Dire et performer la migration

À propos des Cahiers d’Études africaines, n° 213-214, 2014

Mariem Guellouz

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Mariem Guellouz, « Dire et performer la migration », Lectures anthropologiques [En ligne], 3 | 2017, mis en ligne le 16 février 2024, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.lecturesanthropologiques.fr/519

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Compte rendu de « Les mots de la migration », Cahiers d’Études africaines, n° 213-214, 2014, coordonné par Cécile Canut et Alioune Sow

Aborder la migration du point de vue des pratiques langagières et discursives constitue une tentative originale et novatrice dans la multitude des travaux en sciences sociales consacrés à cette notion. Quelle est la singularité d’une approche discursive dans l’analyse cette notion largement étudiée ? Répondre à cette question est l’objectif du numéro thématique « Les mots de la migration » des Cahiers d’Études africaines1, coordonné par Cécile Canut et Alioune Saw. Paru en 2014, l’ouvrage rassemble une vingtaine de contributions dans lesquelles la démarche anthropologique domine, malgré les ancrages disciplinaires variés de leurs auteurs. Sa répartition en trois grandes parties — « la migration mise en discours », « la migration mise en récits » et « la migration mise en scène » — paraît parfois confuse tant les thématiques et les terrains de recherche s’entremêlent. Le discours sur ou de la migration est tissé par des variables socioculturelles et des contraintes linguistiques et discursives. La parole de chacune des instances du discours, institutions, migrants, artistes, médias, chercheurs, organismes internationaux, associations, militants, s’enchâssent pour former une voix tant commune qu’hétérogène. L’ensemble des articles s’attache ainsi à faire entendre les paroles de/sur les pratiques migratoires en Afrique dans leur multiplicité et leur hétérogénéité formant une polyphonie qui façonne socialement la figure du migrant. Dès le texte introductif (p. 9-25), Cécile Canut et Alioune Saw s’interrogent sur la pertinence d’une telle approche méthodologique : « […] nous estimons que l’hétérogénéité constitutive de la parole sous-tend la réalité multiforme de la migration appelant une autre approche des phénomènes de la migration ainsi que des productions qui s’y rattachent. Est-il possible de rendre compte de la complexité de la migration en partant de l’analyse des interactions langagières, nombreuses, diverses, souvent contrastées, issues de la multiplicité des expériences de la mobilité ? » (p. 9-10). Chacun des auteurs s’attache à analyser, selon les spécificités de son terrain, différentes thématiques présentes tout au long du numéro spécial. Nous faisons le choix d’en retenir trois pour cette recension critique sans nous conformer à la division thématique proposée par les coordinateurs. Nous avons, en effet, opté pour une lecture rhizomatique à laquelle invite le numéro et nous proposons ainsi trois parties thématiques qui aspirent à discuter les diverses problématiques soumises par les auteurs tout au long des textes. Nous commençons ainsi par discuter la question de la légitimité d’une parole de/sur la migration, ensuite nous nous intéressons aux enjeux politiques des pratiques langagières sur les processus migratoires et enfin, nous proposons une lecture critique des performances artistiques liées aux représentations des migrants. Nous terminons notre recension par une conclusion qui problématise les enjeux méthodologiques et les questions liées à la réflexivité du chercheur.

Discours de/sur la migration entre légitimité et confiscation

Les discours sur/de la migration sont le produit d’agencements particuliers qui se partagent entre le dire et le faire. La migration, énoncée ou pratiquée, est en rapport avec les institutions, l’histoire et la politique. À partir des voix multiples, celles des migrants, des institutions, des artistes, une voix unique ressort, révélant un discours dialogique et polyphonique. En effet, ces discours s’inscrivent dialogiquement dans une lignée de textes antérieurs et pluriels. Plusieurs articles s’attachent, dans ce sens, à révéler ce déplacement dans son hétérogénéité patente, dans la diversité de ses formes, de ses récits et de ses discours. Dire les pratiques migratoires apparait comme l’ensemble des productions subjectives liées à différentes pratiques sociales, à des vécus et à des images. Les deux premières parties de l’ouvrage, consacrées à la mise en discours et mise en récits de la migration sont très éclairantes sur les constructions discursives de la notion. Mahamet Timera (p. 27-45), travaillant sur le terrain sénégalais, explique l’importance des points de vue portés par les chercheurs sur la figure du migrant : « dans ces recherches, c’est à partir de la position et des pratiques des immigrés dans les sociétés d’accueil que l’investigation et l’analyse ont été menées, valorisant les stratégies des acteurs et leur agency contre une vision misérabiliste et victimisante » (p. 28). L’auteur préfère se situer du point de vue de la société d’origine afin de réfléchir sur le discours national. Il s’agit alors de confronter plusieurs récits afin de réfléchir sur un possible « nous » qui inclurait les présents et les absents, la nation et l’ailleurs. Dans une perspective diachronique, Timera retrace la construction de la figure du migrant à travers l’évolution des récits nationalistes où elle oscille entre un rejet de la citoyenneté et une fierté nationale. Ainsi, du subalterne minoritaire des années 1970, le migrant devient, dans les années 1980, figure de l’élite artistique souvent promue par l’État, telle qu’en témoignent les exemples des artistes Touré Kunda ou Youssou N’Dour. L’auteur précise que le discours de valorisation du processus migratoire se confronte sans cesse à celui de la pression au retour et ne fait que renforcer les écarts dans les rapports interpersonnels entre « ceux de l’extérieur » et « ceux de l’intérieur », entre les « vrais » et les « faux » Sénégalais.

Dans le même sens de la concurrence des récits, Stefano Degli Uberti (p. 81-113), s’attarde sur la construction médiatique de la figure du migrant sénégalais décrit comme un « Kamikaze » à la recherche de l’Eldorado : « the clandestine emigrant is protrayed as a victim, an adventurer who is driven to leave guided by courage and certain ingeniouness in dreaming to idyllic and imaginary « elsewhere », whereof they would know little or nothing : The Eldorado »2 (p. 97). La concurrence des récits met en scène des enjeux de force sur le terrain où les discours médiatiques et officiels sur la migration viennent se confronter aux discours du « dedans », de ceux qui la vivent et qui l’expérimentent. En effet, chaque version de mise en récit est une stratégie d’instrumentalisation qui sert des agendas politiques ou des enjeux de lutte sociale. Les discours des associations de refoulés3 en est sûrement un exemple très éloquent comme le relate l’article de Anaik Pian (p. 181-194). Ayant effectué une enquête de terrain en 2008 dans des associations des refoulés au Sénégal, l’auteure nous éclaire sur la manière dont ces espaces associatifs « se saisissent du “cadre discursif” du développement tout en dénonçant les maux de la migration » (p. 182). La récupération étatique des mobilisations sociales des refoulés est inévitable et les militants se trouvent souvent piégés par les bénéfices matériels et symboliques que leur procure leur position de leader/militant : « s’inscrivant dans des ordres locaux et des contextes de sens, ces mises en récit peuvent aussi revêtir des dimensions politiques et moralisatrices qui dépassent ou prolongent des expériences migratoires avortées. Il peut alors s’agir non plus de faire l’éloge de la migration, mais, au contraire, de tenter de dissuader de potentiels candidats au départ » (ibid.). En valorisant le discours sur le développement comme condition nécessaire à la résolution de la migration, les refoulés se réapproprient les discours officiels dominants. Le discours des mobilisations sociales est pris dans la nasse des négociations indispensables entre une reconnaissance étatique et une critique de l’état. La cause du développement se repère dans les récits des jeunes diplômés qui aspirent à partir. Après des années d’étude, ceux-ci se confrontent à la dure réalité du chômage et de la pénurie de l’emploi dans leur pays. Ne souhaitant pas retourner à leur condition paysanne et rurale, cette jeunesse diplômée se tourne vers l’ailleurs.

Jacinthe Mazzocchetti (p.49-80) décrit de manière très précise et éclairante cette jeunesse « en attente ». À partir d’un long terrain à Ouagadougou, elle met la lumière sur les différents processus qui mènent vers la construction mythique du « diplôme-visa ». La force de cet article tient sûrement au point de vue diachronique de l’auteur qui lui permet de penser une continuité entre la scolarisation en période coloniale et ses enjeux postindépendance. En effet, l’école considérée comme le lieu de l’apprentissage et du développement devient l’espace privilégié de construction d’un discours sur la modernité, le progrès, la civilisation et la « classe des évolués ». Le discours officiel et national se réapproprie celui de la mission civilisatrice de la colonisation réaffirmant ainsi des rapports de force entre l’Europe et les pays africains. Même si d’un point de vue personnel, l’émancipation individuelle, la réussite économique, le dépassement de sa propre condition sociale et le détachement des pouvoirs générationnels sont mis en avant, il n’empêche que le diplôme reste, dans le récit institutionnel, une solution économique pour le développement et la libre circulation. Les jeunes sont eux aussi traversés par ces récits et, comme le précise l’auteure : « tout comme les étudiants privilégient le diplôme comme “papier-visa” plutôt que les connaissances qu’il est supposé représenter, le système accorde une priorité au nombre d’inscrits et de diplômes plutôt qu’au savoir et à la qualité enseignée » (p. 63). Ainsi, la réussite représente désormais la clé d’entrée dans la globalisation même si la réalité sociopolitique participe à déconstruire très vite le mythe du « diplôme visa » et le jeune diplômé se trouve confronté à la réalité du chômage et de l’impossibilité de voyager.

Ce processus migratoire des jeunes diplômés soulève un phénomène qualifié de « fuite des cerveaux » qui pose plusieurs questionnements éthiques. L’analyse des discours institutionnels et des rapports des organismes internationaux est très pertinente à cet égard. Antonina Levatino et Antoine Pécoud (p. 195-215) mettent en avant les flous sémantiques dans la nomination d’un tel processus entre « gain » et « fuite ». Ces discours se caractérisent par une ambivalence qui aspire à privilégier un discours consensuel et dépolitisé mettant de côté les questions cruciales d’exploitation des travailleurs, du droit à la circulation et de la sélection des migrants. Par ailleurs, cette opposition au sein des migrants entre élites et ouvriers n’est pas nouvelle. Dès les années 1920, une hiérarchie de valeurs s’établit entre bons et mauvais migrants comme le précise Daouda Gary-Tounkara (p. 155-180) dans ce numéro. Cette opposition entre élites et ouvriers/paysans ne fait que renforcer les enjeux de pouvoir qui sous-tendent les discours sur/de la migration. Les discours des dominés et ceux des dominants s’entremêlent dans ces espaces de négociation entre assujettissement et réappropriation. Ainsi, un point de vue intersectionnel4 est tout à fait pertinent dans la mesure où une double ou triple aliénation vise les migrants selon leur statut d’élite ou d’ouvrier, d’homme ou de femme.

Le seul article de l’ouvrage consacré aux femmes migrantes met en avant la double aliénation que celles-ci subissent, par leur double statut de migrante et de femme. Son auteure, Carolina De Rosis (p. 115-153), précise qu’il s’agit de phénomènes de migration internes à l’Éthiopie, de la zone rurale vers la cité de Gondar, observés lors de son terrain mené à Gondar entre 2007 et 2010 sur les prises en charge des patientes atteintes du VIH/Sida. Le récit biographique étant au centre de son analyse, elle tisse les voix des femmes migrantes séropositives afin de dévoiler comment elles reproduisent, dans leurs récits, les discours dominants réaffirmant leur position d’infériorité. L’auteure se démarque des études sur les maladies chroniques (Bury 1982) en réinterrogeant le concept de « rupture biographique » qui décrit un avant et un après dans la vie du malade. Les récits des femmes migrantes atteintes du VIH témoignent d’une tension entre position d’infériorité et agentivité. La maladie constitue en effet une possible réinsertion sociale et permet à ces femmes de dépasser leur statut de dominée. Dans ce sens l’auteure explique comment la maladie est au cœur de cette tension entre assujettissement et insertion : « cela s’opère au cœur d’un processus d’assujettissement auquel participent de façon significative les formes de prise en charge de la maladie visant essentiellement à leur réinsertion économique et sociale » (p. 144). La maladie renforce la duplicité de la position du migrant, entre celle de victime et celle de héros.

Les causes du départ sont multiples tout comme le sont les aspirations des migrants. Ainsi la question religieuse est aussi évoquée dans le numéro notamment à travers l’article de Maïté Maskens qui lui est consacré. Travaillant sur les liens entre discours religieux et pratiques migratoires, l’auteure précise : « L’analyse des récits de migration des pasteurs et de la mise en récit de l’impossibilité du retour par les fidèles en situation précaire donne à penser le langage pentecôtiste comme l’occasion d’une mise en récit alternative de différents événements constituant l’expérience migratoire » (p. 356). Le discours religieux vient, dans ce cas, donner une légitimité et une re-signification positive au processus migratoire. Les articles cités se concentrent sur la parole des migrants recueillie sur le terrain. Par ailleurs, la donnée biographique peut aussi circuler à travers les récits littéraires posant ainsi un questionnement sur les rapports entre pratiques langagières et territoire.

Le champ littéraire francophone apparaît comme un espace de récit où se jouent différents rapports de force. La partie qui suit s’intéresse particulièrement aux pratiques littéraires francophones comme lieu de création d’un récit spécifique qui invite nécessairement à penser les rapports entre les pratiques langagières et leur réception dans le milieu des critiques et des lecteurs occidentaux.

Pratiques langagières, littérature et migration

Le récit littéraire sur la migration constitue un corpus foisonnant posant une question primordiale, relative à l’hégémonie de la langue française dans la région5. En plus de son rôle narratif, biographique et mythique, la littérature permet de réfléchir sur les rapports des migrants à la francophonie et aux langues pratiquées dans leurs sociétés d’origine. Le récit littéraire constitue aussi une mémoire polyphonique où l’individuel, au sens d’une narration biographique et subjective, se croise avec le collectif conçu comme construction historique et sociopolitique plurielle. Catherine Mazauric (p. 267-287) ne se pose certes pas la question des enjeux politiques de l’écriture en langue française pour des migrants d’Afrique d’Ouest, mais se concentre sur l’écriture de la ville en confrontant les récits littéraires d’une migration sud-sud et nord-sud.

Alice Degorce (p. 289-308) et Mélanie Bourlet (p. 309-340) s’attaquent chacune aux questions d’impérialisme linguistique et littéraire afin de mieux cerner le récit littéraire de la migration. La première travaille sur les Moose du Burkina Faso migrant vers la Côte d’Ivoire et le Ghana, et interroge le rôle de la littérature orale dans la construction des représentations de la mobilité. Le corpus littéraire (performances orales), comme le précise Degorce, met en scène la pluralité des expériences migratoires « dans des situations où se mêlent contingences économiques, historiques et sociales autour des vies de migrants » (p. 304). Le choix de la langue moose est dans ce cas performatif, il permet aux migrants de se réapproprier une parole qui leur est souvent confisquée, notamment par les auteurs francophones à plus grande audience (Mbembe 2016).

Dans le même sens, Mélanie Bourlet (ibid.) s’intéresse à la littérature en langues africaines dans un contexte de mobilité. Les conflits langagiers entre le français et les différents parlers/dialectes pratiqués dans les pays d’origine posent aussi la question de la réception, du public à qui s’adresse cette littérature : pour qui écrit le migrant-auteur africain ? L’auteure fait part d’un double constat à ce sujet : « d’une part, le rapport entre littératures en langues africaines et mondialisation, qui suggère le mouvement des hommes et des productions culturelles, ne semble retenir jusqu’à présent l’attention d’une critique littéraire, surtout francophone, pourtant très attentive aux études transnationales et postcoloniales, d’autre part, l’existence de littératures transnationales et/ou multilocales en langues africaines sur le continent africain (haoussa, swahili, peul, berbère) parfois anciennes n’a pas suscité dans les études littéraires africaines de questionnement méthodologique spécifique sur, par exemple, l’intérêt d’une perspective transnationale des productions littéraires » (p. 311). Le manque d’intérêt des critiques littéraires pour les littératures de migration autres que francophones ne peut que nous interroger dans la mesure où il révèle un paradoxe. D’une part, les critiques sont avides de récits singuliers de migrants et, de l’autre, ces récits doivent parvenir dans des langues eurocentrées. La francophonie ne peut être détachée des rapports de force qui se jouent entre les pays et aussi des logiques du marché. Dans ce sens, Alexandre Duchêne, dans son travail sur le plurilinguisme et les inégalités sociales (Duchêne 2011), explique que : « d’une part, les liens entre productivité économique et plurilinguisme sont posés comme une donnée évidente des activités de travail, la diversité linguistique constituant un facteur de rentabilité. D’autre part [que], la mise en scène de la diversité linguistique constitue un enjeu marketing qui permet de mettre en évidence une certaine “mission” sociale de l’entreprise en donnant l’impression d’une plus grande équité, ceci pouvant s’avérer profitable en termes d’images » (ibid. : 82). La valorisation de la littérature francophone est liée à des visions économiques du profit qui ne concernent que certaines classes sociales, celles des élites. Face à la mobilité des corps et des vies, les critiques choisissent une reterritorialisation de la langue d’écriture. Le choix d’une langue n’est pas anodin et conditionne les productions mêmes des récits. Une situation paradoxale se dessine ; d’un côté, la valorisation de la littérature francophone et de l’autre l’impossible accès aux pays francophones. La francophonie devient alors le privilège d’une élite instruite qui a le droit de circuler. Face à une telle contradiction, certains auteurs abandonnent la francophonie et optent pour les langues nationales ou les dialectes comme un geste politique traduisant une volonté d’échapper à un impérialisme linguistique déterminé par les logiques du marché. Le refus de la langue légitime, le français, est à comprendre comme un acte de revendication dans le processus de réappropriation de la voix des migrants souvent confisquée par une élite francophone. Tout comme les mises en récits littéraires, les productions artistiques se trouvent face à des choix esthétiques qui n’échappent pas aux déterminations éthiques. La représentation des migrants dans différents types de mises en scène théâtrale, musicale ou poétique est importante à analyser afin de comprendre les processus discursifs et esthétiques qui permettent de performer la migration.

Performer la migration

Les coordinateurs ont consacré la dernière partie du numéro à la mise en scène artistique. La binarité habituelle de la représentation des migrants, qui se partage entre criminalisation et victimisation, est questionnée par le discours artistique. Cécile Canut et Alioune Saw (p. 383-414) tentent d’introduire des nuances à cette dichotomie très répandue en étudiant une pièce de théâtre conçue à Bamako en 2006 par des migrants d’Afrique Centrale. La scène théâtrale a réussi à restituer la parole des migrants-acteurs qui ont eu la possibilité de s’exprimer en racontant leur propre expérience migratoire. Les auteurs s’attardent sur l’analyse des procédés rhétoriques auxquels la pièce recourt, telle que les discours humoristiques et ironiques, en tant que stratégies discursives qui participent à désacraliser le discours conventionnel. Dans ce sens, ils considèrent que : « faire de cet imaginaire un objet comique, c’est finalement tenter de prévenir son instrumentalisation et montrer qu’au mieux elle permet de surmonter les angoisses d’un voyage risqué, d’exalter le voyage et de produire des formes d’apaisement et de consolation » (p. 394). La mise en scène artistique n’a pas pour simple rôle de représenter, mais elle permet aussi de dépasser le trauma par le biais du contournement discursif. D’un discours victimaire où la migration est présentée comme une tragédie, le texte et le jeu théâtral contribuent à faire circuler une image autre, plus distanciée par rapport aux discours militants. Par l’exercice de la réappropriation d’une parole confisquée, les migrants se revendiquent le droit à la mobilité à travers un « nous » dans leur formule « nous sommes des voyageurs ». Ils donnent ainsi à voir une « expérience collective du translangagiaire, soit l’expérience matérielle du jeu sur les frontières du langage » (p. 405). La création théâtrale devient un espace pour une parole militante autre, qui s’impose dans le paysage politique et où transparaît un processus de subjectivation nécessaire à tout acte de résistance.

Aux réflexions de Canut et Saw sur la réappropriation de la parole confisquée, font écho celles de Giulia Pizzolato (p. 475-498). En se fondant sur le concept d’« entextualization » tel que le pensaient Bauman et Briggs (1990), l’auteure analyse les performances narratives d’un griot casamançais migrant en Italie. La « tradition griot » est alors le lieu de circulation d’une parole perdue en transposant une tradition liée à un contexte local dans un autre contexte occidental et plus lointain. Il s’agit de comprendre et d’observer ce qui reste et ce qui se perd dans cette tradition. L’auteure tente d’étudier comment le griot « relocalise » son discours dans un contexte différent du milieu d’origine. Par le jeu des dichotomies discursives entre « modernité » et « tradition », le migrant sénégalais réussit à faire passer sa parole et à la légitimer dans un contexte occidental tout à fait novice. La « tradition griot » est présentée sous forme de performance où circule une parole sur/de la migration. La mise en scène n’est pas une simple représentation, mais elle détient en elle-même une valeur performative qui permet de restaurer la mémoire du migrant en réhabilitant sa voix, son corps et son récit. L’expérience migratoire remet en question une pensée du vivre ensemble, du commun, en dehors de toute référence à l’identité nationale. Certaines performances artistiques tentent de dépasser la représentation d’un migrant/réfugié victime, passif, et offrent aux spectateurs d’autres possibilités que l’enfermement dans l’empathie collective. Elles privilégient l’interaction et la participation des réfugiés qui sont eux-mêmes invités à prendre la parole pour raconter leur récit d’exil, ou à s’exprimer corporellement sur une scène.

La contribution de Carola Mick et Carolina Lafay (p. 499-527) est éclairante de ce point de vue. En effet, les auteures nous présentent une analyse très fine sur la place du sujet-migrant dans la représentation artistique. Partant des considérations foucaldiennes et de la lecture butlerienne (Butler, 2004) de Derrida, elles tentent de mettre la lumière sur la force d’agir de l’œuvre artistique qui travaille sur le réel de la migration tout en étant travaillé par lui. Pour Mick et Lafay, le chant a un rôle singulier dans le film, en permettant de réhabiliter la voix des migrants : « le film ne démontre pas seulement une réalité sociale, mais il y intervient aussi en présentant et promouvant d’une manière insistante et efficace un mode alternatif d’intervention. Il ne déconstruit pas seulement des discours existants, mais il présente aussi une manière de les instrumentaliser dans une mise en action dialogique pour servir ses propres fins » (p. 523). Le discours filmique vient aussi contrer ou réajuster le discours médiatique et journalistique parfois très orienté vers des agendas politiques bien particuliers.

C’est par ailleurs l’objectif de l’article de Nathalie Negrel (p. 451-474) que de questionner les différents types de récits concurrents, en étudiant les œuvres de création programmées par la chaîne Tv5 Monde, où la migration « n’est plus représentée comme un phénomène, mais comme une expérience qui est donnée à voir aux téléspectateurs au travers des portraits singuliers » (p. 471). Entre une circulation des flux des images et celle des flux d’individus, le global et le local doivent être repensés dans une sorte de résolution dialectique que permet la notion de « glocalisation » (Bauman 1999), fortement mobilisée tout au long de l’ouvrage. Les pratiques locales sont redéfinies dans le contexte global, en se réinventant selon les stratégies mises en œuvre par le migrant. Mobilisant aussi cette notion, Sophie Moulard (p. 415-449) propose un parallélisme entre la figure du migrant et celle du rappeur, tous les deux aspirent à accéder à et à faire partie d’une société de consommation dont les objets sont largement médiatisés par le monde digital. L’auteure analyse le rap comme une nouvelle culture populaire apparue au Sénégal dans les années 1990 et devenant rapidement un espace d’expression pour une jeunesse avide de revendications.

L’intérêt de l’article de Moulard est dans sa mise en lumière de la contradiction sous-jacente à la figure du rappeur qui ne peut échapper à sa propre ambivalence. En effet, tout en dénonçant le système dans ses productions artistiques, le rappeur fait désormais lui-même partie de ce même système par sa popularité. Les artistes qui parlent, chantent, « slament » et « rapent » la migration s’inscrivent désormais du côté de la parole légitime et de ceux qui peuvent se déplacer, voyager, circuler. Leur nouveau statut lié à une reconnaissance institutionnelle les place dans un positionnement éthique compliqué. Ils sont les porte-paroles d’un discours de lutte sociale, tout en étant des nouvelles icônes de la réussite et de l’ascension. La figure du migrant qui aspire à circuler résonne par effet de miroir avec celle du rappeur qui a réussi à réaliser ses rêves.

L’artiste engagé peut-il échapper à son propre statut de privilégié ? En effet, nous regrettons que les auteurs n’aient pas présenté un point de vue critique sur la posture éthique de l’artiste engagé dans la cause migratoire. Les articles se sont limités aux corpus filmiques, chants, théâtres et n’ont pas abordé les arts visuels ou les performances corporelles (danse, installation, happening). Toute création artistique sur les politiques de migration engage l’artiste qui en est l’auteur dans un positionnement éthique particulier. L’esthétisation de la souffrance est elle-même à interroger : quelle est la légitimité de l’artiste à utiliser la souffrance du migrant comme objet artistique ? Ces productions artistiques étant déterminées par le marché de l’art ne peuvent alors échapper à une logique du profit et de la marchandisation de la misère du migrant. Les choix esthétiques des artistes participent à la circulation des discours, en les déconstruisant ou en les réhabilitant. L’artiste qui travaille sur les migrants, tout comme le chercheur, est engagé dans un positionnement éthique qu’il doit sans cesse revisiter. Les articles de ce numéro spécial ont la particularité de dévoiler une multitude d’approches ethnographiques, qui se définissent dans la dynamique de la recherche et des rapports subjectifs entre le chercheur et ses enquêtés. Il nous paraît important de discuter, en guise de conclusion, les questions liées à la réflexivité du chercheur.

En guise de conclusion : enjeux méthodologiques et réflexivité

Les productions hétérogènes de/sur les pratiques migratoires révèlent des récits multiples et polyphoniques où se confrontent des paroles du « dedans », et celles du « dehors ». La variable biographique a traversé une grande partie des articles soit en réhabilitant la parole des migrants ou en la confrontant à une parole officielle et institutionnelle. L’article d’Abdourahmane Seck (p. 363-381) tisse, dans ce sens, ces rapports entre la parole singulière d’un migrant sénégalais et son parcours migratoire. Le migrant se confie, raconte son expérience au chercheur et place ce dernier devant des enjeux méthodologiques à repenser. Le récit biographique oscille entre la parole « vraie » et la construction d’un éthos discursif du migrant. Il est toujours le produit d’enjeux politiques et de stratégies de positionnement par rapport à d’autres discours officiels et dominants. Le chercheur est lui-même piégé par sa posture double de restitution d’une parole fidèle à ce qui a été recueilli sur le terrain et sa co-construction dans le cadre d’un rapport interpersonnel avec les enquêtés.  

Carolina De Rosis (op. cit.) s’interroge d’un point de vue réflexif sur le statut des témoignages des femmes migrantes atteintes du VIH et précise : « leurs façons d’attirer mon attention sur les conditions de vie, très probablement dans l’espoir que je pouvais les aider, m’ont interpellée en tant que chercheuse. Une parole a émergé de leurs façons de dire leur pauvreté. Elle a déterminé ma réceptivité à ce qui reste souvent inouï à l’égard d’individus qui mettent en scène, pour ainsi dire, leur misère et leur détresse en s’appropriant de façon instrumentale des catégories par lesquelles le discours dominant détermine leur identité sociale » (p. 119). Le dialogue asymétrique entre les enquêtés et le chercheur questionne la place et le rôle de chacun, qui se négocient tout au long de l’enquête. Il ne s’agit donc pas de recueillir une parole « vraie », « légitime », du « dedans », mais de déceler les processus dynamiques de sa co-construction et de sa réinvention. L’élément biographique n’est pas nécessairement discursif et narratif, il peut se repérer également au travers d’autres matériaux tels que les images de migrants. Christian Vium (p. 217-240) choisit la photographie et introduit ainsi une démarche esthétique au sein même de son terrain. L’image est intégrée dans l’approche méthodologique et participe non seulement à créer un matériel d’archive, mais aussi à restituer une corporalité et une image singulière des migrants/enquêtés. Vium parle d’un processus de « storytelling ». Le migrant, qui, par son parcours migratoire, aspire à devenir quelqu’un prend le risque de l’absence et de la disparition. La photographie s’impose comme un témoignage performatif où se fabrique, de manière complexe et interactive, l’« identité » du migrant. Tout en mettant en scène la vulnérabilité, la photographie réhabilite l’image du migrant en tant que sujet politique. Le chercheur ne peut échapper à la prise en charge de sa réflexivité en questionnant sa propre responsabilité, son engagement et la singularité de sa démarche sur le terrain.

De son côté, Annalisa Maitilasso (p. 241-265) revient sur le rôle du chercheur dans la production du récit biographique et insiste sur le travail préalable au recueil de cette parole : « il serait tout de même naïf de penser qu’il n’existe pas, en Afrique, de multiples récits de migration indépendants des sollicitations des enquêteurs, ainsi qu’une production intense des performances autobiographiques et une forte conscience de la part des migrants eux-mêmes de l’intérêt social de leur expérience » (p. 246). Les récits biographiques sont déterminés par les rapports de force qui se jouent entre chaque instance discursive. Dialogiques et discursifs, ces récits sont traversés par d’autres récits, et produisent un point de vue singulier sur des évènements collectifs (Nossik 2011). Les récits de vie, les photographies, les chansons ou le texte théâtral sont des ressources diverses qui positionnent le chercheur face à sa propre subjectivité. Les productions langagières, dans ce numéro spécial, n’ont pas été réduites à leur dimension linguistique, mais elles ont été abordées du point de vue de leur praxis sociale et de leur performativité. Elles sont le produit de l’expérience migratoire tout en participant à la produire. Les mots de la migration, qu’ils soient le fruit d’un discours dominant, légitime ou d’une parole assujettie et confisquée, ont alors une valeur performative qui bouleverse le réel et change nos perceptions. Ils forment des liens et des agencements entre les migrants et les institutions, donnent à voir l’expérience migratoire de plusieurs points de vue, de ceux qui la subissent, ceux qui la vivent et ceux qui la revendiquent, ceux qui en rêvent ou ceux qui la bannissent, la méprisent ou la stigmatisent. La performativité de ces discours est aussi ce qui leur attribue leur charge émotive, agressive ou sensibilisatrice.

La lecture du numéro ouvre des champs de réflexions multiples pour le lecteur. Pour notre part, nous faisons le choix de terminer cette recension en revenant à la question de la représentation artistique des migrants afin de la discuter eu égard à nos propres questionnements. La pratique migratoire sur la scène artistique se transforme en une performance qui ne se limite pas à une simple mise en scène d’un vécu ou d’une expérience, mais qui travaille le discours dans sa matérialité comme peuvent le laisser entendre certains articles. Dans le discours artistique, le réfugié devient parfois la figure de la compassion, une victime passive qui engage le spectateur dans une forme d’empathie. L’art de la migration ne se serait-il pas lui-même empêtré dans des représentations sociodiscursives où la vulnérabilité prend le pas sur l’agentivité (agency), où le réfugié est enfermé dans la figure de la victime ? Il est alors important de penser la notion de victime en la situant dans une problématique plus générale des rapports de pouvoir entre les états, les individus, les politiques internationales et les institutions (Fassin et Retchman 2007). Le récit de la migration et ses mises en scène matérialisent ainsi toutes les formes de violence symbolique en action. Le passage de la figure victimaire à celle du migrant-acteur correspond aussi à un glissement dans le champ discursif contemporain, où le migrant est devenu, selon les termes de Giorgio Agamben, « la figure centrale de notre histoire politique » (Agamben 2002 : 32). Sa présence déstabilise la notion d’État-nation dans la mesure où il est hors temps et hors espace, il « détruit la vieille trinité État-nation-territoire » (ibid. : 32). Interrogeant la compassion et l’accueil des pays occidentaux compte tenu de leur politique de répression des vagues migratoires, l’artiste Mona Hattoum met ainsi son public face à un paillasson d’aiguilles dont l’ensemble donne à lire l’inscription « Welcome »6. Le migrant ou le réfugié peuvent-ils échapper aux dichotomies discursives de la compassion et de la répression ? Le numéro apporte une réponse nuancée qui fait le choix de réhabiliter la parole, la corporalité et la créativité des acteurs de la migration.

1  Le sommaire de ce numéro est consultable : http://www.cairn.info/revue-cahiers-d-etudes-africaines-2014-1.htm  

2 « Le migrant clandestin est décrit comme une victime, un aventurier qui est poussé à partir guidé par le courage ainsi que par une certaine

3  Il s’agit d’associations d’aide aux personnes refoulées à la frontière, en zone d’attente ou expulsées vers les pays d’origine.

4  L’intersectionnalité pense les rapports entre les différentes formes de dominations notamment dans le cadre des études féministes. À ce sujet, voir

5  Sur la question des rapports entre littérature et problématique postcoloniale nous renvoyons à l’ouvrage de Ngũgĩ wa Thiong'o (1986).

6  Voir [en ligne], https://observingart.wordpress.com/2015/11/13/the-mona-hatoums-surrealist-humor/ (consulté le 10.10.2017)

Agamben Giorgio, 2002, Moyens sans fins. Notes sur la politique. Paris, Rivages.

Bauman Zygmunt, 1999, Le coût humain de la mondialisation. Paris, Hachette.

Bauman Richard et Briggs Charles L, 1990, « Poetics and performance as critical perspectives on language and social life », Annual Review of Anthropology, n° 19, p. 58-88.

Butler Judith, 2004 [1997], Le Pouvoir des mots. Politique du performatif. Paris, Amsterdam.

Bury Michael, 1982, « Chronic Illness as Biographical Disruption », Sociology of Health and Illness, n° 4, 2, p. 167-182.

Duchêne Alexandre, 2011, « Néolibéralisme, inégalités sociales et plurilinguisme : l’exploitation des ressources langagières et des locuteurs », Langage et société, n° 136, p. 81-108 [en ligne], http://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2011-2-page-81.htm (consulté le 10.10.2017)

Dorlin Elsa (dir.), 2009, Sexe, race et classe : pour une épistémologie de la domination. Paris, PUF.

Fassin Didier et Rechtman Richard, 2007, L’empire du traumatisme : Enquête sur la condition de victime. Paris, Flammarion, Champs Essais.

Mbembe Achille, 2016, Politiques de l’inimitié. Paris, La Découverte.

Ngũgĩ wa Thiong'o, 1986, Decolonising the Mind: the Politics of Language in African Literature. Londres/Nairobi/Portsmouth, James Currey-Heinemann.

Nossik Sandra, 2011, « Les récits de vie comme corpus sociolinguistique : une approche discursive et interactionnelle », Corpus, n° 10, p. 119-135.

Palomares Elise et Testenoire Armelle (dir.), 2011, Prismes féministes. Qu’est-ce que l’intersectionnalité ? Paris, L’Harmattan.

1  Le sommaire de ce numéro est consultable : http://www.cairn.info/revue-cahiers-d-etudes-africaines-2014-1.htm  

2 « Le migrant clandestin est décrit comme une victime, un aventurier qui est poussé à partir guidé par le courage ainsi que par une certaine ingénuité à rêver d’un "ailleurs" idyllique et imaginaire, dont il ne connaîtrait rien ou très peu : l’Eldorado » (Traduction de l’autrice).

3  Il s’agit d’associations d’aide aux personnes refoulées à la frontière, en zone d’attente ou expulsées vers les pays d’origine.

4  L’intersectionnalité pense les rapports entre les différentes formes de dominations notamment dans le cadre des études féministes. À ce sujet, voir Elsa Dorlin (dir.) 2009 et Élise Palomares et Armelle Testenoire (dir.) 2011.

5  Sur la question des rapports entre littérature et problématique postcoloniale nous renvoyons à l’ouvrage de Ngũgĩ wa Thiong'o (1986).

6  Voir [en ligne], https://observingart.wordpress.com/2015/11/13/the-mona-hatoums-surrealist-humor/ (consulté le 10.10.2017)

Mariem Guellouz

Mariem Guellouz est maîtresse de conférences à l’université Paris Descartes et membre du laboratoire CERLIS (UMR 8970). Sa recherche s’inscrit dans la sociolinguistique. Elle travaille sur l’analyse des discours politiques relatifs aux événements révolutionnaires en Tunisie, sur les discours de haine (homophobie, racisme et islamophobie) et leur circulation dans les réseaux sociaux ainsi que sur les représentations discursives des minorités dans le monde arabe et musulman. Ses travaux portent aussi sur l’intersémioticité entre les discours politiques et les corps des performeurs/artistes. Elle s’intéresse aux nouvelles esthétiques musulmanes à travers l’étude des performances artistiques. Elle est aussi artiste/performeuse et danseuse.