Le virus de Schrödinger : visibilité/invisibilité de l’épidémie de Covid-19

À propos de « COVID-19 », Anthropology Today, 2020

Marc-Éric Gruénais

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Marc-Éric Gruénais, « Le virus de Schrödinger : visibilité/invisibilité de l’épidémie de Covid-19 », Lectures anthropologiques [En ligne], 8 | 2021, mis en ligne le 13 février 2024, consulté le 19 mai 2024. URL : https://www.lecturesanthropologiques.fr/848

La revue Anthropology Today consacrait en 2020 un numéro spécial à l’épidémie à coronavirus centré sur la question des vulnérabilités. Les articles se réfèrent à des contextes aussi variés que les États-Unis, la Sibérie, la Grande-Bretagne, Cuba, la Grèce et l’Italie. Ils donnent l’occasion à l’auteur du compte rendu de développer des commentaires sur ce qui rend l’épidémie visible dans ces différents contextes à partir de ses conséquences concrètes pour certains, mais aussi sur les conceptions diversifiées de la menace que le SARS-CoV-2 laisse planer.

In 2020, the journal Anthropology Today published a special issue on the coronavirus epidemic, focusing on the question of vulnerabilities. The articles refer to contexts as varied as the USA, Siberia, Great Britain, Cuba, Greece and Italy. They give the review’s author the opportunity to comment on what makes the epidemic visible in these different contexts, based on its concrete consequences for some, but also on the diverse conceptions of threats associated with the SARS-CoV 2.

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Compte rendu de Napier David A. (dir.), 2020, « COVID-19 », Anthropology Today, vol. 36, n° 3.

La revue Anthropology Today1 consacrait la totalité du numéro 36/3 de juin 2020 à la pandémie de Covid-19, placé sous un éditorial de A. David Napier intitulé « Rethinking vulnerability through Covid-19 ». Dans le numéro suivant (n° 36/4 d’août 2020), trois articles étaient encore consacrés au sujet. Plutôt que de présenter les articles dans leur ordre de parution, j’ai préféré aborder ces écrits — de teneurs très différentes par les tons et les focales empiriques et théoriques mobilisés — en fonction de leurs éclairages sur la tension entre visibilité et invisibilité de l’épidémie, avec en toile de fond le thème des vulnérabilités.

Je commencerai par évoquer l’épigraphe de l’article de Jaymelee J. Kim, Amanda J. Reinke, Erin R. Eldridge et Maya Grant du numéro 36/4 (p. 17-19) qui analyse le traitement différencié de la pandémie en Géorgie et dans l’Ohio aux États-Unis. Les auteurs mettent en exergue le message suivant qui circulait sur les réseaux sociaux : « We all have Schrödinger’s Virus now. Because we cannot get tested, we can’t know whether we have the virus or not. We have to act as if we have the virus so that we don’t spread it to others. We have to act as if we’ve never had the virus because if we didn’t have it, we’re not immune. Therefore, we both have and don’t have the virus ». Il s’agit là d’une référence au célèbre exercice de pensée du « chat de Schrödinger ». Rappelons brièvement que le « chat de Schrödinger » est une expérience de pensée proposée par le physicien autrichien Erwin Schrödinger en 1935 à propos de la physique quantique. Un chat est enfermé dans une boîte avec un flacon de gaz mortel et une source radioactive. Au-delà d’un certain seuil de radiations, le flacon est brisé et le chat peut mourir. La mécanique quantique, non déterministe, indique qu’en l’absence de toute possibilité d’observation, l’atome est simultanément dans deux états, intact et désintégré, et la fiole, en l’état et cassée. Dès lors, si le chat, enfermé dans la boîte, était un objet quantique, il serait à la fois mort et vivant. Cette évocation me semble particulièrement opportune : pour la grande majorité d’entre nous (à l’exception bien évidemment des personnes infectées par le SARS-CoV-2, des personnels s’occupant de ces patients infectés et de l’entourage immédiat de ces derniers), le virus est à la fois omniprésent dans notre vie quotidienne, rendu « visible » par l’égrenage des chiffres, les messages de prévention, les « gestes barrières » à respecter, et absent car notre expérience directe de la maladie provoquée par le virus est plutôt rare2. En termes de visibilité de l’épidémie, en Europe, il n’y a fort heureusement aujourd’hui rien de comparable aux descriptions de Daniel Defoe (1959) — surtout connu pour son ouvrage Robinson Crusoé — de cadavres ramassés dans les rues de Londres à l’occasion de l’épidémie de peste de 1665, ou plus près de nous, pour ceux familiarisés avec les contextes des pays du Sud, d’enfants que l’on voit en très grande détresse physique à cause d’une rougeole, d’un accès palustre, de la malnutrition. En France par exemple, ce que les médias donnent à voir de l’épidémie proprement dite à tout un chacun, ce sont des situations d’exception, de malades intubés dans des services de réanimation, ou transportés d’un bout à l’autre de l’hexagone faute de place dans un hôpital, des spécialistes et des personnels hospitaliers que les mesures d’isolement nous invitent à ne pas rencontrer, et des chiffres abstraits sur les infections et les hospitalisations. Le « cas contact » est sans doute la situation la plus illustrative de cette visibilité/invisibilité puisqu’il requiert un isolement a priori en l’absence de toute certitude d’infection. La visibilité de la maladie est surtout perceptible pour la plupart d’entre nous par les conséquences des restrictions imposées par les gouvernements et les mesures proposées pour endiguer l’épidémie.

Quel sens donner à cette menace symbolisée par un virus par définition invisible et qui paralyse la planète ? De Edward Evan Evans-Pritchard (1972 [1937]) à Marc Augé et Claudine Herzlich (1984), l’anthropologie et la sociologie nous ont habitués à nous interroger sur le(s) sens donné(s) aux maux et aux recherches de réponses à la question « pourquoi cette maladie, à cet instant précis ? ». Dans le cas de cette maladie à coronavirus, comme pour toute autre épidémie, les rumeurs sur l’origine du mal vont bon train. Dans un article de 2014 de cette même revue à propos du VIH/sida, Thomas Lyons rappelait que des expériences scientifiques avérées de mise à l’épreuve de soldats américains à l’exposition à des radiations nucléaires pouvaient alimenter les suspicions de contaminations volontaires, et dès lors contribuaient à aiguiser la crainte d’étudiants afro-américains interrogés par cet auteur que le virus du sida était une création des Blancs pour éliminer les Noirs. L’historien Patrick Zylberman (2013) rappelle à l’envi combien depuis les années 1990, la notion de « maladies émergentes », en particulier aux États-Unis, est à relier avec les préoccupations des autorités américaines sur les risques de dissémination intentionnelle de pathologies virales (bioterrorisme). L’origine du SARS-CoV-2 ne serait-elle pas également imputable à une activité humaine, intentionnelle ou accidentelle ? L’anthropologue Florian Stammler et la juriste Aytalina Ivanova (pp. 8-12 du numéro 36/4) rapportent une interprétation analogue donnée par les pasteurs nomades Yamal-Nenets de Sibérie. L’obligation de distanciation physique et de restrictions de circulations pour limiter les effets de l’épidémie de Covid-19, vient s’ajouter aux conséquences du réchauffement climatique, à la disparition des shamans capables d’interpréter le sens du mal, et à la valorisation par les autorités de la sédentarité. Dès lors, ces nomades considèrent la paralysie actuelle du monde comme la conséquence du travail d’un « mystérieux gouvernement mondial » (p. 12) qui projette en particulier de réduire le nombre des populations vivant dans la toundra, à commencer par ces pasteurs nomades. Les expertises viennent alimenter l’hypothèse d’une origine humaine de l’épidémie pour en expliquer son apparition. L’absence de conclusion de la dernière visite d’inspection en Chine d’experts mandatés par l’Organisation Mondiale de la Santé enquêtant sur l’origine de la pandémie de Covid-19 contribue à obérer toute réfutabilité d’une origine humaine de la diffusion du virus. Ces experts avaient qualifié seulement de « hautement improbable »3 l’hypothèse d’un virus échappé d’un laboratoire, recourant ainsi à une rhétorique qui ne dénie pas catégoriquement l’éventualité d’une d’origine humaine de la pandémie. En fait, ce ne serait là que la continuité d’une longue série : dans une publication datant de 2004, des virologistes rapportent que depuis 1980 le Subcommittee on Arbovirus Laboratory Safety américain, qui recense à travers le monde les accidents de laboratoires, a rapporté 600 contaminations dont 21 mortelles (Saluzzo et al. 2004 : 72). Les pasteurs nomades de Sibérie ou les étudiants afro-américains pourraient alors trouver dans les rapports d’expertise de quoi fonder leurs interprétations sur une contamination volontaire leur permettant de donner un sens à des épidémies invisibles4, mais rendues bien réelles par les ségrégations dont ils sont l’objet.

Les épidémies viennent toujours d’ailleurs, c’est bien connu, et même vérifié par l’histoire naturelle des maladies, de la peste (qui s’est diffusée en Europe, notamment à partir de l’Empire Ottoman), à la Covid-19 (venue de Chine), en passant par le VIH/sida (dont l’origine africaine est attestée), à la grippe espagnole, etc. Qui dit « ailleurs », dit étranger. L’étranger, porteur du virus, incarne, au sens propre, la maladie, y compris lorsque l’on est ethnographe. Dans sa contribution au numéro spécial (pp. 19-21 du numéro 36/3), l’anthropologue italienne Manuella Pellegrino, conte son expérience du racisme ordinaire dont elle a fait l’objet en Grèce, pays où elle a l’habitude de se rendre pour ses enquêtes de terrain, lorsque l’Italie était l’épicentre de l’épidémie en Europe. En tant qu’italienne en Grèce, elle remarqua des attitudes ou des gestes d’évitement à son encontre. Ce constat d’un racisme qu’elle appelle « contingent », qui donne une visibilité à « l’ennemi invisible » représenté par le virus, est l’occasion pour l’auteure d’une mise en abîme nationale et européenne des stigmatisations. En Italie, au début de l’épidémie, les commerces chinois ont vu leur fréquentation baisser. Puis, ce fut le tour des Italiens migrants d’être stigmatisés, alors qu’ils revenaient chez eux. Il en était appelé à la responsabilité de chacun de rester chez soi, avec une surveillance de l’Autre qui a favorisé les dénonciations. Sur fond de « moralité » des peuples, la tension entre surveillance et solidarité s’est exprimée à l’échelle internationale : au sein de l’Union Européenne, une solidarité s’est exprimée envers les pays les plus touchés comme l’Italie et l’Espagne ; mais les Suédois étaient érigés en modèle, et la presse allemande invitait Madame Merkel à prendre une position aussi ferme s’agissant de l’aide financière à accorder aux Italiens pour lutter contre l’épidémie que celle qu’elle avait adoptée envers la Grèce lors de la crise financière qui toucha ce pays en 2015. Paul Farmer (1996) avait déjà abondamment souligné, à propos du sida en Haïti, que les épidémies prennent sens en s’engouffrant dans des catégories préexistantes ; l’article de Manuella Pellegrino, dans la même veine, illustre aussi combien penser une épidémie vient exacerber les tensions identitaires.

Paradoxalement, l’épidémie semble devenir de plus en plus présente à mesure que sa visibilité immédiate s’éloigne. C’est ce qui ressort du journal de Michelle Munyikwa, publié dans les numéros 36/3 (pp. 16-19) et 36/4 (pp. 24-26) de la revue, ayant pour cadre la ville de Philadelphie, présentée comme l’une des villes les plus pauvres des États-Unis, frappée par la désindustrialisation et le manque de services hospitaliers publics. Michelle Munyikwa est étudiante en médecine et anthropologue. Son journal s’étend du 1er mars au 23 juin 2020. Elle constate tout d’abord une lente prise de conscience à l’hôpital, avec les conditionnalités imposées aux soignants pour se procurer un masque, des personnels hospitaliers qui minimisent la menace, alors que les patients commencent à s’accumuler dans les services d’urgence. Durant la première semaine de mars, rien ne se passe à Philadelphie. Puis, l’épidémie commence à prendre de la réalité dans les hôpitaux, des politiciens mettent en cause les étrangers. Scepticisme, anxiété, dégoût, autant de réactions affectives qui caractérisent la manière de penser les débuts de l’épidémie. La semaine du 15 mars est marquée par le début du lockdown. Les rues se dépeuplent, les étudiants en médecine sont à la recherche d’équipements de protection, une solidarité s’organise en faveur des plus pauvres, des prisonniers, des migrants. Le sentiment de vulnérabilité s’accroît, on commence à mesurer les dégâts économiques et humains. Les cliniciens s’attendent désormais au pire, étant donné la pénurie de matériel ; des traitements sont essayés ; la question du tri des patients se pose. L’auteure finit par passer le plus clair de son temps devant un écran, n’ayant plus le droit, en tant qu’étudiante en médecine, de voir des patients. L’été arrive. Elle se demande à qui rendre visite ou non. Les restrictions sont de plus en plus difficiles à supporter. Comment savoir quelle est la personne la plus à risque ? Dans ce contexte, il y a une tendance à individualiser des situations qui relèveraient d’approches collectives. On dénombre désormais 100 000 morts. Les préoccupations liées à la pandémie se mêlent aux autres problèmes que les États-Unis connaissent, notamment en lien avec le meurtre de l’Afro-américain G. Floyd par un policier blanc. Racisme, inégalités, violences conduisent à se demander quel est le prix d’une vie. La dernière semaine du journal (15-23 juin) est habitée par l’incertitude. En guise d’épilogue, l’auteure exprime sa colère face à l’inadéquation des réponses du gouvernement américain. Contrainte de ne plus voir de malades, la prise de conscience de l’ampleur et des enjeux de l’épidémie ne cesse de croître chez Michelle Munyikwa, par écrans et médias interposés.

Les conséquences sont néanmoins bien concrètes et nous invitent à reconsidérer notre manière de concevoir la vulnérabilité, comme en témoigne l’article de Pat Caplan (pp. 8-10 du numéro 36/3) à propos de l’aide alimentaire en Grande-Bretagne. Pat Caplan se fonde sur les observations qu’elle a faites dans les banques alimentaires dans le nord de Londres et à l’ouest du Pays de Galles. Elle rappelle que celles-ci sont dépendantes de dons. Or, ces dons se sont révélés insuffisants en quantité, mais aussi en qualité, car peu diversifiés, offrant dès lors un choix très réduit aux bénéficiaires. La pénurie de dons a été aggravée par la forte demande à laquelle les supermarchés ont été confrontés, en raison des réserves que se constituaient les consommateurs, mais aussi de la fermeture des restaurants et des cafés. S’ensuivit une chute du volume disponible de surplus alimentaires susceptibles d’être donnés. Même les banques alimentaires qui pouvaient acheter des produits ne parvenaient pas à trouver suffisamment de stocks disponibles pour faire face aux demandes de leurs bénéficiaires. L’auteure ajoute que la restriction des déplacements et l’obligation de respecter les distances physiques ont limité le nombre de bénévoles pouvant travailler dans les banques alimentaires. Les occasions d’interactions pour des individus nécessiteux isolés ont été singulièrement réduites. À cela s’ajoutent des contraintes plus « macro », comme le Brexit avec ses conséquences, d’une part sur le renchérissement des denrées importées, et d’autre part sur le durcissement des conditions d’entrée au Royaume-Uni — et, partant, une limitation du nombre de saisonniers étrangers employés dans l’agriculture, entraînant une baisse de la production agricole. L’aide gouvernementale aux entreprises est désormais massive, mais Pat Caplan rappelle qu’elle succède à des années d’austérité et de démantèlement des services publics centraux et locaux. Une part accrue de la population est entrée, avec la Covid-19, dans une phase de rationnement. Et l’auteure de rappeler les situations de restrictions alimentaires liées à la grande dépression de 1880 et à la Seconde Guerre mondiale qui, paradoxalement, ont contribué à l’amélioration de la nutrition du fait d’une diminution de la consommation de viande et de l’encouragement à cultiver et à consommer des légumes. Pat Caplan, par cette évocation, veut-elle suggérer que la crise sanitaire a entraîné de nouvelles modalités de consommation alimentaire qui pourraient avoir un effet bénéfique sur la santé ? Elle ne l’écrit pas explicitement. L’essentiel de son propos a trait au rôle des banques alimentaires dont l’existence montre que, dans la situation de crise sanitaire actuelle, « quelque chose est en train d’être fait » (« something is being done », p. 9), mais qui est notoirement insuffisant. Une consommation accrue des plus nantis a contribué à l’augmentation des profits de l’industrie alimentaire. La responsabilité des entreprises pour faire face à l’insécurité alimentaire est donc engagée. Mais la responsabilité incombe surtout, écrit Pat Caplan, aux pouvoirs publics dont les politiques économiques ont eu pour conséquences d’augmenter la précarité et de réduire l’activité des services sociaux.

Commentant l’article de Pat Caplan dans le même numéro, Martin Caraher (pp. 26-27), spécialiste des politiques de santé et de l’alimentation, insiste en partageant l’idée que la charité ne saurait être une solution pour faire face à l’insécurité alimentaire. Il déplore les coupes dans les budgets de la santé et plaide pour une approche plus volontariste. Les délais pour la mise en place de réponses telles que les bons d’échange (vouchers) pour se procurer des repas gratuits, ou l’introduction d’un revenu de base universel (Universal Credit), ne permettent pas de s’ajuster aux besoins, en temps et en heure, des plus pauvres. Martin Caraher fait remarquer que rien n’a été fait pour assurer la sécurité des travailleurs les plus exposés (infirmières, livreurs, commis…), alors que les entreprises payent des dividendes aux actionnaires et acceptent des aides de l’État. Reprenant les termes du rapporteur spécial pour l’alimentation des Nations Unies, Martin Caraher rappelle que l’assistance alimentaire devrait prendre la forme du droit à une protection sociale (social security). L’épidémie rend alors surtout visibles ici les incuries passées des politiques publiques, repérables bien antérieurement à la dissémination du virus.

Jusqu’à quel point cependant faut-il envisager une politique étatique contraignante ? C’est la question que pose Nancy Scheper-Hughes (pp. 22-24 du numéro 36/3), qui vante la réussite de Cuba dans la gestion de l’épidémie de sida — seul pays, dit-elle, à avoir endigué l’épidémie avant la découverte des antirétroviraux. Nancy Scheper-Hughes rappelle que très tôt Cuba organisa une campagne de dépistage de masse et réhabilita un bâtiment colonial pour en faire un « sanatorium du sida ». Ce bâtiment n’était pas un lieu d’isolement complet, mais à la fois un lieu de vie, un centre de recherche épidémiologique, un centre de prise en charge et de traitement, où militaires et civils recevaient le même traitement. Nancy Scheper-Hugues n’hésite pas à avancer que la pire erreur à propos de l’épidémie de sida aux États-Unis fut la décision de rendre optionnel et volontaire le test de dépistage du VIH, et de placer la lutte contre le sida sur le plan des droits humains, au lieu de considérer le sida comme une catastrophe épidémique. Pour Nancy Scheper-Hugues, c’est donc sans surprise que des centaines de médecins cubains ont été appelés dans le monde pour des conseils dans la gestion de la pandémie à coronavirus. Le savoir-faire cubain dans le secteur de la santé est indéniable et reconnu, notamment en matière d’organisation de l’offre de santé de première ligne (voir par exemple Dugas et Van Dormael 2003). On connaît l’engagement de l’auteure en faveur des plus pauvres, ainsi que ses positions très critiques à l’égard d’une anthropologie insuffisamment impliquée, notamment dans la mise en évidence des déterminants des inégalités (Scheper-Hughes 1995) ; pour souligner son engagement, l’anthropologue rappelle d’ailleurs dans le présent article qu’après avoir espéré devenir une sœur carmélite, elle s’était muée en agent de santé révolutionnaire au Brésil, pendant la dictature. Je reconnais que la gestion de la pandémie à coronavirus aujourd’hui dans les pays du Nord a insuffisamment tiré les leçons de l’épidémie de VIH/sida en matière de prise en charge de proximité, notamment à partir de l’expérience acquise dans les pays du Sud (Gruénais et Tantchou 2020). Mais on peut mettre en parallèle les stratégies de prévention de la Covid-19 et du sida jusqu’à un certain point seulement. Les modes de transmission sont bien différents ; si le dépistage de masse peut se justifier dans les deux cas, en prenant alors notamment exemple sur son organisation à Cuba, les stratégies de prévention ne peuvent pas être totalement identiques : l’isolement des personnes infectées par le VIH/sida n’a pas de sens, alors qu’elle peut se comprendre pour les personnes infectées par le SARS-CoV-2.

Les réponses (politiques) sont évidemment situées. L’article de Roberto J. González et John Marlovits (pp. 11-15 du numéro 36/3) rappelle combien les réponses gouvernementales ont été différentes en Chine (instauration d’un cordon sanitaire), au Brésil (décisions de fermetures d’écoles et d’entreprises au niveau local, ignorées par le gouvernement fédéral), et à Taiwan (dépistage de masse et mise en quarantaine des personnes infectées). C’est l’occasion pour les auteurs de souligner la spécificité du lockdown aux États-Unis. Cette spécificité est à inscrire dans une histoire longue d’une tendance à l’isolement — auparavant dans un contexte de Guerre froide, puis, sous l’égide du Président Donald Trump, d’opposition à la Chine, tendance qui contribue à forger une « mentalité de bunker » (p. 14). Les auteurs donnent l’exemple des Californiens, confrontés aux tremblements de terre et aux feux de forêt, qui suivent tout particulièrement les préconisations gouvernementales pour lutter contre la pandémie, alors même qu’ils sont plutôt moins touchés que le reste de la population américaine. La confrontation récurrente de certaines populations à des risques environnementaux contribuerait-elle à une meilleure appropriation des directives de prévention ? Mais avant de conclure trop vite en ce sens, je rappelle la tendance à « l’euphémisation » des risques environnementaux (Flanquart 2019) pour les populations les plus concernées par ces risques, avec pour conséquence un déni de l’exposition à ces risques (Zonabend 1993). En même temps, les travaux sur le VIH/sida ont montré que la sensibilisation à des risques sanitaires, et infectieux en particulier, est d’autant plus grande que l’on a côtoyé des personnes touchées par la maladie (voir Nyblade et al. 2009), au point parfois de prendre des risques — comme, par exemple, la non utilisation des gants par les personnels de santé auprès de malades du sida, pour ne pas éveiller de soupçons sur la nature de leur mal (Gruénais et Ouattara 2008)5. Le rapport aux risques environnementaux et aux risques sanitaires n’est peut-être pas à placer sur le même plan : euphémisation du risque, réalité visible de la menace, adoption d’attitudes de prévention entrent certainement en résonance dans une dialectique complexe, en fonction du contexte et de la nature du risque.

Il est indéniable, comme le montre l’article de Jaymelee J. Kim, Amanda J. Reinke, Erin R. Eldridge et Maya Grant (pp. 17-19 du numéro 36/4) consacré à la différence des réponses politiques dans deux États, la Géorgie et l’Ohio, que les décideurs sont eux-mêmes à l’origine de l’incohérence des réponses. Dans l’Ohio, le gouverneur a organisé des conférences de presse quotidiennes avec des représentants du Département de la santé de cet État. Il en était appelé à la solidarité pour respecter les contraintes de distance physique et aider les plus vulnérables. Alors que les périodes de restrictions s’allongeaient, le nombre des décès augmentait, le chômage prenait de l’ampleur, la communication régulière a permis une acceptation de la « liminalité » (ici, les auteurs reprennent le concept tel qu’il a été théorisé par Victor Turner en 1974) créée par la pandémie, en atténuant l’anxiété et la peur engendrées par l’incertitude. En Géorgie, en revanche, le gouverneur donnait peu de détails : il organisait très irrégulièrement des conférences de presse, sa communication était peu claire, il relayait la cascade de décrets présidentiels, sans agenda précis de fermeture, ni de propositions quant aux équipements de protection pour les commerçants et leurs clients. La construction sociale minutieuse de la pandémie dans l’Ohio par les fonctionnaires a permis de rationaliser la production de connaissances, de susciter des attentes en matière de changement social et de donner le sentiment d’une communication bien informée avec les dirigeants. Inversement, selon les auteurs, le gouverneur de Géorgie a suscité de la confusion et de l’incertitude chez ses administrés. La variabilité des décisions et des attitudes à l’égard de la pandémie sont-elles liées aux cultures politiques ? Oui et non, serait-on tenté de répondre à la lecture d’un article récent de Didier Fassin (2021). Évoquant la situation aux États-Unis, il précise :

« Il n’y a pas eu de rejet massif du confinement aux États-Unis… Dans ce système fédéral, chaque État dispose d’une large autonomie. Un certain nombre de gouverneurs républicains ont refusé le confinement, ou l’ont retardé et suspendu très tôt, celui de Géorgie s’étant rendu célèbre pour ses décisions hétérodoxes… À l’opposé, la plupart des gouverneurs démocrates, à commencer par ceux de Californie et de New York, ont dès la mi-mars mis en place un confinement. Dans certains cas, des protestations contre ces mesures ont eu lieu, comme en Virginie, dans le Minnesota et dans le Michigan, et elles ont été médiatisées bien au-delà de leur importance en termes de personnes mobilisées. Mais il est vrai que, de manière moins spectaculaire, beaucoup dans le pays ont suivi l’exemple de Donald Trump en refusant de porter le masque et de respecter la distanciation. Il faut certainement y voir une tradition libertarienne qui valorise la liberté individuelle contre les injonctions de l’État fédéral… ».

Dans la construction des connaissances et la gestion des catastrophes, les positions et les directives des dirigeants politiques contribuent très certainement à la construction d’une conceptualisation collective de la pandémie, et à la visibilisation de celle-ci.

Quelle est la bonne décision à prendre et à quel moment ? Cette question se pose à la lecture de l’article de Catarina Fróis (pp. 26-27 du numéro 36/3) qui commente la décision portugaise de relâcher les prisonniers condamnés à moins de deux ans de prison ou en fin de peine (à l’exclusion des détenus condamnés pour meurtre, violence domestique et abus sexuel). Le débat politique sur cette décision, sans aboutir à un consensus parmi l’ensemble de la classe politique portugaise, n’a pas donné lieu à des oppositions catégoriques. Or, selon l’auteure, cette décision humanitaire, qui a priori relève du bon sens pour limiter les infections dans des prisons surchargées, a été mise en œuvre dans la précipitation. Les juges auraient eu besoin de temps pour évaluer l’éligibilité des détenus (ceux dont les peines étaient inférieures à deux ans, ceux de plus de 65 ans, ceux qui avaient encore deux ans de détention à accomplir…) pour libérer les « bons détenus », répondant pleinement aux critères définis. De plus, il aurait fallu s’assurer en amont que les détenus libérés puissent bénéficier d’un toit à leur sortie de prison ou compter sur des réseaux de solidarité pour les héberger, et trouver un emploi. L’auteure souligne que, paradoxalement, alors que les autorités portugaises ont contraint la population à la quarantaine, elles ont libéré des détenus sans réflexion approfondie sur leur situation au sortir des prisons. Pour l’auteure, la pandémie actuelle inverse certaines de nos préconceptions sur la prison, sur le confinement et la sécurité. L’issue de décisions uniformes, pour quiconque connaît l’univers carcéral, sera nécessairement imparfaite, conclut-elle.

Très opportunément, Emmanuelle Roth propose dans le numéro 36/4 (pp. 13-16) une revue de littérature synthétique au sujet des « temporalités épidémiques », dont la particularité est qu’elles sont immédiatement absorbées par le contexte socio-économique. Quelle est la nature de l’événement-épidémie : rupture d’intelligibilité, « palimpsestes désordonnés de temporalités dissonantes » (« messy palimpsests of dissonant temporalities ») selon la belle expression des auteurs (p. 13)6 ? Une épidémie existe avant l’épidémie, comme en témoignent les mesures de prévention et les politiques d’anticipation (« preparedness policies »). Autrement dit, par exemple, on vaccine contre la grippe avant que l’épidémie ne survienne. Les médias, les entreprises, les médecins invitent à tirer dès aujourd’hui les leçons de l’épidémie actuelle pour une meilleure réponse de l’épidémie à venir7. Dans ce temps d’avant l’épidémie, selon l’auteure, deux notions prédominent : la « prophétie pandémique » (« pandemic prophecy »), qui ouvre la voie à toutes les visions apocalyptiques, dans l’attente de la prochaine épidémie, et les « dispositifs sentinelles » (« disease sentinel »), soit des dispositifs de surveillance. Dans cette période de « pre-event configuration », la problématique de la prédictibilité se construit. Dans la phase suivante, soit pendant l’épidémie, le paradigme de l’urgence structure le temps. Cette phase aurait particulièrement attiré les anthropologues, qui mettent plutôt l’accent sur l’analyse de la mise en forme des réponses (la communication, les politiques, leurs inscriptions dans des dynamiques préexistantes), et dont les travaux soulignent la tension entre le temps social et le temps de l’urgence. Enfin, la phase post-épidémie, qui aurait davantage intéressé les historiens, amène à s’interroger sur ce qu’est la fin d’une épidémie — pour le paradigme médical, pour les politiques, pour les populations, surtout lorsque d’anciennes maladies ressurgissent (choléra, peste…). Au bout du compte, la perspective temporelle amène à resituer les ruptures liées aux épidémies dans des cycles spatio-temporels ; elle permet de dessiner des « ensembles » (« clouds ») où se rencontrent les temporalités des collectivités, des individus, mais aussi des animaux et des virus. Le retour sur les temporalités, dans cet article, est particulièrement bienvenu car, peu ou prou, tous les articles de la revue consacrés à la pandémie insistent, à raison, sur l’importance de la prise en compte de la profondeur historique et des enseignements à tirer des épidémies passées.

J’évoquerai pour terminer les contributions de A. David Napier qui figurent en tête du numéro 36/3 (pp. 3-7). Dans son éditorial, A. D. Napier, anthropologue médical, très impliqué dans des comités internationaux et dont la voix porte dans le Lancet, une des principales revues internationales de santé publique, et auprès du secrétariat général de l’Organisation Mondiale de la Santé, invite à cesser de considérer les virus, dont le SARS-CoV-2, comme un envahisseur ou un ennemi. Il souligne que se limiter à une telle conception accroît des vulnérabilités bien connues, liées aux insuffisances institutionnelles, à l’égoïsme de gouvernements qui se replient sur eux-mêmes, augmentant la méfiance plutôt que de l’apaiser. Ceux-ci devraient plutôt investir massivement dans des « biens communs ». Cette conception du virus comme ennemi fait aussi le lit d’une « confiance illusoire » (« mistaken trust »), dans une médecine qui fait figure de panacée pour édicter des normes de comportement aux acteurs sociaux. Napier prolonge cette réflexion introductive dans son article sur le concept « d’immunité collective ». Revenant sur des travaux qu’il a menés depuis plus de 25 ans, fort d’observations à propos des épidémies passées de la dengue et d’Ébola, Napier insiste en affirmant que les virus ne sont pas les ennemis de la santé publique, que le système immunitaire fonctionne par assimilation des différences entre l’hôte et l’agent pathogène. Je peux rappeler à cet égard que dans les années 1950, à propos de la lutte contre le paludisme en Afrique, sachant qu’une immunité relative s’acquiert du fait d’une exposition continue au parasite, certains spécialistes des pays colonisateurs étaient partisans de ne pas éradiquer les moustiques vecteurs de la maladie, précisément pour ne pas risquer de supprimer cette immunité (Fintz 2006). Napier rappelle aussi que la vaccination contre la dengue a pu contribuer à accroître la sensibilité à de nouveaux variants. Il prend également l’exemple des norovirus, très contagieux, responsables de gastro-entérites, occasionnant vomissements et diarrhées, présents dans la population avant que l’épidémie ne survienne, avec de nombreux variants qui circulent sans être détectés. La multiplication des variants du SARS-CoV-2 (anglais, brésiliens, sud-africains, bretons, indiens…), progressivement découverts dans tous les pays, conduit à s’interroger sur l’efficacité des vaccins et donne raison à Napier sur les résistances qui pourrait être induites par les vaccins. Napier affirme que les changements génétiques ne sont pas suffisants pour être à l’origine d’une épidémie et qu’il faut cesser de considérer les virus comme des acteurs : « les virus, comme n’importe quelle information, sont œcuméniques : ni totalement bons, ni totalement mauvais » (« we must at all costs stop confusing viruses with living, infectious agents. Viruses, like many types of information, are ecumenical: not entirely good, not entirely bad », p. 7). S’en prenant aux dépenses « stupides », selon l’auteur, des gouvernements qui investissent surtout dans l’auto-reproduction de leurs instances administratives plutôt que dans l’intérêt des plus vulnérables, Napier invite à documenter le plus précisément possible les situations de vulnérabilité des groupes humains (herd) liées à l’urbanisation, à l’instabilité sociale, aux déplacements de populations, et à cesser d’ignorer les dimensions sociales qui stimulent les épidémies. À oublier d’inclure sérieusement la santé dans toutes les politiques, écrit-il en substance, nous resterons mal préparés à faire face aux nouvelles épidémies.

Le texte militant de Napier, volontiers provocateur, a le très grand mérite de nous mettre en garde contre la personnalisation, voire la substantialisation du virus. Faut-il rappeler qu’un virus n’est pas un acteur autonome et qu’il ne peut vivre sans un hôte humain et/ou non humain ? Avec des éclairages et des tons très différents, les articles de la revue Anthropology Today consacrés à l’épidémie actuelle font finalement l’éloge de la complexité des conséquences bien réelles de cet objet invisible qu’est le virus. Souvent avec une verve militante bienvenue, parfois avec des plaidoyers pro domo pour la discipline un peu appuyés, les auteurs abordent toutes les dimensions attendues de l’analyse des épidémies : inégalités et bien sûr vulnérabilités, racisme, identités nationales, représentations, politiques globales, mise en œuvre locale des directives, médicalisation, mises en perspectives historiques, pour l’essentiel à propos de pays du Nord (États-Unis, Grande-Bretagne, Grèce, Portugal). Un petit regret cependant pour l’africaniste que je suis : l’absence de contribution sur une situation dans un pays en développement (l’article de N. Scheper-Hughues sur Cuba ne traite pas vraiment de l’épidémie actuelle), peut-être en raison des difficultés à réaliser une ethnographie rigoureuse dans ces pays en raison des contraintes sanitaires8. Si elle procède d’observations, la diversité des points de vue exprimés dans les deux numéros de la revue n’est pas toujours fondée sur une ethnographie précise, à l’exception de l’article de Caplan sur les banques alimentaires et de Stammler et Ivanova sur les nomades de Sibérie. Les points de vue n’en restent pas moins très sérieusement documentés et référencés, et surtout très stimulants, à l’exemple des propositions de A. D. Napier, éditeur du numéro spécial, à même de modifier notre façon de concevoir les virus. C’est là tout le mérite de cette revue très spécifique dans le paysage académique.

1 Pour une présentation de cette célèbre revue liée au Royal Anthropological Institute, voir le site : https://rai.onlinelibrary.wiley.com/hub/journal

2 Lors d’une mission au Burkina Faso en août 2021, où des mesures strictes de confinement avaient été prises en mars 2020, nombre de mes

3 « The [WHO’s] expert team also dismisses as “extremely unlikely” the possibility that the virus emerged accidentally from a Chinese laboratory, even

4 Les maladies infectieuses qualifiées « d’invisibles » sont légions, dans les publications scientifiques et dans les médias. Par exemple, c’était le

5 Quiconque a vu le célèbre film Ben-Hur de W. Wyler sorti en 1959 se souviendra, dans une des scènes finales, de l’immense empathie manifestée par

6 Je rappellerai que, selon le CNRTL, au sens figuré, un palimpseste est « une œuvre dont l’état présent peut laisser supposer et apparaître des

7 Je laisse le soin au lecteur de faire des recherches sur internet en entrant l’expression « tirer les leçons de l’épidémie actuelle » pour apprécier

8 S’agissant de l’Afrique, pour l’univers francophone, on pourra néanmoins se rattraper avec le site de la revue Politique africaine [en ligne], https

Augé Marc, Herzlich Claudine (dir.), 1984, Le sens du mal. Anthropologie, histoire, sociologie de la maladie. Paris, Archives contemporaines.

Defoe Daniel, 1959 [1722], Journal de l’année de la peste. Paris, Gallimard.

Desclaux Alice, 1997, L’épidémie invisible : anthropologie d’un système médical à l’épreuve du sida chez l’enfant à Bobo Dioulasso, Burkina Faso. Thèse de doctorat en anthropologie, Université Aix-Marseille 3.

Dugas Sylvie et Van Dormael Monique, 2003, La construction de la médecine de famille dans les pays en développement. Anvers, ITG Press, Studies in Health Services Organisation and Policy, n° 22.

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Fintz Matthieu, 2006, « Les métamorphoses du gouvernement du parasitisme en Afrique. Insecticides, frontières et civilisation dans la lutte antipaludique (1930-1962) », Politix, vol. 74, n ° 2, p. 149-171.

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1 Pour une présentation de cette célèbre revue liée au Royal Anthropological Institute, voir le site : https://rai.onlinelibrary.wiley.com/hub/journal/14678322/productinformation.html (consulté le 06.12.2021).

2 Lors d’une mission au Burkina Faso en août 2021, où des mesures strictes de confinement avaient été prises en mars 2020, nombre de mes interlocuteurs, en particulier du secteur de la santé, interrogés à ce sujet me rapportaient que le public doutait de l’existence réelle de la maladie, faute d’avoir vu un patient atteint.

3 « The [WHO’s] expert team also dismisses as “extremely unlikely” the possibility that the virus emerged accidentally from a Chinese laboratory, even though some scientists say that it is “an important question to explore” » (Hernández et Gorman 2021).

4 Les maladies infectieuses qualifiées « d’invisibles » sont légions, dans les publications scientifiques et dans les médias. Par exemple, c’était le cas de l’infection à VIH/sida (Desclaux 1997). L’expression est également reprise dans le documentaire de Raphaël Hitier et Anne Poiret de 2014, produit et diffusé par la chaîne de télévision ARTE et intitulé « Épidémies, la menace invisible ». Le terme est également repris dans l’article de Manuella Pellegrino évoqué ici dans son article intitulé « Covid-19 : The “invisible enemy” and contingent racism. Reflections of an Italian anthropologist conducting fieldwork in Greece » (pp. 19-21 du numéro 36/3).

5 Quiconque a vu le célèbre film Ben-Hur de W. Wyler sorti en 1959 se souviendra, dans une des scènes finales, de l’immense empathie manifestée par Judas Ben-Hur envers sa mère et sa sœur, atteintes de la lèpre. En dépit de toutes les mises en garde lui enjoignant de ne pas s’approcher d’elles pour éviter toute contamination, y compris par les intéressées elles-mêmes, il leur rend visite et les prend dans ses bras.

6 Je rappellerai que, selon le CNRTL, au sens figuré, un palimpseste est « une œuvre dont l’état présent peut laisser supposer et apparaître des traces de versions antérieures » ou encore un « mécanisme psychologique tel que les faits nouvellement mémorisés se substituent à ceux qui leur préexistaient dans la mémoire » (https://www.cnrtl.fr/lexicographie/palimpseste, consulté le 06.12.2021).

7 Je laisse le soin au lecteur de faire des recherches sur internet en entrant l’expression « tirer les leçons de l’épidémie actuelle » pour apprécier la diversité et le nombre de sites qui se préoccupent de préparer les situations à venir.

8 S’agissant de l’Afrique, pour l’univers francophone, on pourra néanmoins se rattraper avec le site de la revue Politique africaine [en ligne], https://polaf.hypotheses.org/category/covid (consulté le 06.12.2021), ou encore le site du Réseau Ouest Africain Anthropologie des Épidémies Émergentes [en ligne], https://shsebola.hypotheses.org (consulté le 06.12.2021).

Marc-Éric Gruénais

Marc-Éric Gruénais est professeur des universités à l’université de Bordeaux et chercheur à l’UMR 5115 Les Afriques dans le monde (LAM).

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