension positive ; 4) il est ainsi indéterminé et son résultat incertain ; mais 5) l’espoir est un momemtum futural, il exploite l’énergie cachée et donne forme à l’action collective (p. 142). Pour l’anthropologie, il est important de comprendre comment le caractère positif de l’espoir est construit socialement, et d’appréhender les modalités de la mobilisation de la virtualité à un niveau collectif.

Destinée

Le sixième et dernier chapitre (p. 158-191) porte sur « la destinée en tant qu’orientation vers un avenir au-delà de l’horizon, un avenir qui n’est ni visible, ni même prévisible, mais néanmoins immanent au présent » (p. 160). En raison de cette immanence, la destinée peut parfois être devinée ou entraperçue, mais il n’est pas possible de savoir quand elle se manifestera. Contrairement à la potentialité, cette immanence du futur comprend l’idée du besoin d’une finalité ultime pour orienter nos vies. Cette orientation dépend de la finitude du temps, en particulier de la relation entre un horizon d’attentes et ce qui se trouve au-delà. La limite temporelle est ici celle de la vie. La destinée est définie par ce qui est au-delà de l’horizon : c’est notre part d’infini qui définit la finitude.

La conception de destins communs prend deux formes. Il peut s’agir de fins imaginées comme la fin du monde tel que nous le connaissons — par exemple la défaite du capitalisme — ou être circonscrit à des fins présageant la fin du temps tel que nous le connaissons — comme l’apocalypse ou le triomphe du capitalisme. Des signes de ces fins peuvent être perçus dans le présent par les croyants. Même dans les traditions définies par la circularité du temps, la finitude est en relation avec l’infini puisque les destins prennent place dans des successions de finitudes. Dans le flux temporel tel que perçu du présent, le destin est l’immanence de notre propre horizon fini. L’anthropologie a cherché à comprendre comment la croyance au destin peut accompagner l’agentivité d’un futur appréhendé de façon duelle, comme déterminé par une nécessité téléologique tout en étant expérimenté comme un accident aléatoire. « Si la temporalité temporalise et le futur futurise, ils le font par rapport à leurs limites, aux inopportuns qui façonnent leur horizon » (p. 163).

Selon Bryant, la centralité de l’imprévu, en tant que facette de l’expérience humaine, et ses implications possibles pour les questions que nous posons en tant qu’anthropologues ont été continuellement dissimulées. Il s’agit d’utiliser le fait que le futur contient à la fois une nécessité téléologique et un élément de surprise pour développer une façon de penser l’orientation du destin qui rende compte de l’étrangeté de devenir ce que nous sommes censés être. Cette proposition n’est toutefois pas étayée par l’ethnographie, ce qui ne permet pas au lecteur de mesurer sa pertinence anthropologique.

Dire que cela doit arriver, c’est dire que cela fait partie de l’actuel virtuel, c’est la réalisation future de la potentialité dans le présent. « Quelque chose qui devrait arriver » est le type de construction qui exprime plus qu’un souhait ou un espoir, mais moins qu’une nécessité, une téléologie qui prend également en compte les imprévus. Il s’agit d’une supposition, du latin supponere, dont l’un des sens est « agir comme sujet » et l’autre « soumettre à », « falsifier », des dimensions présentes dans le concept de « voir venir » de Catherine Malabou (1996) citée par Bryant (p. 189), qui implique la certitude de ce qui va arriver sans savoir ce qui va arriver. Si nous pouvons alors imaginer que l’impossible est possible, nous pouvons également imaginer que le pensable peut vaincre l’impensable. Aussi peut-on dire que le destin est l’après qui fait de l’avant ce qu’il doit être.

L’à-venir du futur

L’ouvrage est érudit et offre des outils théoriques, plus que méthodologiques, pour appréhender comment le futur surgit dans le quotidien, influe sur ce que nous faisons et en devient une partie intégrante. Pour le lecteur non philosophe, il n’est pas toujours aisé de suivre les auteurs, en particulier les chapitres rédigés par Bryant. En outre, les longs développements philosophiques auraient mérité d’être plus étayés par la littérature anthropologique, ce qui aurait permis une mise à l’épreuve plus convaincante du propos. Nonobstant ces réserves, les vignettes ethnographiques et les développements théoriques proposés permettent de décrypter ces airs de déjà vu qui surgissent lors d’observations ou au détour d’un entretien, ces airs dont l’ethnographe ne sait pas toujours que faire. De même, l’ouvrage offre des clés de lecture pour analyser les différents effets produits dans le temps et dans l’espace par un événement. Si, à un niveau empirique, les distinctions heuristiques effectuées entre les orientations peuvent se révéler difficiles à appréhender, disposer d’un cadre théorique et méthodologique pour s’en emparer constitue un atout pour renseigner nombre de comportements observés dont il est difficile de comprendre les tenants sans cet éclairage du futur.

L’ouvrage appelle toutefois plusieurs remarques. La première porte sur le corpus philosophique, uniquement occidental, et l’ethnographie elle-même très occidentalo — voire méditerranéo-centrée. Le titre, The Anthropology of the Future, tout comme son ambition — donner des bases conceptuelles pour appréhender le futur — auraient mérité a minima une discussion sur le caractère réellement universel des orientations discutées. Aussi, la critique formulée par les auteurs à propos du travers de l’anthropologie à concevoir le temps de façon occidentalo-centrée peut leur être aisément retournée. Leur appareil théorique et les exemples mobilisés laissent dans l’ombre d’autres ontologies et représentations du futur. Évoquées notamment par Karen Waltorp et Steffen Jensen (2019) à propos de l’Afrique du Sud, elles pourraient ouvrir sur d’autres orientations, tant les liens avec le futur sont liés à des représentations du temps différentes de l’Occident qui questionnent l’universalité de celles citées dans l’ouvrage.

En outre, trois domaines restent inexplorés malgré la récurrence de leur mention au sein du texte, dont deux renvoient à la mobilisation de Schatzki. Le premier porte sur le concept d’espace-temps. Si l’approche théorique du temps est largement déployée et permet aux auteurs un séquençage fin des différents types de futurs mobilisés, selon la qualité de la temporalité présente et ce qu’elle laisse entrevoir du futur, force est de constater que l’espace reste le grand absent de la réflexion. Son rôle passé, présent et futur ne dépasse pas dans l’analyse celle de scène d’où l’ethnographe observe souvent a posteriori la relation au futur. Or, comme le rappelle Sarah Carton de Grammont, la compréhension des effets des « spatialisations des temporalités sociales » (2015) est essentielle dans un monde en profonde transformation sociale et climatique pour « polytopographier3 des avenirs incertains et menaçants » (ibid.) et « inventorier d’autres possibles » (ibid.).

Le deuxième point qui reste peu explicité est celui du rôle des pratiques sociales et des liens avec la matérialité, pourtant au cœur de l’argumentaire de Schatzki, dans cette appréhension du futur. Les pratiques sociales structurent le présent. Elles favorisent autant qu’elles freinent le changement (Ehn et Löfgren 2010). Elles sont mobilisées pour décrire le désarroi provoqué lors de leur perte en cas de rupture du cours normal de la vie. Toutefois, leur rôle dans la capacité à faire entrer le futur dans le quotidien, ou à pouvoir être modifiées selon la compréhension du futur, n’est pas abordé. Il s’agit pourtant là d’un autre point essentiel pour comprendre comment le futur « futurise » (p. 14), pour reprendre un néologisme des auteurs. Comment ces orientations sont influencées par la matérialité n’est que rarement évoqué autrement que lorsque la matérialité, qu’il s’agisse de la partition de la Crète ou des effets de la crise économique grecque, transforme le quotidien et les orientations futurales. Ce point interroge tout particulièrement à l’heure où objets techniques et technologies envahissent notre quotidien. Or, le quotidien relaté par les auteurs est singulièrement exempt de technologies, notamment celles qui étayent nos relations et influent sur notre façon de considérer le futur et de le mettre en relation avec le présent (voir notamment le compte rendu d’Isabelle Garabuau-Moussaoui sur l’ouvrage de Salazar et al. dans ce même numéro). Comment ces (im) matérialités influent-elles sur les orientations décrites ?

Le troisième point porte sur la multiscalarité des espaces-temps. Les auteurs mentionnent assez rapidement en conclusion (p. 195) qu’au cours de la journée, en fonction des espaces-temps dans lesquels nous sommes plongés, nous passons d’une orientation à l’autre. Or ces espaces-temps sont intriqués. Nous vivons à la fois dans les espaces-temps globalisés du changement climatique et de la pandémie de la covid-19, en France de la recrudescence du chômage et, à un niveau individuel, de la préparation de l’anniversaire de notre fille. La manière dont l’ensemble influe sur les différentes orientations et sur notre présent en fonction de ces orientations n’est pas détaillée dans l’ouvrage. Cet aspect est pourtant, nous semble-t-il, déterminant pour appréhender l’usage anthropologique de ces orientations, et rejoindre la discussion menée par Hartog sur les régimes de temporalités (2003).

1 Voir à ce propos la recension de Nathalie Ortar (2012) et l’article de Sophie Dubuisson-Quellier et Marie Plessz (2013).

2 Le titre allemand de l’ouvrage de Bloch est Prinzit Hoffnung, « Hoffnung » pouvant être traduit par « espoir » ou « espérance » dans le sens d’

3 Sarah Carton de Grammont forme ce néologisme à partir de la polygraphie, un autre néologisme évoquant des écritures plurielles, et la topographie

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1 Voir à ce propos la recension de Nathalie Ortar (2012) et l’article de Sophie Dubuisson-Quellier et Marie Plessz (2013).

2 Le titre allemand de l’ouvrage de Bloch est Prinzit Hoffnung, « Hoffnung » pouvant être traduit par « espoir » ou « espérance » dans le sens d’espoir de quelque chose.

3 Sarah Carton de Grammont forme ce néologisme à partir de la polygraphie, un autre néologisme évoquant des écritures plurielles, et la topographie, en tant que technique du levé des cartes et des plans de terrains.

Nathalie Ortar

Nathalie Ortar est anthropologue, directrice de recherche au Laboratoire Aménagement Économie des Transports (LAET) à l’ENTPE. Ses recherches ont principalement porté sur les liens entre l’habiter et les mobilités spatiales, résidentielles comme professionnelles. Dans ce cadre, elle a exploré différentes formes de multilocalisation résidentielle. Les résultats obtenus ont servi de socle à une réflexion sur les modalités d’un habiter dans un monde marqué par l’importance sociale, symbolique et économique du mouvement. Depuis 2010, parallèlement à ces recherches, elle développe une réflexion autour des changements de comportement qui interviennent dans les modes d’habiter dans un contexte d’injonction au développement durable, ce qui l’a conduite à interroger la place de l’énergie dans le quotidien. Prolongeant ses recherches sur le développement durable et les usages sociaux des objets et du patrimoine sur des artefacts contemporains, elle travaille également sur les déchets. 

Articles du même auteur

Camille Noûs

Camille Noûs est un individu collectif (affilié au laboratoire Cogitamus) qui symbolise notre attachement profond aux valeurs d’éthique et de probation que porte le débat contradictoire, insensible aux indicateurs élaborés par le management institutionnel de la recherche, et conscient de ce que nos résultats doivent à la construction collective. C’est le sens du « Noûs », porteur d’un Nous collégial mais faisant surtout référence au concept de « raison », d’« esprit » ou d’« intellect » (« νοῦς ») hérité de la philosophie grecque. Les recherches collectives menées par Camille Noûs s’inscrivent dans la tradition du rationalisme critique. Ses contributions à l’avancée de la connaissance portent aussi bien sur l’avant d’une publication (état de l’art, position des problèmes, méthodologie) que sur leur après (controverse collégiale et suivi des résultats dans le temps long). Camille Noûs est également membre de comités de rédaction, a lancé des appels à communications, et co-signé plusieurs textes en défense de l’institution scientifique.